Méditerranée : L’incroyable longévité des flamants roses dont un de… 44 ans !

Un flamant rose de 44 ans, le plus vieux de l'Hexagone. Photo : Céline Laurens

Bagué en 1977, en Camargue, c’est le plus vieux spécimen connu en France ! L’occasion pour Renaud Dupuy de la Grandrive, directeur du milieu marin de la ville d’Agde, d’expliquer, dans sa chronique, les comportements de grand voyageur de ces grands oiseaux emblématiques d’Occitanie. Lui-même en a bagué un de 30 ans…

De l’Andalousie à Agde, en passant par la Tunisie, la Sardaigne, la Camargue et récemment les étangs de Frontignan ! Eh oui les flamants roses peuvent migrer et leur baguage par les ornithologues permet de retracer leur périple. 2/V2 avait la bougeotte ! Baguée poussin “2/V2”, son nom de code, à la lagune de Fuente de Piedra en Andalousie le 20 juillet 1991, j’observais cette femelle juste un mois plus tard le 16 août 1991 à Agde dans la réserve naturelle nationale du Bagnas.

Aux quatre coins de la Méditerranée

Elle voyage ensuite aux quatre coins de Méditerranée occidentale et se reproduit une première fois dès mai 2 000 dans le célèbre étang du Fangassier en Camargue. Et voilà que le 19 décembre dernier, Céline Laurens, adhérente de la LPO l’observe dans l’étang d’Ingril à Frontignan ! Soit déjà une belle vie de 30 ans d’existence ! Céline Laurens, naturaliste, fine observatrice du monde animal, a même “coché” à Frontignan le plus vieux flamant rose connu en France soit 44 ans ! Un animal qu’elle a elle-même photographié Preuve que pour que cette vie sauvage s’épanouisse ainsi, nous avons besoin, partout en Méditerranée, de havres de paix telles que les réserves naturelles, les parcs régionaux et nationaux, les sites Natura 2 000 et ceux du Conservatoire du littoral !

Six espèces de flamants roses dans le monde

Les flamants roses sont des nomades au-delà des frontières. Ils parcourent la Méditerranée depuis la nuit des temps, parfois pendant près de 50 ans, ce que prouvent les dernières observations naturalistes ! Quand il y a flamant… et flamant On pense communément flamant en tant que flamant rose, pourtant ce sont six espèces de flamants qui fréquentent notre planète : le flamant rose, greater flamingo, Phoenicopterus roseus ; le flamant des Caraïbes (ou flamant de Cuba ou flamant rouge), caribbean flamingo, Phoenicopterus ruber ; le flamant du Chili, Chilean flamingo, Phoenicopterus chilensis ; le flamant nain, Lesser flamingo, Phoeniconaias minor ; le flamant des Andes, Andean flamingo, Phoenicoparrus andinus et le flamant de James, Puna flamingo, Phoenicoparrus jamesi.

 Comment différencier les six espèces de flamants

Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive

Parmi ces six espèces de flamants c’est l’espèce Phoenicopterus roseus, le flamant rose, qui fréquente surtout la Méditerranée, autour de 50 000 individus entre printemps et été. Parfois le Flamant des caraïbes, aux couleurs plus rouges, peut y faire quelques incursions, souvent échappé de parcs animaliers.

Le flamant rose est aussi présent en Afrique du sud et de l’est, surtout au Kenya et Tanzanie, mais aussi en Namibie, Angola, Sénégal, Guinée ou Sierra Léone. Et plus curieusement parfois en plein Sahara, en Algérie, dans certains chotts et sebkhas (Ezzemoul). On le rencontre aussi sur la côte ouest de Madagascar. Au Moyen-Orient, il est présent sur la côte ouest de l’Arabie saoudite, en Irak, en Iran. Enfin en Asie il fréquente l’Inde et plus rarement le Pakistan.

Plus de 200 km dans une journée

C’est un oiseau nomade qui peut parcourir près de 200 km dans la journée pour trouver sa nourriture préférée (crevettes artemias, vers, insectes…), et il ne se reproduit pas forcement chaque année. Pour se nourrir, se reposer, se toiletter, et surtout se reproduire, les flamants roses ont besoin de grands espaces naturels de zones humides, de lagunes peu profondes, saumâtres ou salées, d’îlots peu ou pas végétalisés.

Population méditerranéenne en bonne santé

Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive

Si la population méditerranéenne de flamants est enfin plutôt en bonne santé et même en extension – ce qui oblige d’ailleurs en Camargue à trouver certains équilibres avec d’autres activités humaines -, la fragilité du bon état de conservation des zones humides, dont 35 % ont déjà disparu en 50 ans, conditionne largement leur survie ailleurs dans le monde.

