Méditerranée : Ces récifs sous-marins aux mille espèces…

L'oursin violet participe de l'architecture du coralligène. Photo : Sylvain Blouet.

Avec la chronique de Renaud Dupuy de la Grandrive, nous ne plongeons pas sous les tropiques mais presque : en Occitanie, “il est possible de rencontrer un milieu naturel ressemblant aux récifs coralliens ! C’est le royaume du coralligène, riche de plus de mille espèces de faune et de flore marines…”, dit grand spécialiste de la faune et la flore de Méditerranée, directeur du milieu marin d’Agde et de l’Aire marine protégée de la côte agathoise. Dépaysement garanti !

Cet habitat sous-marin a une particularité : il relève d’une bio-construction. Autrement dit : ce n’est pas un substrat rocheux ou meuble (sables, vases…) mais un milieu édifié par des espèces marines. Plus précisément ce sont d’abord des algues calcaires, dénommées corallinacées, qui vont se superposer jusqu’à devenir encroûtantes, et s’accumuler les unes aux autres pendant très longtemps, tout en fixant le calcium présent dans l’eau de mer, jusqu’à former des sortes de blocs sous-marins. Des animaux perceurs vont alors s’activer pour aller trouer et creuser ces blocs et constituer une multitude de petites cavités où vont s’installer de très nombreuses espèces marines. Certains animaux fixent également le calcaire comme les vers tubicoles et vont participer à cette construction.

Une biodiversité incroyable de plus de 1000 espèces !

Coralligène à Brescou Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive.

On estime à plus de mille le nombre d’espèces présentes dans cet écosystème, raison pour laquelle il est considéré comme le plus important de Méditerranée, avec les herbiers de posidonies.
Singulier aussi, chaque centimètre carré est occupé, qui par une algue, qui par une éponge ou un bryozoaire, et certaines espèces participent activement à la construction qui est en constante évolution. C’est le cas de l’oursin violet qui en se nourrissant d’algues calcaires va sculpter à son tour le coralligène au fil du temps.
Source de nourriture et d’abri, le coralligène attire aussi de nombreux poissons (sars, labres, corbs, mostelles…) et crustacés comme la langouste ou le homard.

Cet écosystème se rencontre en particulier sur la côte Vermeille, dans la réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls et le Parc naturel marin du Golfe du Lion ainsi que dans l’Aire marine protégée de la côte agathoise, site Natura 2000 géré par la ville d’Agde.”

Les algues du coralligène, contrairement à beaucoup d’autres, n’aiment pas trop la lumière. C’est pourquoi en Occitanie le coralligène est surtout présent à partir de 20 mètres de profondeur. Cet écosystème se rencontre en particulier sur la côte Vermeille, dans la réserve naturelle marine de Cerbère-Banyuls et le Parc naturel marin du Golfe du Lion ainsi que dans l’Aire marine protégée de la côte agathoise, site Natura 2000 géré par la ville d’Agde.

On trouve le coralligène sous deux formes ; celui dit de plateau avec des concrétionnements en bancs d’épaisseur de quelques dizaines de cm à moins de 2 m avec de très nombreuses cavités, c’est le cas des « patates » de coralligène au large de la commune d’Agde. Puis celui de paroi, avec des affleurements à l’extérieur des grottes sous-marines ou le long de tombants, comme sur la côte Vermeille.

La croissance du coralligène est lente, extrêmement lente même puisque qu’elle est de l’ordre de 1 millimètre par an ! C’est-à-dire qu’un récif de coralligène de 1 mètre a mis 1 000 ans à se construire….!”

Récifs de coralligène au large du Cap d’Agde. Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive.

La croissance du coralligène est lente, extrêmement lente même puisque qu’elle est de l’ordre de 1 millimètre par an ! C’est-à-dire qu’un récif de coralligène de 1 mètre a mis 1 000 ans à se construire… D’autre part, ces formations, bien que d’origine calcaire, sont très fragiles. Elles sont notamment sensibles aux ancrages des bateaux et aux appuis malencontreux des plongeurs.

La joie des 150 clubs de plongée sous-marine

Le corail rouge, ici dans la réserve marine de Cerbère-Banuyls, est aussi une espèce de coralligène de paroi. Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive.

Ce paysage sous-marin unique fait bien évidemment la joie des 150 clubs de plongée sous-marine de la région et des milliers de plongeurs qui y palment en exploration.
Les pêcheurs petits métiers exercent aussi leur activité sur les sites à coralligène, notamment pour la pêche des sars, des rascasses et des crustacés.
Les pêcheurs de loisirs en bateau connaissent en général les spots à coralligène pour leurs nombreuses espèces de poissons vivant dans ou au-dessus de cet habitat.

Toutes ces activités engendrent de l’économie et ne peuvent se maintenir qu’à la condition d’avoir cet écosystème dans un bon état de conservation. Un écosystème sous pression, outre les risques de dégradation par certaines activités humaines, le changement climatique semble aussi responsable de sa dégradation, telles des maladies sur les éponges ou la prolifération d’algues filamenteuses à la faveur d’eaux plus chaudes.

Création courant 2019 de la plus grande réserve marine de la région, sous forme de cantonnement de pêche

Mais il y a des mesures de gestion envisageables. Face à ces pressions, on engage des actions en Occitanie pour sensibiliser et former les acteurs maritimes tels les plongeurs. Il y a aussi des mesures concrètes comme l’équipement durable des sites de plongée. L’une des solutions reste aussi de protéger intégralement cet écosystème. C’est le choix, partagé avec tous les usagers maritimes, qui a été fait au Cap d’Agde avec la création courant 2019 de la plus grande réserve marine de la région, sous forme de cantonnement de pêche. Sur 310 hectares, toute activité y sera interdite, sauf la navigation, et permettra ainsi de protéger 45 % des récifs de coralligène agathois.

Renaud DUPUY DE LA GRANDRIVE