Les objets de l’été (5) : Leurs sacs en Néoprène recyclé emballent tout le monde

Les produits upcyclés de Captain Néo. Photos : Jérémy Melloul.

En quatre ans, Captain Néo, installé à Banuyls, a vendu plus de 10 000 pièces (housses, sacs et mêmes bijoux !) La cote de ces objets upcyclés monte, monte… La société vient de recevoir un prix de la Banque populaire du Sud.

Certains sont capables de transformer un défaut en qualité. C’est le cas de Captain Néo. L’entreprise, créée en mai 2018, n’était pas facile à réaliser. À l’arrivée, elle est pionnière ! Comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI. Et elle prend son envol.

DR. Jérémy Melloul.

La marque “Captain’neo n’est pas un magasin, c’est un concept : chaque produit est fait à la main, 100 % made in France et upcyclé. Notre créatrice rend chaque modèle unique”, définit Pascale Puig, la cofondatrice – jadis à la tête du centre de plongée Rederis à Banyuls (P.-O.) – avec Delphine d’Erfurth, la couturière. Toutes deux viennent d’ailleurs le prix régional de l’innovation organisé par la Banque populaire du Sud dans la catégorie dynamique artisanale et commerçante. Ce n’est sans doute qu’un début. “Nous avons reçu un chèque de 2 000 €” mais c’est surtout la reconnaissance qui est importante ; nous allons en 2023 concourir pour le prix de l’innovation, mais au niveau national cette fois…”

Première société de recyclage à monter son réseau

DR. Jérémy Melloul.

Issu de l’industrie pétrolière, le Néoprène, sur-utilisé dans les activités nautiques en pleine expansion, est produit à tire-larigot. Les sports d’eau ne sont pas tout à fait écolos : les combinaisons de plongée, par exemple, ne sont pas recyclables. Aucune filière de transformation n’existe. Les seules initiatives sont isolées, comme celle de Captain Néo, à Banyuls (P.-O.), et consistent à réutiliser ce caoutchouc synthétique, sous forme de sacs à main et de… bijoux. C’est la première société en France, revendiquent-t-elle, à avoir monté son propre réseau de récupération. Selon Costantino Creton, directeur de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de la Ville de Paris, “le Néoprène est quasiment impossible à recycler” (lire ci-dessous).

Près de 90 % du Néoprène est réutilisé

DR. Jérémy Melloul.

Le Néoprène utilisé est usagé, bien sûr et voué à l’incinération ou à l’enfouissement. Il est issu de combinaisons d’activités aquatiques (plongée sous marine, surf, voile, kayak…) ou de chutes de production. Delphine d’Erfurth et Pascale Puig font des miracles, des “pièces uniques”, souvent réalisées sur mesure. Cette matière isolante résistante, increvable légère et souple est finalement idéale. “Nous utilisons 90 % du néoprène récupéré. C’est de l’économie circulaire. Nous avons un stock de sept tonnes de vieilles combinaisons et nous en transformons, chaque année, 1,6 tonne.”

Des “Néopotes” récupèrent les combi partout

DR. Jérémy Melloul.

Autre innovation de Captain Néo : le recyclage unique du Néoprène s’accompagne d’une démarche 100 % écolo : “Notre bilan carbone est proche de zéro : nous avons constitué un réseau de bénévoles, que nous avons appelés des Néopotes qui est fantastique, notamment dans les clubs de plongée amis qui profitent de leurs trajets vers Banyuls pour nous apporter leur stock à l’atelier quand ils passent à proximité.” Une communauté – souvent des plongeurs – autonome, spontanée, engagée, mouvante mais impliquée !

Des récoltes aussi lors d’événements sportifs

Intelligent. “Elle est fantastique, cette communauté, parce qu’elle réunit aussi le “peuple de l’eau. Avant que la combi finisse sa vie chez nous, transformée, le Néopote qui plonge en rivière d’une autre région va peut-être donner sa combi à quelqu’un qui ira bientôt vers la Méditerranée : ce dernier peut la donner à un plongeur qui va dans une gravière…” Vertueux. C’est aussi lors d’événements aquatiques que peut s’opérer la récupération des combis. Comme l’a fait à Tours, en juin, la Fédération française d’études et de sports sous-marins au championnat de France de plongée sportive…

Faire transformer sa propre combinaison

DR. Jérémy Melloul.

On peut se faire fabriquer un objet véritablement à soi. “Souvent, un client vient avec sa propre combinaison pour la transformer en housse, sac, etc. C’est un acte intéressant, chargé de sa propre histoire, de ses propres “aventures” : la première plongée ; le premier mérou aperçu… C’est parfois quelque chose d’utile comme une housse pour ordinateur et parfois le client laisse libre cours à l’imagination de Delphine. Sacs ; trousses pour l’école des enfants, etc. Parfois même pour des cadeaux d’anniversaire !” C’est souvent beau et élégant.

“Un vrai phénomène autour de cette cause”

Pascale Puig constate un “vrai phénomène autour de cette cause” autour du Néoprène recyclé et au-delà vers les produits à qui on donne une seconde vie. “Certains viennent aussi nous acheter à la boutique impasse Saint-Sébastien. D’abord, curieux, ils veulent se rendre compte de chaque pièce unique. Ils prennent du temps. Ce sont des pièces uniques au monde ! Et nous sommes les seuls en Europe. On fait aussi des housses pour les bateaux ; pour des petits mâts ; pour des flûtes…”

Olivier SCHLAMA

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Le spécialiste : “Le Néoprène, c’est quasiment impossible à recycler”

Costantino Creton est le nouveau directeur de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de la Ville de Paris.

“Le Néoprène est fabriqué à partir de polymères longues chaines. C’est un caoutchouc synthétique très stable”, nous indiquait Costantino Creton. Chercheur en polymères et caoutchouc et, dès le 1er mai prochain, le nouveau directeur de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de la Ville de Paris (ESPCI), il ajoute : “Sa formule chimique n’est pas réversible. On ne peut pas lui faire changer de forme. C’est quasiment impossible à recycler. C’est un peu le même problème que la gomme des pneus de voitures”, précise-t-il. Le Néoprène ne “présente pas d’options de recyclage, même si des équipes dans le monde travaillent sur ce sujet”. Aucune bactérie ne peut le dégrader. “C’est un produit très stable et très stable dans le temps”, ajoute le spécialiste.

Comme les tuyaux en polyurétane dont on veut une durée de vie de 100 ans

Costantino Creton fait le parallèle avec l’un des sujets évoqués à Orlando il y a quelques année : “On vient de parler des tuyaux d’eau potable au plomb que les municipalités veulent changer à cause du saturnisme. Eh bien elles font toutes installer des tuyaux en polyurétane dont ils veulent une durée de vie de 100 ans. Ils ne pourront pas se dégrader tout seuls. On les as conçus justement très résistants…” Avant de noter qu’il existe des alternatives au Néoprène mais c’est une solution qui coûte très cher car il faut changer toute la chaîne de production”.

La réutilisation du Néoprène pour en faire divers objets, “c’est l’une des voies. Car ses propriétés se dégradent très lentement dans le temps. Ce qui use une combinaison de plongée, c’est avant les divers frottements qu’elle subit. Il n’y a pas de dégradation due avec l’eau de mer. La combinaison avec les rayons UV et l’oxygène joue un rôle dans son usure mais de façon très lente…”

Recueillis par O.SC.

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