Langues régionales : Une conférence pour aller contre “la haine de soi”

Photo D.-R.

“Le concept d’auto-odi est crucial pour comprendre pourquoi les populations ont abandonné massivement leurs langues”, précise Marie-Jeanne Verny, du département d’Occitan à l’UPV Montpellier, à l’origine du séminaire qui se déroule à Montpellier, le 13 février…

Quès’aco !? Ce sont les premiers mots qui viennent lorsqu’on prononce l’appelation de ce concept : auto-odi… Et pourtant, “La notion d’auto-odi (haine de soi, NDLR) est essentielle dans la compréhension des processus de substitution et d’abandon individuel et, ou, collectif d’une langue en situation de domination, de minoration et d’idéologisation diglossique. Elle conduit le locuteur d’une manière radicale et définitive à l’abandon de sa langue, de sa non transmission mais aussi à un combat parfois véhément à l’égard de ses origines. Cet ouvrage mène une réflexion épistémologique autour de cette notion”, souligne l’éditeur à propos du récent ouvrage Auto-odi, la haine de soi en sociolinguistique (Paris, 2016, L’Harmattan), dirigé par Carmen Alén Garabato (de l’UPV 3) et Romain Colonna.

La langue corse, un symbole du débat

Ce dernier est justement présent à Montpellier pour le séminaire RedOc qui se tient ce 13 février à l’Université Paul-Valéry (17h15, salle A105). Une participation qui va prendre une coloration toute particulière après la visite du président de la république, Emmanuel Macron, au-cours de laquelle il s’est clairement opposé à la “co-officialité” de la langue Corse, qu’il a jugé en opposition avec le bilinguisme. “La défense légitime de la langue corse” ne doit pas “relever d’une logique de l’entre-soi, qui pourrait mener à une fermeture du marché du travail”, avait-il alors déclaré. Sans exclure toutefois que la maîtrise de la langue corse puisse figurer comme compétence dans une offre d’emploi.

Romain Colonna, le 13 février à l’Université Paul-Valéry de Montpellier; Photo @RC

Romain Colonna, maître de conférence à l’université de Corse et élu à l’assemblée territoriale, évoquera lors de son intervention la situation sociolinguistique du Corse, “entre domination et contestation.”  Comme une forme de réponse anticipée au Président, Romain Colonna écrivait en 2012 : “Outre la volonté légitime de maintenir une langue historique, référent identitaire aujourd’hui incontournable, à travers notamment la manifestation d’un « nationalisme culturel » (Boyer, 2006), il semble bien que la question de la revitalisation du corse s’inscrive dans un projet de société qui dépasse largement la seule question linguistique. L’enjeu semble être de dessiner les contours d’une nouvelle citoyenneté, d’ordre culturel, inclusive et non exclusive, une forme nouvelle du vivre-ensemble. L’orientation actuelle des débats politiques locaux va dans ce sens.”

“Domination et minoration linguistiques”

Pour Romain Colonna, “il s’agira à travers cette conférence de présenter dans un premier temps les principales caractéristiques de la situation sociolinguistique insulaire… Partant de là, nous essaierons de dégager les éléments significatifs et structurels pour une modélisation de la domination et de la minoration linguistiques en montrant à travers l’exemple corse ce qui pourrait éclairer d’autres situations de minoration. Cette réflexion nous conduira également à interroger le rôle du chercheur en contexte de domination et son éventuelle, voire nécessaire, implication dans le conflit linguistique et sa résolution.” 

“Mon souci constant est, à partir du terrain corse, d’alimenter et d’illustrer une théorie générale sur le plurilinguisme. D’autre part, il est important de se nourrir de différents contextes afin de mieux comprendre le sien, que ce soit par analogie ou de manière comparative…” précisait Romain Colonna lors d’un entretien au magazine indépendant Le Peuple Breton (l’intégralité de l’entretien en cliquant ICI). Le débat de Montpellier, ce 13 février,  est ouvert à tous et il s’annonce réellement passionnant.

Philippe MOURET