Méditerranée : La plage a toujours été… dynamique

Etang de Vic. Ph Renaud Dupuy de la Grandrive.

Dans sa chronique, Renaud Dupuy de la Grandrive, directeur de l’aire marine protégée de la côte agathoise, explique combien une plage et ses délaissés sont vivants !

Sous le règne du confinement, on a connu – c’était une première – brièvement la plage dite “dynamique” : praticable uniquement pour les sportifs et les actifs. Désormais, on peut y faire bronzette. Pour autant, ce lieu naturel est plus complexe que la simple image convenue de la plage. Ainsi devrait-on y associer plusieurs formes de plages, dunes et “laisses de mer”, elles-mêmes s’ajoutant au dynamisme naturel qui font leur singularité occitane.

Car la plage est un système dynamique !

Plage de la Tamarissière, Agde, avril 2020, Renaud Dupuy de la Grandrive.

Formée de structures minérales telles que du sable aux grains de taille variable, de graviers, voire de galets, la plage est en constante évolution. Les vagues et le vent apportent et reprennent le sable selon la période de l’année. Selon la topographie de la zone et les aménagements à proximité (port, digues…), les flux de sédiments, provenant des fleuves côtiers, Rhône inclus pour le littoral languedocien, peuvent être changés et le profil de la plage s’en trouve ainsi modifié. À cela s’ajoute la laisse de mer – ce qui, littéralement, est laissé par la mer sur la plage -, autrement dit une accumulation de débits naturels ou anthropiques déposés sur la grève par la houle et les vagues. Ces débris d’algues et de plantes ou algues marines auxquels viennent s’ajouter les restes de plantes terrestres (branches, troncs, feuilles…) qui ont été charriés par les fleuves côtiers  jusqu’en mer pour s’accumuler ensuite sur les plages. Les restes d’animaux marins dans la laisse de mer ne sont pas rares : carapaces de crustacés, coquilles de mollusques, œufs de raies, os, méduses… Plus rare en Occitanie, la posidonie (plante marine méditerranéenne) se retrouve sur les plages sous forme de pelotes et de banquettes particulièrement utiles pour lutter contre l’érosion des côtes.

Morceaux de bois, coquillages, fragments d’algues ou végétaux marins ne sont pas des déchets !”

Schéma plage dunes
Donc non, les morceaux de bois, les coquillages, les fragments d’algues ou de végétaux marins déposés naturellement sur les plages ou les dunes ne sont pas des déchets ! Mêlés au sable, ils permettent de maintenir l’équilibre de la plage et sont source de biodiversité marine littorale. La laisse de mer est à la base d’une chaîne alimentaire pour de nombreux animaux de la plage : insectes, crabes, oiseaux… et apporte des nutriments aux plantes qui poussent sur la plage. La laisse de mer et la végétation de haut de plage peuvent aussi servir de lieu de nidification pour certaines espèces d’oiseaux. Elles fixent le sable, favorisent la formation de dunes et protègent ainsi le littoral de l’érosion.

Une gestion complexe et délicate

Malheureusement la laisse de mer se charge à chaque tempête de nombreux déchets anthropiques. Tous les déchets jetés dans la nature se retrouvent un jour ou l’autre en mer, via le vent, le ruissellement, les fleuves et les courants marins ! Plastiques, emballages, polystyrène, bouchons… Tous ces éléments témoignent que nous avons encore beaucoup d’efforts à faire pour réduire notre empreinte écologique !

Plage du Bagnas. Ph Renaud Dupuy de la Grandrive

Par souci d’offrir une plage propre aux visiteurs, ce qui, dans le contexte hyper-touristique de notre région peut être nécessaire selon les plages, on pratique régulièrement le nettoyage mécanique sur le littoral de l’Occitanie. Les machines ramassent sans distinction fine les laisses de mer avec les déchets et, parfois, d’importantes quantités de sable. Cette pratique a des conséquences négatives sur le milieu avec une perte de biodiversité et l’aggravation de l’érosion à terme. Le nettoyage mécanique favorise la dégradation des plages et le recul du trait de côte.

Une plage en bonne santé, n’est pas une plage bien damée sans coquillages, au contraire !

Là où c’est possible le nettoyage manuel permet de maintenir la laisse de mer et la végétation du haut de plage en place. C’est un principe de développement durable pour les collectivités. L’objectif étant d’adapter l’entretien des plages aux enjeux environnementaux. Ces pratiques sont essentiellement développées pour l’instant dans les sites côtiers du Conservatoire du Littoral et quelques portions de plages de stations balnéaires.

Star 2020 des plages, c’est le gravelot à collier interrompu !

Symbole de ce printemps des plages confinées, le gravelot à collier interrompu est ce petit échassier qui en a profité pour retrouver ses terres de prédilection. Comme d’autres oiseaux (sternes naines et caugek notamment), il a ainsi reconquis plusieurs sites régionaux littoraux pour venir déposer ses trois œufs et élever ses poussins. Un demi-siècle qu’on n’avait pas vu ça sur les plages de la station balnéaire du Cap d’Agde, par exemple !

Moins de 1 500 couples en France

Cet oiseau d’à peine 50 grammes consomme des petits invertébrés qu’il collecte dans les vasières et en bord de plage. En période de nidification, la femelle dépose les œufs à même le sol. La couvaison dure trois à quatre semaines et les jeunes prennent leur envol environ un mois après leur sortie de l’œuf. Oiseau nicheur rare en France (moins de 1 500 couples), les populations de cette espèce sont en déclin en Europe. Les principales menaces qui pèsent sur elle sont le dérangement humain et l’aménagement des côtes. Aussi cette espèce a fait l’objet de toutes les attentions, d’abord des naturalistes et ornithologues pour dénombrer les nids, souvent à l’aide d’indications des promeneurs quand l’accès à la plage a pu être autorisé. Puis, avec les collectivités et les associations quand il a fallu mettre en place des protections (par exemple avec des enclos de ganivelles sur les plages du Cap d’Agde installés par la ville et l’Aire marine protégée) ou des surveillances et du panneautage d’informations comme en Roussillon (Parc marin du Golfe du Lion), sur les communes de  Sérignan et Portiragnes, avec les agglos Hérault et Béziers Méditerranée, la LPO ou l’Association sauvegarde Orpellières.

Renaud DUPUY DE LA GRANDRIVE 

Chaque usager du littoral peut adopter des bons gestes :

L’art sur la plage

La plage a toujours été un lieu d’expression artistique, qu’elle émane de la nature elle-même ou de la main de l’homme. Les animaux marchent sur leurs dunes, les bois flottés se déposent, les hommes manient sable et coquillages…