Langues régionales : Un vote “historique” à l’Assemblée… Et après ?

Les députés ont voté en faveur des langues récionales à une large majorité. Photo d'archive © Assemblée Nationale

Le 8 avril 2021, l’Assemblée nationale a définitivement adopté (sans modification) la proposition de loi par 247 voix pour, 76 voix contre et 19 absentions. Le texte avait été déposé le 30 décembre 2019 par le député Paul Molac et plusieurs de ses collègues. Il avait été adopté en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 13 février 2020, puis par le Sénat le 10 décembre 2020. Pour la Fédération des enseignants de langue et culture d’Oc (Felco) c’est “une victoire historique de l’engagement collectif.”

Dans un communiqué, la Felco souligne : Certains au cours de ce débat l’ont défini comme historique. Compte tenu de ce qu’a été trop longtemps l’attitude de l’État français face à des langues parlées par tant de ses citoyens, on peut effectivement parler d’un jour historique. C’en est peut-être enfin fini du mépris, de la méfiance irraisonnée, des petits calculs politiciens et des leurres rhétoriques, comme de la paresse intellectuelle qui ne veut pas voir ce que ces langues et ces cultures apportent à la culture nationale, et, au-delà, à la culture de l’humanité…”

Les langues régionales font partie du “patrimoine linguistique”

Le texte reconnait, dans le code du patrimoine, l’existence d’un patrimoine linguistique, constitué de la langue française et des langues régionales. Il inclut dans la définition du patrimoine ces langues et précise le concours de l’État et des collectivités locales dans leur enseignement, diffusion et valorisation.

Il accorde le statut de trésor national aux biens présentant un intérêt majeur pour la connaissance des langues française et régionales. Cette appartenance à la catégorie de trésor national entraîne l’application d’un régime particulier de protection. Les biens concernés pourront être, par exemple, des enregistrements ou des manuscrits anciens.

Les points essentiels portent sur l’enseignement

Photo d’archive – D.-R.

Sur le plan de l’enseignement, la loi promet notamment l’enseignement immersif (effectué pendant une grande partie du temps scolaire dans une langue autre que le français, NDLR) et oblige les communes de résidence qui ne disposent pas d’écoles bilingues à contribuer aux frais de scolarité des écoles privées sous contrat, proposant un enseignement bilingue.

Il y est également question de “généraliser l’enseignement des langues régionales comme matière facultative” (de la maternelle au mycée) comme c’était jusque là seulement le cas en Corse.

Ce sont en particulier ces options liées à l’enseignement qui ont suscité le plus d’opposition, notamment sur les bancs du gouvernement et de ses alliés.

Bâtiments publics, prénoms, et zèle ministériel

De plus, la proposition de loi promeut l’affichage bilingue sur les bâtiments publics, les panneaux de signalisation, dans la communication institutionnelle, dans les régions qui le souhaitent (*). Le nouveau texte de loi vise également à mettre fin aux difficultés rencontrées par les parents qui choisissent des prénoms traditionnels régionaux.

La Felco se dit cependant vigilante : “Bien entendu, le vote d’aujourd’hui ne règle pas tous les problèmes. Sans parler du risque de voir le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’Etat adopter une fois de plus une vision restrictive des implications d’un article 75-1 qui a jusqu’ici bien peu servi, mais auquel le vote d’aujourd’hui donne enfin un sens. Il est clair que l’application du texte dépend pour une bonne part du zèle que le ministère acceptera de manifester à son égard, et des moyens qu’il mobilisera à cet effet.”

La Felco, qui s’est investie activement dans le combat pour cette loi, dans le cadre de la coordination Pour que Vivent Nos Langues, affirme qu’elle va s’investir dans le suivi de ce combat, après cette première victoire, avec tous ceux qui s’engageront pour qu’elle se concrétise sur le terrain, de la maternelle à l’université, dans toutes les régions de l’espace de la langue d’Oc.”

En une phrase : C’est historique, mais ce n’est pas gagné !

Philippe MOURET

(*) Ainsi, les trains d’Occitanie deviennent bilingues ! Dès ce mois d’avril, les annonces de certaines lignes se feront en catalan & en occitan, l’affichage des panneaux sera bientôt modifié.

On peut aussi le dire en occitan :