La crise, facteur aggravant : En mer ou piscine, les noyades flambent

Désormais on enregistre quelque 1 000 noyades par an en France. Notamment chez les très jeunes et les personnes âgées. Photo : Olivier SCHLAMA

Les noyades sont la première cause de décès par accident de la vie courante chez les moins de 25 ans. Chaque année, en France, désormais 1 000 personnes meurent de noyade. Et, déjà, un triste constat : 654 noyades en un mois, dont 79 mortelles. L’Occitanie est particulièrement concernée. La crise a été un facteur aggravant.

Au secours ! L’été commence et les noyades flambent. Les pouvoirs publics ont fait un premier décompte : pas moins de 654 noyades en France entre le 1er juin et le 5 juillet (et un millier en année pleine), incluant 314 noyades accidentelles, dont 79 suivies de décès (soit un quart). Un nombre élevé en un mois à peine représentant pour les noyades accidentelles, comparativement à l’enquête 2018 sur la même période, une augmentation de 22 % et de 58 % des décès, respectivement 314 contre 257 et 79 contre 50. Et l’été ne fait que commencer ! L’enquête que mènent Santé publique France dans l’Hexagone et les Outremers se poursuit jusqu’au 30 septembre.

Les enfants et les personnes âgées

Cette année encore deux catégories d’âge sont sur-représentées parmi les noyades accidentelles : les enfants jusqu’à 5 ans (21 %) et les personnes âgées au-delà de 65 ans (25 %). Quant aux noyades suivies de décès en cours d’eau et plan d’eau, elles ont représenté sur la période 44 % du total des décès par noyades accidentelles. Et, contrairement à 2018, ces décès n’ont pas seulement concerné les adultes, mais également les enfants et les adolescents (lire ci-dessous).

Autre enseignement de  cette enquête, les noyades accidentelles sont plus nombreuses dans les régions du littoral, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie, par rapport aux autres régions.

Crise et sédentarité

Santé publique France indique que “ces noyades sont survenues dans le contexte de levée des mesures de restriction déployées pour la gestion de l’épidémie de Covid-19. Ces mesures se sont traduites notamment par une réduction importante de l’activité physique et une prise de poids entrainant une probable altération de la condition physique de la population”. L’organisme y voit “l’augmentation du nombre de noyades pourrait donc être au moins partiellement liée à une mauvaise appréhension des capacités physiques ou à une dégradation de l’état de santé au sortir d’une longue période de moindre activité.”

“Sensibiliser enfants et parents”

Le ministre de l’Education et des Sports, Jean-Michel Blanquer y voit les effets délétères de la crise sanitaire et des confinements qui “ont privé les enfants de l’accès aux piscines.” Accentuant leur sédentarité et accroissant pour les plus petits le risque de noyade qui, “malheureusement augmente d’année en année.” Il propose de “sensibiliser enfants et parents sur les comportements à tenir près des plans d’eau”. Il précise que son ministère est “pleinement mobilisé pour permettre un apprentissage du savoir nager dès le plus jeune âge. D’ici à 2022, 90 000 élèves auront bénéficié du plan aisance aquatique qui enseigne les fondamentaux de la natation dès la fin de la maternelle. Afin d’accompagner cette dynamique, le gouvernement a consacré depuis 2019 47 M€ pour la rénovation ou la construction de piscines.”

Première cause de décès par accident de la vie courante chez les moins de 25 ans

La ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracinéanu de son côté rappelle un triste constat : “Chaque année, en France, 1 000 personnes décèdent par noyade et 372 000 dans le monde (OMS). Les noyades sont la première cause de décès par accident de la vie courante chez les moins de 25 ans. Et quand on n’en meurt pas, la noyade peut laisser de graves séquelles. Le constat est encore plus alarmant chez les publics fragiles. En effet, selon la National Autism Association, les noyades sont responsables de 90 % des décès d’enfants autistes de 14 ans et moins.”

Le déclic en 2018

La publication du rapport noyades de Santé publique France en 2018 a été un déclic – les noyades accidentelles avaient augmenté de 30 % par rapport à 2015 – , révélant  une augmentation significative du nombre d’accidents, notamment chez les enfants. Les raisons de cette flambée des noyades sont multiples : de plus en plus de piscines familiales, rareté ou vétusté des équipements aquatiques publics dans certains territoires, réchauffement climatique générant des situations accidentogènes…

Acquérir les fondamentaux, plus de piscines et favoriser l’accès aux MNS

D’où le dispositif Aisance Aquatique pour les 4-6 ans particulièrement touchés par les noyades, notamment en piscines familiales. Le but : acquérir les fondamentaux pour évoluer dans l’eau en sécurité. Cela s’accompagne de rénovations et construction de bassins qui a permis d’investir plus de 47 M€ depuis 2019 dans des équipements (piscines, bassins d’apprentissage, bassins mobiles…), en priorité dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) et dans les zones rurales.

Enfin, “le ministère travaille aux évolutions réglementaires indispensables pour favoriser l’accès au métier de maître nageur sauveteur, filière qui recrute, et multiplie les collaborations pour impliquer le plus grand nombre d’acteurs dans la prévention et la sensibilisation”.

Dans un entretien exclusif à Dis-Leur, la ministre des Sports avait, il y a dix-huit mois, déroulé un plan ambitieux : Les noyades ? “C’est l’affaire de tous les ministères et de tout un chacun”, a-t-elle plaidé, en ouverture de la Conférence nationale de consensus à Reims. Notamment au travers des “classes bleues” sur le modèle des classes de neige. Elle veut que tout le monde prenne cette problématique “à bras le corps”. Parmi ses solutions, prévention et formation…

Olivier SCHLAMA

  • Méthode. Toutes les noyades, qu’elles soient accidentelles ou intentionnelles, prises en charge par un service de secours organisé sur le lieu de noyade et suivies d’une prise en charge hospitalière (passage aux services d’urgence ou hospitalisation) ou d’un décès ont été prises en compte dans l’enquête. Pour chaque cas de noyade, un questionnaire est rempli par les services de secours organisés (pompiers, SAMU-SMUR, etc.) intervenant auprès des victimes de noyade. Les informations sont enregistrées dans une base de données transmise à Santé publique France.
  • Ces 654 noyades étaient réparties en :  314 noyades accidentelles, dont 79 décès (25 %) ; 29 noyades intentionnelles (suicide, tentative de suicide, agression), dont 14 décès (48 %) ; 311 noyades d’origine encore indéterminée, en cours d’investigation, dont 63 décès (24 %).
  • Parmi les 314 noyades accidentelles enregistrées selon le lieu de survenue  : 49 % (153) sont survenues en mer dont 36 % (55 dont 16 décès) concernaient des personnes de 65 ans ou plus ; 25 % (78) sont survenues dans un cours d’eau et plan d’eau, noyades qui concernaient toutes les classes d’âge dans des proportions équivalentes ; 23 % (75) sont survenues en piscine dont 65 % (49 dont 4 décès) concernaient des enfants de moins de 6 ans ; 3 % (8) sont survenues dans d’autres lieux (baignoire, bassin, etc.)

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