Ainsi, le million de flamants du célèbre lac Lakuru au Kenya a largement déserté en 2017 ce hot spot écologique mondial en raison de l’adoucissement du lac (facilité par le défrichement de forêts en amont), et de problèmes de pollution et d’urbanisation.

Plus de 700 000 bagues en 40 ans

Si c’est surtout d’abord par l’observation directe aux jumelles et longues-vues que la connaissance des flamants s’est faite dans le monde scientifique et naturaliste, la pose de bagues et de balises GPS sur ces oiseaux emblématiques a révolutionné les pratiques. Longtemps bagués en France dans l’étang du Fangassier en Camargue, le salin d’Aigues Mortes, propriété des Salins du Midi, est devenu le premier territoire d’accueil des flamants roses depuis 2016 avec environ 15 000 adultes et de 6 000 poussins.

Six cents poussins bagués cet été

Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive

Cet été 2021 près de 120 personnes ont participé à l’opération de baguage de 600 poussins. Ils rejoignent ainsi les 30 000 flamants déjà bagués depuis 1977 sous l’égide de la station biologique de La Tour du Valat, fondation privée créée par Luc Hoffman (petit fils de la société Hoffman-La Roche, aujourd’hui Roche), aujourd’hui dirigée par Jean Jalbert.

Mettre la bague… à la patte

L’opération consiste à équiper chaque année les pattes d’un poussin avec deux bagues (une en plastique, l’autre en aluminium) de quelques centimètres sur laquelle est gravé notamment un code unique avec lettres et/ou symboles, lisible de loin.

Programme de recherche de France, Algérie, Italie…

Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive

La lecture des bagues de ce programme international impliquant chercheurs, gestionnaires de sites protégés et naturalistes de France, d’Espagne, d’Italie, d’Algérie, de Mauritanie et de Turquie permet de mieux connaitre leurs périples (migration, regroupements, dispersion des jeunes et des adultes…), leur durée de vie et la fréquence de leur reproduction.

L’historique de vie d’un flamant rose bagué en Turquie

Certains pays ont bagué plus tardivement les flamants, tels l’Algérie en 2006, trois ans après que le professeur Boudjemaâ Samraoui et l’équipe de son laboratoire de recherche sur les zones humides de l’université de Guelma découvrent une première colonie de flamants dans le Sahara à Sebkhat Ezzemoul, qui atteindra 12000 nicheurs en 2009, dont 2000 poussins seront bagués.

Pour autant, ils peuvent aussi être plutôt sédentaires comme le confirme cette observation de Céline Laurens. Elle relate ainsi dans son groupe Facebook La biodiversité en Hérault, sa “coche”, comme on dit en langage ornitho, du 19 décembre 2021 dernier à Frontignan d’un flamant mâle qui a été bagué ANN à l’étang du Fangassier en Camargue le… 20 juillet 1977 ! Soit 44 ans et demi d’une vie que son itinéraire bagué permet de révéler qu’il semble être resté tout ce temps en Camargue et dans l’Hérault, et qu’il a été onze fois papa, la dernière fois à 43 ans, pour ce plus vieux flamant rose connu en France !

Un oiseau qui mobilise les experts

Domaine tour du Valat. Ph. Jean Jalbert

La Gazette des flamants de novembre 2021 – qui s’adresse à ceux qui participent à l’opération de parrainage de la Tour du Valat des flamants – nous fait part d’informations singulières sur cette espèce. Ainsi on apprend que KVTB est le 1er flamant français observé en Roumanie au lac Tuzla le 10 septembre 2021. Ou encore que le flamant LATZ avec sa balise GPS de 2020 préfère les côtes françaises et le Salin d’Aigues Mortes en particulier, alors que LAVZ balisé, lui, en 2021 est déjà parti en Espagne du côté de Valence.

Flamingo Specialist Group, c’est le réseau international d’experts de l’UICN (Union Internationale de Conservation de la Nature) et Wetlands International sur les flamants dont la Tour du Valat est le point focal pour la Méditerranée, l’Afrique de l’ouest et une partie de l’Asie.

Insolite

Une vingtaine de jeunes flamants aventureux observés en septembre dans les Landes, dans la réserve naturelle nationale du marais d’Orx.

Adopte ton flamant !

Pour soutenir ces démarches scientifiques et de conservation de l’espèce, le parrainage original d’un flamant est possible sur le site monflamant.com. Cette contribution de science participative pilotée par La Tour du Valat permet de suivre régulièrement l’historique de vie des flamants adoptés dès qu’ils sont observés quelque part.

Renaud DUPUY DE LA GRANDRIVE

Si vous observez une bague ils peuvent la déclarer a : secretariat@tourdevalat.org

« la science participative est accessible par tous et toutes. la preuve je suis conseillère en insertion professionnelle de métier », fait remarquer Céline Laurens

Pour aller plus loin, cliquez sur les liens :

Envolez-vous avec Dis-Leur !