Les objets de l’été (1) : Le succès, fulgurant et improbable, d’un couteau à huîtres…

Benjamin Auzier, créateur du Petit Jouteur. DR

Pour son bel objet fait main avec des bois de la région, mais aussi avec de la coquille… d’huître (!), l’Héraultais Benjamin Auzier a créé Le Petit Jouteur, une marque 100 % Made in Occitanie. Une vraie réussite qui va lui permettre d’ici à quelques semaines de s’agrandir et d’agrandir sa gamme de couteaux de qualité.

Cassoulet, macaronade, gardiane de taureau… L’Occitanie regorge de produits de bouche ancestraux. Une tradition qui ne se tarit pas. Mieux qui se propage à d’autres savoirs-faire donnant lieu à des nouvelles propositions dans bien d’autres domaines comme la santé, beauté et bien-être mais aussi la mode et accessoires ; la maison, déco et bricolage ; et, enfin, l’artisanat d’art. La Région Occitanie ne s’y est pas trompée qui cible ces domaines et lancera, à l’automne, un nouveau label, le Fabriqué en Occitanie, pour mieux  repérer les produits Made in Occitanie qui soutiennent l’économie régionale, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Cela doit en passer par la constitution d’une association ad hoc pour piloter le cahier des charges.

Designer pour les couteaux Laguiole

C’est dans ce contexte de valorisation de nos savoir-faire que l’on voit apparaître de beaux produits qui y prétendent ou qui pourraient afficher ce label. Comme celui de Benjamin Auzier. L’homme, un Montpelliérain pourtant 100 % “Baron de Caravètes”, comme il dit, même si “mon grand-père était Sétois”, est un designer, notamment pour la marque de couteaux Laguiole depuis 10 ans. Il s’est formé à la coutellerie comme un papier buvard, au contact des métiers et des ateliers de qualité.

Marketing local instinctif pour un produit de belle facture

Installé à La Boissière, près de Montarnaud, dans l’Hérault, il a créé il y a deux ans Le Petit Jouteur, un nom issu d’une terminologie matricielle pour les Sétois mais aussi pour beaucoup de micro-régions où, finalement, la joute est culturellement présente ! D’où il tire une partie de son succès phénoménal s’appuyant sur un marketing local précis et instinctif et d’un produit de belle facture.

Arbousier, olivier, cade… 12 000 couteaux par an !

Son produit phare ? Un très réussi couteau à huîtres, dont le manche d’un modèle est confectionné avec des coquilles… d’huîtres. Mais il en existe en de multiples bois, principalement du Sud, comme le bel arbousier, l’olivier ou le cade, arbres vernaculaires de notre enfance. Surprenant. En 2022, il prévoit d’en vendre… 10 000 unités, sur une production totale de 12 000 couteaux ! Chiffre d’affaires : 280 000 € en 2021 et 400 000 € envisagé pour cette année. Marketing involontaire, le coutelier propose aussi des séries limitées comme celles confectionnées avec le bois, pin et tek, des légendaires bateaux de Brassens, le Gyss et le Sauve-qui-Peut, avant sa réfection ! “J’espère aussi pouvoir récupérer des platanes abattus du Canal du Midi”, confie Benjamin Auzier.

La gamme du Petit jouteur va s’agrandir

Qu’est-ce qui fait qu’un couteau si particulier soit à la mode, remporte autant de suffrages ? Certes, sa lame est irréprochable ; il ouvre facilement les huîtres, les Saint-Jacques ou les moules. Ce qui fait son succès inattendu c’est un cocktail : c’est un objet typique de l’été, fabriqué en grande partie en Occitanie avec des bois matorrals typiques du Sud de la France ; les lames viennent, elles, de la patrie du couteau forgées avec amour à Thiers, la patrie française de la grande coutellerie.

Aujourd’hui, le Petit Jouteur est présent dans une cinquantaine de boutiques en France et commence à être vendu en Italie, Allemagne et Belgique. Benjamin Auzier a, depuis un an un apprenti, titulaire d’un CAP passé par une belle maison, toujours à Thiers. Au-delà du fameux couteau à huîtres, il va pouvoir produire davantage y compris de couteaux d’office Petit Jouteur à lame épaisse, le “couteau suisse” de la cuisine ; et, d’ici 2023, peut-être dès cet automne, il proposera aussi des couteaux de table et des couteaux de cuisine grand chef. Qui existent déjà sous une autre marque, Matorral.

Nouvel atelier sur 300 m2 prévu à Aniane

Le succès de ses couteaux est aussi lié à son positionnement : “C’est, certes, un produit un peu luxueux mais à des prix qui restent abordables, entre 30 € et 40 €. Certains professionnels, prescripteurs du produit, qui ouvrent 500 huîtres par jour, l’ont adopté. Et au lieu de changer de couteau tous les mois, avec le nôtre, ils n’en changent que tous les six mois. De plus, il est très esthétique, fait avec du bois exclusivement français.”

Benjamin Auzier veut davantage exporter que les 40 % de couteaux qu’il vend hors de nos frontières. Il a aussi d’autres projets qui devraient consolider son succès : “Sur la route du Pont du Diable, je vais ouvrir, en partenariat avec la communauté de communes de la vallée de l’Hérault, à Aniane, un bâtiment avec mon nouvel atelier de 300 m2, avec une partie touristique à l’intérieur qui proposera des ateliers pour monter son propre couteau. J’attends la réponse en septembre. Là, on va pouvoir vraiment tout réaliser sur place, comme l’usinage du bois. L’investissement est important, autour de 400 000 €. et on va pour cela pouvoir embaucher…”

Parfois, on me demande un couteau en buis ou en arbousier comme l’arbre que l’on avait, enfant, dans son jardin, C’est un objet sentimental…”

Le couteau est en vogue de génération en génération, dit-il en substance. “Je le constate lors des stages que j’organise déjà : on y voit de tout : du grand-père au petit-fils ; on fait du guillochage à la lime pour décorer et personnaliser son couteau ; ce qui donne une valeur et surtout une valeur sentimentale au couteau qui est encore plus unique. Ils comprennent aussi qu’il vaille un certain prix. C’est aussi un objet identitaire avec des bois issu d’une même région. Parfois, on me demande un couteau en buis ou en arbousier comme l’arbre que l’on avait, enfant, dans son jardin, C’est un objet sentimental…” Une marque de passage, aussi. Initiatique.

Olivier SCHLAMA

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