Livre : Olivier Martinelli nous guérit de l’adolescence

Olivier Martinelli. Martinelli revient à ses premières amours. Son anti-héros nous emporte dans une centrifugeuse d'émotions. On ne guérit pas de son enfance, mais on peut, paraît-il, guérir de son adolescence... Photo Hélène Morsly.

L’écrivain rock, qui vit à Sète, renoue brillamment avec ses premières amours. Cela donne un roman puissant, Mes Nuits Apaches, illustré par Marc Topolino (chez Robert Laffont), mettant en scène Jonas qui, comme beaucoup d’adolescents, traverse cette période abhorrée avec difficulté. Mais, lui, le rock saturé de décibels, va le sauver, magnifiant son personnage qui en ressort débarrassé de ses primales angoisses.

Olivier Martinelli revient à ses premières amours. “J’aime les premières fois”, lâche l’écrivain de Sète, dans un sourire bleu. Sacré Martinelli. Mais l’écrivain rock, comme on ne débaptisera plus, s’il a remis sa sainte trinité en bandoulière – Le Velvet, The Smith et Jesus and the Mary Chain – , après un extraordinaire opus intime, l’Homme de Miel, sert abondamment ses riffs poétiques.

Photo : Olivier SCHLAMA

Sans nous refaire le remake de l’ado boutonneux, amoureux transi et à la psyché vrillée qu’il a déjà développée jadis. Non, là, sans que l’on s’en aperçoive, il réussit le tour de force de magnifier l’adolescence, cette étape que tout le monde a pourtant détestée. Et il finit par nous la faire aimer, cette adolescence, sauvée par le rock ! Un grand éditeur, Robert Laffont, ne s’y est pas trompé : Ses Nuits Apaches, illustrées par un autre Sétois, Topolino, sont ses angoisses chapitrées comme des nouvelles enwagonnées que l’on est heureux d’avoir pu finir grâce à un somptueux retard de train.

J’ai pris des “vestes” mais cela reste ma madeleine de Proust. J’aime bien. J’aime les premières fois… J’ai eu une enfance et une adolescence heureuses…”

Olivier Martinelli

Cette adolescence, ce passage, cette transition délicate, au mieux vers l’âge adulte, est un thème universel, subtilement traité ici. Il y est saturé de décibels. D’électricité. D’énergie brute. D’impatience de vivre. De jaillir de soi. Se pardonnant à soi-même, in fine, il transcende cette adolescence. “Bien sûr, que j’ai eu mes douleurs à l’adolescence… J’ai pris des “vestes” mais cela reste ma madeleine de Proust. J’aime bien. J’aime les premières fois… J’ai eu une enfance et une adolescence heureuses. Ce n’a pas été la même chose ensuite, notamment à la fac…”, confie l’ami Martinelli. L’écrivain a beaucoup travaillé pour atteindre l’acmé de la simplicité, un mariage euphonique des mots. On est à la fois loin et proche de la Nuit ne dure Pas ou Une Légende. Abouti et maîtrisé.

On a couru longtemps alors que personne n’était à nos trousses. Poussés par le vent, nos rires montaient dans la nuit…”

Extrait. “On a couru longtemps alors que personne n’était à nos trousses. Poussés par le vent, nos rires montaient dans la nuit. Des rires de peur et de surprise devant le culot de Bernard. Des rires d’adolescents. Nos pas frappaient le bitume, moi devant, mes amis derrière. Quand je me suis retourné, Bernard tenait la main de Lisa. Une pointe de jalousie m’a étreint le coeur mais au fond, tout au fond, je crois bien que j’étais heureux pour lui.”

Jonas-Martinelli ne s’est engouffré dans la gueule d’une baleine surfaite de l’écriture qui se regarde mais ne remplit pas. Il revient à ses premières amours, oui. Mais pas toutes. Celles-là, d’amours ne sont pas des amourettes futiles. Elles sont fondatrices et servent l’amour avec un grand A, un âge d’or de tous les possibles, où on se laisse surprendre par le jour d’après. Où l’on n’a pas voulu écrire le scénario de sa vie et regarder en passer la bande-annonce mortifère. Page après page, Mes Nuits Apaches nous confisquent notre adolescence abhorrée. Magique ! Ces nuits brillent comme des jours sans fin qui nous affament de leur inavouable appétit ; ce sont des décapsuleurs de crânes libérant des tempêtes intérieures ; celles des ressources insoupçonnées potentialisées par le rock, la ligne de vie de Martinelli.

Et puis voilà que la primale promesse se déglingue : Put another foot up to get on board the drug train woo hoo, crachent les sataniques Cramps. On suit alors son odyssée qui devient accessoirement fangeuse. Avec toujours la certitude qu’une fleur immarcescible va en éclore.

Martinelli revient à ses premières amours. Oui, mais il nous fait croiser Iggy Pop, participant même à la vie des Cramps ! En nous annonçant la fin des Clash. Dans un éclair joyeux, une syncopée enjouée, un rythme inconscient. Le no drug no alcool, le mantra parental, la frontière au-delà de laquelle tout retour à son état de candeur d’origine, serait impossible, il le franchit comme Harry Potter lança son premier sort. Et puis voilà que la primale promesse se déglingue : Put another foot up to get on board the drug train woo hoo, crachent les sataniques Cramps. On suit alors son odyssée qui devient accessoirement fangeuse. Avec toujours la certitude qu’une fleur immarcescible va en éclore.

Martinelli revient à ses premières amours. Son anti-héros nous emporte dans une centrifugeuse d’émotions. On ne guérit pas de son enfance, mais on peut, paraît-il, guérir de son adolescence…

Olivier SCHLAMA