Jardins thérapeutiques : ils apaisent (aussi) les professionnels de santé

Le jardin thérapeutique, une solution pourn les patients, mais aussi pour le personnel soignant... Photo D.-R.

Les personnels des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) dénoncent leurs conditions de travail et les conséquences sur les patients. Une grève unitaire a débuté le 30 janvier pour dénoncer des conditions de travail toujours plus difficiles et “une maltraitance institutionnelle.” Au-delà du conflit social et de légitimes revendications (lire ICI), la société Terramie offre un élément de réponse déjà expérimenté à Rodez (Aveyron) et en projet en Lozère.

Charge émotionnelle trop forte, rythme et charge de travail pesant lourdement sur la vie familiale et sociale, forte tension au travail : les professions médicales et para médicales sont parmi les plus touchées par le burn out. Des solutions existent, parmi lesquelles les jardins thérapeutiques, outils d’accompagnement pour personnes âgées ou en situation de handicap. Ils révèlent aussi des bienfaits indéniables pour les soignants qui profitent de leurs côtés apaisants.

Le jardin les aide à se recentrer, à retrouver le plaisir de l’aide à autrui et à faire face à des situations émotionnellement difficiles. Il constitue un moyen important de lutter contre ce mal dont la reconnaissance en tant que maladie professionnelle semble se profiler.

L’épuisement professionnel des soignants : une réalité

« Etre confronté aux souffrances des personnes est une source de stress très importante que nous vivons au quotidien. Nous nous sentons trop souvent seuls face à la maladie et à la mort. C’est très éprouvant émotionnellement. » confie Martine, aide-soignante en Ehpad. L’usure interne chez les soignants a de multiples causes et répond toujours au même processus. Pour compenser ces émotions extrêmement fortes, les soignants vont avoir tendance à se surinvestir dans leur travail, ce qui peut les conduire à des sentiments d’impuissance, d’échec et de culpabilité.

Ils peuvent alors entrer dans une phase de mépris vis-à-vis du patient, laissant la place à un sentiment d’échec professionnel. Durant leur burn out, ils vivent des périodes de découragement et de désespoir tout en continuant la relation d’aide comme ils le peuvent, avec des conséquences lourdes sur le plan personnel et social. En Occitanie, Terramie a installé un jardin thérapeutique à Rodez et un autre est en projet à l’Ehpad Joseph-Caupert du Bleymard (Lozère).

A noter que l’université de Toulouse Jean-Jaurès propose une formation continue d’initiation à l’hortithérapie, qui est “la réhabilitation pratique et globale de la personne par l’utilisation des plantes et la relation avec les différents éléments de la nature dans un cadre aménagé, inclus dans un programme spécifique s’adressant à divers publics et troubles.” (*)

Les soulager de cette douleur

Un jardin de vie est élaboré autour des cinq sens, pour devenir un véritable lieu de vie. Lieu d’apaisement et de bien-être, le jardin thérapeutique a un réel impact sur la santé mentale et physique des patients mais aussi des soignants. Les jardins les aident à mieux vivre leurs émotions.

Retrouver des sensations d’autrefois… Photo D.-R.

« Les jardins thérapeutiques ne sont pas destinés uniquement aux malades, mais aussi à leur famille et aux soignants qui profitent de ses côtés apaisants avec les résidents. Ils apprécient aussi ce moment de détente pendant leurs pauses. Les professionnels de santé exercent des métiers difficiles, épuisants. Côtoyer la souffrance, la maladie et la mort au quotidien laisse forcément des séquelles. Il est important de les aider à garder le moral. C’est pour eux une expérience riche qui leur permet d’apprécier davantage leur métier et les encourage à utiliser le jardin pour aider les résidents » indique Nathalie Joulié Morand, directrice développement de Terramie, réseau de création et d’accompagnement de jardins thérapeutiques.

En sortant à l’air libre avec les résidents quelques instants, ils quittent l’univers médicalisé et retrouvent un lieu de rencontre et de plaisir qui facilite les échanges avec les patients. Il modifie la relation duelle car il s’agit de partager de personne à personne et plus seulement de soignant à soigné. Il devient un moment de calme où tout a été pensé pour procurer un bien être total et éveiller tous les sens, l’équilibre psychologique de chacun est favorisé, tous retrouvent une paix intérieure. Pour les soignants, voir un patient retrouver le moral, l’entendre exprimer sa joie et sa reconnaissance les aident à apprécier à nouveau leur travail. « Nous pouvons emmener les résidents ici juste pour qu’ils se détendent. C’est plus amusant pour venir travailler. Ils sont plus heureux et nous aussi » explique Martine.

« Ce jardin a tout changé ! Tous les jours je vais y faire un tour. Certains jours, je plante, d’autres jours j’arrose. Et parfois je me contente d’y boire une tisane en écoutant les oiseaux. J’ai l’impression d’être à nouveau dans le jardin de la maison où j’ai vécu plus de 30 ans. Ça me fait un bien… » explique une résidente, Hélène, 76 ans…

Limiter le turn over

« Les Directeurs d’établissements comprennent l’importance de proposer un environnement de travail avec un jardin thérapeutique : c’est un vrai plus pour exercer autrement. Ces espaces sont de véritables parenthèses pendant lesquelles les soignants se ressourcent, le temps d’une pause. Nous observons d’ailleurs une baisse significative de turn over dans les établissements accueillant des jardins thérapeutiques » affirme Nathalie Joulié Morand. Le bien être qu’ils procurent et le degré d’investissement qu’ils nécessitent, contribuent à enrayer le turn over, fréquent dans ces professions et véritable fléau pour les établissements de soins.

Dans les jardins thérapeutiques réalisés par Terramie, le personnel soignant doit être intégré très tôt dans l’élaboration du jardin car c’est lui qui accompagne les personnes âgées, personnes atteintes d’Alzheimer, personnes en situation de handicap… Il est ainsi formé par Terramie à l’usage du jardin qu’il doit s’approprier pour que chacun profite pleinement de ces nombreux avantages. Des équipes soignantes sont même parfois à l’origine de leur création comme à l’Ehpad de Saint-Quirin où le personnel soignant avait alerté le directeur de la nécessité de réaliser un jardin thérapeutique.

Philippe MOURET

(*) Université Toulouse Jean-Jaurès, contact : Maxime Marty gestionnaire de formations 05 61 50 41 70- maxime.marty@univ-tlse2.fr… Plus largement Université Toulouse – Jean Jaurès Service Formation Continue – sfc@univ-tlse2.fr ,5 allées Antonio Machado – 31058 Toulouse cedex 9 – Station Mirail Université
A propos de Terramie : Fruit d’une passion commune entre 4 passionnés du jardin, Terramie est la première entreprise spécialisée en création et accompagnement de jardins à visée thérapeutique en France. Le concept de Terramie repose sur deux aspects, indissociables l’un de l’autre : la création d’un jardin de vie sur mesure adapté à un établissement et aux pathologies, mais aussi la formation des équipes de soin à l’usage du jardin. L’objectif de Terramie est de permettre aux équipes soignantes et personnel d’encadrement d’accompagner des personnes âgées, personnes atteintes d’Alzheimer, personnes en situation de handicap, personnes autistes, en hôpitaux, centres de rééducation… autrement, par le jardin. Pour que le jardin thérapeutique fonctionne, l’équipe soignante doit s’approprier le jardin et être intégrée au projet. Le réseau de franchise, lancé en janvier 2014, compte aujourd’hui sept franchisés (Longwy, Dijon, Limoges, La Roche sur Yon, Rodez, Reims, Tours), un site pilote (Nancy) et des ouvertures en cours de signature.