Méditerranée : L’Occitanie, pionnière en récifs artificiels

Au Cap d’Agde, on a installé cet été une barrière de 32 récifs artificiels en 3 D pour préserver la biodiversité. C’est une première mondiale née de la transmission d’un long savoir-faire en Méditerranée et au-delà. Passionnante chronique de Renaud Dupuy de la Grandrive, directeur de l’aire marine protégée de la côte agathoise.

Partout dans le monde, c’est le domaine de la pêche professionnelle qui a engendré la création de récifs artificiels. Depuis très longtemps en Afrique les éleveurs des poissons tilapia ont implanté des substrats artificiels avec des tiges de bambous pour améliorer leur pêche.

Dans les années 1980 se développent des projets. Au Sénégal (pneus, épaves, carcasses de voiture) ; en Italie (gros cubes de béton), en Espagne (récifs anti-chaluts pour protéger les herbiers de Posidonies), au sud du Portugal (protection des habitats et des juvéniles), en Grande Bretagne (recyclage de matériaux de carrières pour les crustacés et, plus singulier, le premier récif dédié au surf à Boscombe en 2008). Aux États-Unis la vocation halieutique des années 1980 est suivie de la valorisation récréative pour la pêche de loisirs (17 millions de pêcheurs sur ces sites aménagés!) ou pour les plongeurs avec plus d’un millier de zones aménagées (grandes épaves dépolluées, gros Reefball, et même plus de 80 anciennes plateformes pétrolières…)

Japon, leader mondial, avec un soutien aux pêcheries

Mais le leader mondial c’est le Japon avec un objectif unique de soutien aux pêcheries, avec 20 millions de mètres cubes immergés. Les techniques datant du XVIIème siècle (pierres, bois) sont devenues très modernes avec métal et béton pour des structures pouvant dépasser 100 mètres de haut ! Une véritable industrie publique ou privée qui génère des milliards d’euros.

Les premiers récifs artificiels de la région sont nés sous l’impulsion des prud’homies de pêche, notamment à Palavas en 1968. Trois autres phases ont suivi : en 1984, 1985, en 1990 puis, dans les années 2000. Cinquante ans plus tard, ce sont près de 30 000 mètres cubes de structures immergées en Languedoc-Roussillon, avec le soutien, notamment, de la région Occitanie et des départements, pour un montant total de six millions d’euros. Ce qui reste à comparer avec la plus grande opération du Prado, à Marseille pour 27 300 mètres cubes à  six millions d’euros.

L’équivalent de 9 000 terrains de foot le long des côtes

En région, à Argelès sur mer, Canet en Roussillon, Saint-Cyprien, Le Barcarès, Port-la-Nouvelle, Gruissan, Valras, Agde, Marseillan, et le golfe d’Aigues-Mortes, ce sont aujourd’hui 66 kilomètres carrés de côtes qui sont équipés, soit 9 000 terrains de football, à une profondeur entre 10 mètres et 35 mètres de fond. Ils étaient prévus au départ surtout pour constituer des obstacles au chalutage illégal dans la bande des trois milles nautiques avec des systèmes de buses issues du BTP. Les objectifs sont passés vers la production halieutique et plus récemment vers la restauration écologique.Ainsi, il existe une multitude de design de récifs artificiels : buses, double buses, Bonna, Keops, Typi, panier…et tous n’ont pas la même efficacité. Les suivis scientifiques menés pendant de nombreuses années montrent que les buses anti-chalutage (qui ont bien joué ce rôle) n’ont plus la cote car elles produisent très peu de biomasse marine et ont tendance à s’enfoncer dans le substrat. Les réussites sont plutôt dans les structures complexes, les assemblages à grande échelle permettant de cibler les adultes et les juvéniles, voire des corridors entre récifs. Les résultats sont parfois spectaculaires comme les récifs paniers installés au large de la commune d’Agde où, en dix ans, les stocks de langoustes sont devenus très importants.

La question de la gestion de ces récifs…

La question de la gestion des récifs est aussi problématique en région car une fois les opérations souvent prévues au coup par coup, il n’y a plus de gouvernance locale ni de gestion intégrée associant les acteurs maritimes. Couplé avec la réalité de procédures administratives longues et complexes pour obtenir les concessions de l’Etat, c’est d’ailleurs une des raisons qui explique la frilosité des porteurs de projets et des financeurs puisqu’aucun dossier d’envergure n’est prévu pour l’instant sur nos côtes.

Du nouveau avec la restauration écologique, l’ingénierie écologique et le concept de récifs multi-usages

Des nurseries artificielles de type Biohut® pour les jeunes poissons, modules en acier remplis de coquilles d’huîtres sont installées dans les ports (les premiers l’on été à Marseillan), sous les pontons et sur les quais et permettent à la zone équipée de retrouver sa fonction initiale de nurserie.

Originale et novatrice aussi, la démarche s’est orientée récemment vers l’installation de récifs artificiels construits par imprimante 3D avec plusieurs fonctions : ainsi en est-il au Cap d’Agde, dans l’Aire marine protégée de la côte agathoise, dans le cadre d’un grand projet de reconquête de la biodiversité Récif lab, porté par la ville d’Agde avec la société Seaboost, financé par l’Ademe, la Région Occitanie et l’Agence de l’eau. Trente-deux récifs 3D dits XReef ont été disposés sous le balisage de la bande des 300 mètres, faisant office à la fois de corps morts et de nurserie-refuge pour la biodiversité marine. Et ça marche très bien ! C’est une solution évidemment réplicable à d’autres collectivités locales littorales de la région.

Un grand récif pour les plongeurs en 2021 !

Plus ambitieux encore et première en France à venir, toujours au Cap d’Agde, un grand récif artificiel dédié aux plongeurs sous-marins, en partie construit en 3 D est prévu pour 2021. Sans doute que le prochain Congrès mondial des récifs artificiels qui se tiendra au Palais des Congrès du Cap d’Agde à l’automne 2021 permettra de mesurer l’avancée dans ce domaine. Cela dit, rien de mieux que des milieux naturels avec leur biodiversité marine associée en bon état de santé car ils sont plus productifs que les structures artificielles, à tous les niveaux.

Renaud DUPUY DE LA GRANDRIVE

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