Livre : Le Chainon Suivant, roman apocalyptique joyeux !

Alain Rollat sur la place du Poufre à Sète, un autre animal monstrueux qui verra peut-être la fin du monde qui dans le roman de Rollat a lieu en 3 933. Le Poufre connaîtra ensuite, peut-être, la renaissance de l'humanité... Photo : Olivier SCHLAMA

“C’est un testament vital.” et un remède contre “tous les prophètes de malheur” : c’est ainsi que le journaliste sétois Alain Rollat définit son roman dont le décor se situe à Coustouges, son village natal. Un livre qui fait du bien.

Immuable envie de partager en bandoulière, le Sétois Alain Rollat a gardé l’oeil vif et le coeur inspiré. Ex-directeur-adjoint du Monde, passé par Midi Libre, cet éminent journaliste a consacré toute sa vie professionnelle à analyser, parfois savamment, les linéaments de l’actualité politique française. Finalement, il ne fait rien d’autre, à 78 ans, avec son premier roman, qu’il vient de publier aux éditions Cap Béar, Le Chaînon Suivant (Editions Cap Béar, 18 €). Quelques Homs ont survécu au Big Kataklusmos. Il invente une res-publica qui repart de zéro. La nouvelle humanité, le Chainon Suivant, prend racine sur les ruines fumantes de l’ancien monde. Comme un reset.

La fin du monde a eu lieu en 3 933

Lui qui a rendu compte pendant des décennies de toutes les ambitions, réussites, trahisons politiques jusqu’aux bassesses les plus enfouies de nos gouvernants n’en est pas ressorti racorni dans son bougonnage. Alain Rollat a gardé suffisamment de bienveillance et de sagesse en lui pour inventer un monde fantastique, imaginaire et post-apocalyptique… joyeux ! Quelle belle figure de style ! Dans ce roman d’anticipation, qu’il situe en 3 933, la fin du monde a bien eu lieu. Plus besoin de s’angoisser, donc ! Un oxygénant contre-pied à la morosité actuelle. Alléluia !

Un être joyeux et insouciant dans un conte fantastique aux relents mortifères : c’est de ce personnage que toute l’humanité repartira peut-être de plus belle… Le livre est si complexe qu’il en est inénarrable. On y croise la loi de reproduction des espèces ; le pillage du World Trade Embryonic Center, des assassinats ; la Guerre des Sources ; l’apparition de la Peste de l’âme ; le “papillon” intérieur… Rollat invente tout : des mots, des personnages…

Le décorum extraordinaire nous offre un héros de BD, Zygo ; des créatures fantastiques ; du suspense qu’il feuilletonne à la fin de chaque chapitre ; un zeste d’ésotérisme ; des langues inventées cousinant avec le Basque ou la langue vernaculaire usitée sur une rive du fleuve Maroni en Nouvelle-Calédonie ; et même un peu d’alphabet hébreu martyrisé.

 

J’ai écrit ce livre pour mes quatre petits-enfants qui ont de 6 ans à 22 ans ; c’est pour eux que j’ai inventé quelque chose de captivant et d’amusant”

Alain Rollat. Ph. Olivier SCHLAMA

“J’ai mis 10 ans à écrire ce livre. C’est un défi personnel. Je voulais d’abord me faire plaisir”, confie Alain Rollat, entre deux missions pour l’Union européenne et comme intervenant à l’ESJ pro de Montpellier. Fini les cours sur l’histoire de la presse et la déontologie mais sa soif d’écrire, elle, le tenaille toujours.

Il dit : “J’ai passé toute ma vie à écrire mais à écrire dans les journaux ; certes, sous toutes les formes ; de l’édito au grand reportage ; mais étais-je capable d’écrire un roman, un format long, plus complexe, très structuré ?” La réponse est oui. “J’ai pris du plaisir à l’écrire et je l’ai fait pour mes quatre petits-enfants qui ont de 6 ans à 22 ans. C’est pour eux que j’ai inventé quelque chose que j’ai voulu captivant et amusant…”

“Ce roman, c’est un testament vital”

Car le sieur Rollat a choisi son village natal de Coustouges (P.-O.) comme toile de fond à son roman où l’on reconnaît baie et autres lieux géographiques parce c’est le lieu de “l’ancrage familial”. Il a produit un livre riche. Très riche. Il y sème des clins d’oeil érudits.J’ai tout inventé à commencer par les personnages, parfois des mots entiers comme… le chamuti un drôle d’animal imaginaire dont le nom est fait des trois syllabes de CHAmeau, MUlet et TIgre… Ce roman, c’est un testament vital”, décrypte Alain Rollat. Une sorte de résumé de ses réflexions personnelles sur la vie, l’homme…

Exorciser les prophètes de malheur

Ce livre, c’est pour exorciser tous les prophètes de malheur ; écarter les pessimistes de tous poils ; les collapsologues énervés. “Je veux simplement dire que la vie est belle ! Que ses ressources sont infinies. Riez beaucoup ! Que la joie l’emporte sur les peurs !” Face au côté sombre de l’avenir, le journaliste emploie toute sa force de persuasion contre l’inéluctable : “Les choses ne se passent jamais comme certains les prévoient ! A chaque présidentielle, les scénarios sont démentis.” Ce que dit en creux ce conte philosophique, c’est que la lumière gagnera toujours contre l’obscurité. Et ça fait du bien.

Et si un jour, vraiment, l’humanité disparaît de la surface de la planète ? “Eh bien, ce ne sera pas si grave que cela ; une autre forme de vie prendra la suite, ici ou ailleurs, sur une autre planète…” Même la fin du roman laisse la place au choix qui n’est autre que la liberté.

Olivier SCHLAMA