Le miel de plus en plus rare : Les apiculteurs ne veulent plus avoir les abeilles !

L'or jaune est connu et apprécié depuis l'Antiquité. Photo : Olivier SCHLAMA

Comme c’est le cas en ce dimanche 30 octobre, près de Montpellier, des milliers de familles se pressent chaque année pour y fêter l’or jaune. Apprécié depuis l’Antiquité, le miel a traversé les siècles mais se fait de plus en plus rare. Avec 45 000 tonnes englouties chaque année, les Français en raffolent mais, de fait, sont obligés d’acheter du nectar d’importation, pas toujours de qualité… L’Héraultais Christian Pons explique pourquoi l’Unaf qu’il préside a lancé une pétition nationale pour interpeller le gouvernement face aux avanies de la profession : prolifération de frelons asiatiques, réchauffement climatique, pesticides, monocultures…

Les récoltes de miels de romarin, thym, châtaignier, lavande ou garrigue, ont été plus que médiocres. Mais vous devriez en trouver à Cournonsec comme d’autres variétés, la Mecque du miel, l’espace d’une journée. Chaque année, depuis onze ans, près de Montpellier (Hérault), sous le soleil doré d’automne, on y célèbre l’or jaune, celui de proximité de préférence, celui des circuits courts. Qu’il soit de lavande, d’acacia ou d’une autre fleur… Cette année encore, en ce dimanche 30 octobre, jusqu’à 18 heures, on y vient en famille “faire le plein”, pour participer avec son petit dernier à l’atelier création de bougies, à un escape game ; voire à assister à l’extraction de miel, à la fabrication de cosmétiques…

Et Georges Frêche donna son feu vert…

De moins en moins de miel produit en France… Photo DR

La légende veut que ce soit Georges Frêche qui ait donné son imprimatur à cette fête dont il ne verra pas la première édition, ayant cassé sa pipe juste avant la première édition. Président national de l’Unaf (Union nationale des apiculteurs français) après l’avoir été pour l’Hérault, Christian Pons confie : “À l’époque, je faisais partie du conseil municipal aux côtés de Jean-Pierre Moure. Toujours à l’affût d’idées pour aider ses communes amies, Frêche me demanda comment il pouvait aider. C’est comme ça qu’est née cette fête au même titre que la fête de la tomate. Depuis les gens attendent cette journée.”

Une réussite au goût amer…

C’est, depuis, aussi une façon de promouvoir le manger “local” auquel la Métropole de Montpellier s’est d’ailleurs associée. Mais c’est une réussite qui a pourtant le goût de l’amertume. Cette grande foire où l’on accueille régulièrement plus de 10 000 personnes en l’espace d’une seule journée ne peut pas éclipser, à moins qu’elle le rende encore plus visible, le phénomène de raréfaction de la production mellifère.

Entre 12 000 et 14 000 tonnes produites en France

Miel. Olivier SCHLAMA

Deux chiffres : selon l’Unaf, la récolte de miel cette année devrait se situer entre 12 000 et 14 000 tonnes (12 000 tonnes en 2021) pour une consommation de quelque 45 000 tonnes, dont 30 000 tonnes d’importation. Cherchez l’erreur… On importe de plus en plus de miels ou de pseudos miels, de Chine, notamment où il n’est pas rare que les pots renferment un artefact de miel… Il y a aussi d’autres avanies, dont le frelon asiatique qui défoncent les ruchers ; les pesticides, herbicides, toujours aussi présents pas formellement interdits…

L’Hexagone compte, avec tous les amateurs qui possèdent même que deux ou trois ruches, quelque 70 000 apiculteurs. Ceux qui ne vivent que de la récolte de miel ne sont, eux, à peine 2 500. “Il y a encore 25 ans, la production française atteignait 35 000 tonnes à 40 000 tonnes, rappelle Christian Pons. L’import n’est pas d’égale qualité, en plus. On trouve de tout des miels édulcorés, des mélanges {parfois avec des sirops de glucose, Ndlr…}”

Pétition nationale, l’appel de Quimper

D’où l’appel de Quimper, du nom de cette ville où s’est tenu le Congrès européen de l’Apiculture Beecome 2022 jusqu’au 23 octobre. Un rendez-vous que, jamais,  le ministre de l’Agriculture n’avait auparavant manqué ; il venait y démontrer son soutien ; cette année, personne. Ni une aide médiatique ni une aide financière. On a donc lancé notre appel qui résume la situation avec douze propositions, simples à mettre en oeuvre. Et qui peuvent grandement nous aider.” Cette pétition, l’Appel de Quimper, reprend les antiennes des apiculteurs : limiter la monoculture, les néonicotinoïdes, multiplier les pratiques agroécologiques…

