L’expo de l’année : Sur la piste des grands singes au Musée de Tautavel

Photo : Musée de Tautavel.

Jusqu’au 31 décembre, le Musée de préhistoire de Tautavel, qui entame sa mue, suit la piste des grands singes menacés d’extinction : l’exposition-phare de l’été en partenariat avec le Muséum d’histoire naturelle de Paris. De quoi retrouver nos parents éloignés : chimpanzés, gorilles, et orangs-outans partageant avec nous 98 % d’un même patrimoine génétique. Et se laisser surprendre par l’émotion dégagée.

Passée la surprise, l’évidence. Au musée de la préhistoire, à Tautavel, on “a fait un pas de côté sans faire le grand écart” pour mieux voir l’essentiel et regarder l’homme dans les pas de l’évolution. Le directeur, Clément Ménard, prépare assidûment avec notamment la mairie et la Région Occitanie, à la refonte spectaculaire de ce lieu emblématique de la préhistoire dont la vocation est “mondiale”, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. 

Un projet de reconstruction à 20 M€ soumis à concertation

Tautavel, c’est un pan de l’histoire de l’humanité, un site exceptionnel comme il n’en existe qu’une poignée dans le monde. Agnès Langevine, vice-présidente de la Région, maître d’ouvrage d’un projet de reconstruction à 20 M€ soumis actuellement à concertation, disait : “C’est l’un des projets-phare de notre mandat.” Sa collègue, Claire Fita, renchérissait, enthousiaste : “Nous sommes tous de Tautavel !”

Exposition réalisée par le Muséum d’histoire naturelle

Jusqu’au 31 décembre, c’est donc dans ce musée qu’il est donné à voir une exposition peu commune, réalisée et présentée à l’origine par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, membre de l’établissement de Tautavel. Dix-sept panneaux, trois sculpture grandeur nature, notamment. “Beaucoup de gens font le lien, évidemment, entre hommes et préhistoire. Avec cette expo sur les grands singes, c’est aussi une façon de revisiter nos liens historiques. C’est une belle contribution avec un contenu scientifique de qualité conçu pour tous les publics”, souligne le directeur, Clément Ménard.

Les grands singes en danger d’extinction

Les grands singes – chimpanzés, gorilles et orangs-outans (1) sont nos plus proches parents, mais que connaissons-nous vraiment d’eux ? L’exposition Sur la piste des grands singes, conçue par le Muséum national d’histoire naturelle, propose au public de partir à leur rencontre dans leur environnement. Dégradation de l’habitat, chasse, trafic, maladies (lire ci-dessous)… Tous sont en danger d’extinction mais il est possible et urgent d’agir.

“Une chance d’avoir pu récupérer cette version itinérante…”

Le directeur du musée de Tautavel, Clément Ménard dévoile : “en réalité, nous reprenons dans une version un peu différente une exposition itinérante du Muséum que l’on revoit donc pour la première fois depuis 2016 et qui était visible au Jardin des Plantes, à Paris. Ce qui est remarquable, également, ce sont les textes qu’il y a sur les panneaux de l’expo ; il y a aussi une introduction sur nos origines communes, grands singes et hommes. C’est une chance d’avoir pu récupérer cette version itinérante du Muséum qui était à l’origine visible dans la Grande Galerie de l’Evolution, notamment sur les pratiques culturelles des grands singes” qui sont les plus proches parents de l’homme, partageant 98 % d’un patrimoine génétique commun (2).

Les grands singes utilisent aussi des outils

Des exemples ? “Est exposée une enclume de pierre réalisée par les grands singes qui utilisent et confectionnent aussi des outils, dont on a cru longtemps et à tort, que leur utilisation était le propre de l’homme, précise Clément Ménard. On apprend avec cette expo que c’est faux. Les primatologues remettent cette idée en question, comme étant l’un des caractères distinctifs entre l’homme et les grands singes…”

Ils se soignent avec toute une pharmacopée

Dans cette expo, on apprend aussi que les grands singes disposent d’une pharmacopée bien à eux. “Ils disposent des ressources naturelles comme l’argile ou certains végétaux d’origine tropicale.” De quoi donner le frisson en comprenant que ces grands singes soignent avec des plantes les mêmes maux que ceux qui font souffrir l’homme : troubles intestinaux ; plaies… “C’est encore plus subtil que ça : certains grands singes utilisent certaines plantes et pas d’autres”, note le directeur, Clément Ménard.

“Les sociétés animales peuvent nous émerveiller”

Depuis 2018, l’Unesco veut sauver les grands singes, menacés d’extinction. Le Muséum national d’histoire naturelle et la Fondation pour la nature et l’homme voulaient que soient reconnues au titre de Patrimoine immatériel de l’Unesco les cultures traditionnelles en rapport avec nos plus proches cousins. Le message de cette expo à Tautavel qui comprend dix-sept panneaux et trois sculptures, notamment ? Que les sociétés animales peuvent “nous émerveiller et nous apprendre beaucoup sur l’humanité. “Et nous apprendre beaucoup sur ce que nous ne savons pas encore : sur la pression sur leur environnement naturel qui menace d’extinction les orang-outan, par exemple”, nous apprend Clément Ménard.

Questionner les grands défis contemporains comme le climat, l’environnement ou les migrations européennes sera un des fils rouges du nouveau Musée”

Agnès Langevine, vice-présidente de la Région Occitanie

De son côté, Agnès Langevine, vice-présidente de la Région Occitanie, souligne : “Alors que la concertation publique lancée par La Région pour associer habitants, visiteurs, chercheurs, commerçants au projet de sa profonde modernisation est ouverte, le Musée de Tautavel nous entraîne Sur la piste des grands singes. À ne pas louper, les très belles sculptures grandeur nature de Gilles Nicolas, ou le fameux mur de la consommation qui nous rappelle combien de nombreux produits de consommation quotidienne sont destructeurs de la biodiversité et particulièrement des écosystèmes où vivent nos plus proches cousins. Questionner les grands défis contemporains comme le climat, l’environnement ou les migrations européennes sera un des fils rouges du nouveau Musée.”

Des dessins effectués par des chimpanzés

L’environnement tropical étant un hot spot de la biodiversité, qui est en danger-, ce genre d’expo pointe, en creux, l’exploitation mortifère que nous en faisons. “L’expo le montre sans être stigmatisante”, dit-il encore. Ce qui est sans doute plus efficace. Il y a même un ajout intéressant : cinq dessins réalisés par des grands singes abrités dans la réserve africaine de Sigean – une expérience unique qui a pris fin – notamment faits par Jessica, un chimpanzé, qui en a réalisés pas moins de 195 !, de 1979 à 1995. “Ce qui nous interroge du point de vue humain, sur l’intention artistique et l’émotion…”

Olivier SCHLAMA

  • (1) Du côté du Muséum, on explique : “L’histoire évolutive des grands singes s’écrit sur plusieurs dizaines de millions d’années, depuis l’apparition des premiers primates il y a environ 55 millions d’années, jusqu’à aujourd’hui. Cette histoire est marquée par un buissonnement d’espèces aux milieux de vie variés, explique le muséum d’histoire naturelle. Il y a environ 25 millions d’années… apparaissent les premiers grands singes en Afrique, où règne un climat tropical chaud et humide.
  • À partir de 18 millions d’années… changement climatique, activité tectonique, modification des milieux permettent aux grands singes issus d’Afrique de se diversifier en Asie et en Europe. Ils continuent également d’évoluer en Afrique. C’est durant cette période que les branches actuelles se différencient : celle des orangs-outans, celle des gorilles, celle des chimpanzés et celle des hommes.
  • Il y a 8 millions d’années… un refroidissement en Europe et en Asie ne permet plus aux grands singes de trouver de la nourriture toute l’année. À partir de ce moment, on ne les trouve qu’en Afrique et dans le Sud-Est de l’Asie, comme aujourd’hui.
  • (2) Après des siècles de controverses, arrive la théorie de l’évolution de Charles Darwin change la donne. Avec la publication de L’Origine des espèces en 1859, puis de La Descendance de l’homme en 1871, il fait l’hypothèse de l’existence d’un ancêtre commun aux grands singes et à l’homme bien avant que des preuves ne soient apportées…

Pourquoi les grands singes sont menacés

La forêt disparaît, les grands singes aussi. La destruction des zones d’habitat est la première cause d’extinction des espèces dans le monde. Pour les grands singes, cela se traduit par la disparition des arbres et des plantes dont ils ont besoin pour se nourrir et s’abriter. Combien sont-ils encore ? Même si le recensement de ces animaux reste difficile, une certitude demeure : il y a de moins en moins de grands singes. Toutes les espèces ont perdu au minimum 70 % de leurs effectifs au cours des 50 dernières années”, explique-t-on au Muséum.

La déforestation s’est dangereusement accélérée

Pour certains, la situation est dramatique : il ne reste que 6 500 orangs-outans de Sumatra, soit 8 % de la population qui vivait là il y a 50 ans. Si rien n’est fait rapidement, cette espèce risque de disparaître. La dégradation de leur habitat s’accélère. La situation des grands singes est directement liée à l’état de la forêt tropicale. Même si elle a toujours été exploitée, à différentes échelles, par les populations locales, c’est son exploitation industrielle récente et massive qui est la cause principale de sa dégradation et surtout de sa fragmentation. La déforestation, déjà importante après la Seconde Guerre mondiale, s’est accélérée à partir des années 1970.

Les bois tropicaux partout dans nos maisons…

De nombreux produits de consommation courante sont issus des bois tropicaux : papier, crayons, emballages, meubles de jardin, parquets, terrasses et bordures de piscine, mobilier d’intérieur, fenêtres, volets, traverses de chemin de fer, coffrages pour les constructions…

Les forêts sont également coupées pour l’exploitation du sous-sol (minerais et hydrocarbures), mais surtout pour créer de nouvelles zones de cultures. L’agro-industrie exportatrice est aujourd’hui l’une des causes majeures d’une déforestation très rapide. En Afrique comme en Asie, les plantations d’hévéas, de caféiers, de palmiers à huile, de maïs, de canne à sucre, de thé, de cacaoyers, d’acacia, d’eucalyptus… remplacent l’habitat des grands singes. Ainsi, dans le Sud-Est asiatique les plantations de palmiers à huile se sont étendues de façon considérable au détriment de la forêt.

L’huile de palme – l’une des huiles les plus consommées dans le monde – est présente de façon peu repérable sous l’appellation “huile végétale” ou “graisse végétale” dans de très nombreux produits d’utilisation courante dont la liste est infinie, de la pâte à tartiner aux lessives, en passant par les glaces, les chips, les plats préparés, les savons, les produits cosmétiques…

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