C’est du sucre, du sirop, que sais-je d’autre… Ça entre en France par fûts de 300 kilos. Il n’y a aucun contrôle…”

Près de 10 000 visiteurs se pressent depuis dix ans à la fête du miel à Cournonsec (Hérault), ce dimanche pour déguster et acheter parfois pour l’année entière les nectars des apiculteurs de l’Hérault, dont celui de David Pégazet. Photo d’archives : Olivier SCHLAMA

Sans oublier une vieille revendication en partie satisfaite : l’étiquettage, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Il y a cinq ans, déjà, l’Héraultais Christian Pons tonnait : “Certaines importations se font appeler miel mais aucune abeille n’en a vu de ce type-là puisque ça n’en est pas ! C’est du sucre, du sirop, que sais-je d’autre… Ça entre en France par fûts de 300 kilos. Il n’y a aucun contrôle.” Et si vous lisez une étiquette avec “EU” (Europe) ou même “Hors EU”, fuyez !

Elles masquent une réalité peu ragoûtante. Ce sont souvent des miels douteux (Chine, Ukraine, Argentine, Hongrie, Espagne, Italie) et qui représenteraient les trois-quarts des miels consommés dans l’Hexagone… avec l’UFC que Choisir, les apiculteurs avaient lancé une vaste campagne. Désormais, depuis le 1er juillet, obligation est faite d’indiquer sur chaque pot le pays d’origine du miel. “Oui, c’est exact, confirme Christian Pons. Mais les importateurs ont un certain temps pour écouler leurs anciens stocks sans l’étiquetage d’origine…” Et puis les magouilles ne s’arrêtent pas à ça : “Certains miels, hors Europe entrent dans un pays européen, l’Espagne ou l’Italie, par exemple, et deviennent ainsi des miels européens…”

84 % des espèces cultivées dépendent des abeilles

Fêter l’abeille c’est aussi célébrer le miracle de la nature : ce sont des insectes pollinisateurs de premier ordre : en Europe, 84 % des espèces cultivées en dépendent ! Cette espèce en danger joue pourtant un rôle fondamental dans les équilibres naturels. Ce n’est pas tout : “Il faut arrêter la monoculture”, ressasse Christian Pons. L’homme est apiculteur depuis longtemps. Ancien président de l’Unaf de l’Hérault, il préside l’association des professionnels dans l’Hexagone. C’est dire combien il sait de quoi il parle.

Avec le changement climatique et la canicule, il y a bien des fleurs qui fleurissent mais aucune montée de nectar…”

Photo Jean-Louis Codina

Sans oublier les aléas climatiques – le gel en mars 2021, la chaleur trop intense et inédite aux portes de l’hiver et, son corollaire, la sécheresse qui a débuté en avril dernier – de plus en plus nombreux qui affament et déciment le cheptel d’abeilles. “Avec le changement climatique et la canicule, il y a bien des fleurs qui fleurissent mais aucune montée de nectar… C’est un phénomène que l’on constate principalement au Sud de la Loire. La production est très disparate.”

C’est donc une année encore plus compliquée que les précédentes pour l’apiculture française. Pas moins de 35 % des 14 millions de ruches en Europe, dont la moitié sont gérées par des professionnels, meurent chaque année… “Les ruchers étaient jusqu’à fin septembre dans un état catastrophique…” Pourtant, l’abeille a su résister à l’extinction durant 80 millions d’années. Leur disparition coûterait, en plus, 2,9 milliards à la France, selon la Fondation Nicolas-Hulot.

Demande de calamités agricoles

Cette situation est-elle identique dans l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen ? “Oui, il y a beaucoup de similitudes. Mais cette situation “migre” beaucoup plus au Nord, de plus en plus”, fait remarquer Christian Pons.En revanche, dans les zones de luzerne ou de sainfoin, plantes qui résistent bien aux rigueurs du climat, les apiculteurs ont pu effectuer de très belles récoltes.

Dès le mois de juillet, compte tenu de la situation dramatique de l’apiculture française, l’UNAF a alerté les services de l’Etat pour que soit mis en œuvre les calamités agricoles de manière à aider les apiculteurs à passer ce cap difficile.

Olivier SCHLAMA

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