Institut Cervantès : “Toulouse est la ville la plus espagnole de France”

La prestigieuse institution, qui fête ses 30 ans, participe activement à la vie culturelle de la Ville Rose. Le directeur de celui de Toulouse, actif depuis 1992, Juan Pedro de Basterrechea Moreno, nous fait (re)découvrir cet institut, spécialisé dans l’exil républicain, qui propose des diplômes et offre un accès à un fond de 50 000 documents.

Créé en 1991, le prestigieux Institut Cervantès se déploie dans 90 villes dans le monde, dont quatre en France : Paris, Bordeaux, Lyon et Toulouse. Présidé par le roi d’Espagne, l’Institut est incontournable dans la Ville Rose où il participe à de nombreux événements culturels. Financé par l’Etat espagnol pour moitié et pour l’autre par l’autofinancement via ses activités, l’institut se consacre à la promotion et à l’enseignement de la langue espagnoles, ainsi qu’à la diffusion de la culture espagnole et hispano-américaine. Les sièges de l’institut se situent à Madrid et Alcalá de Henares. Cette institution est comparable à l’Institut français, au British Council ou au Goethe Institut.

“C’est, en fait, une invention française !”

Le directeur de celui de Toulouse, actif depuis 1992, Juan Pedro de Basterrechea Moreno nous fait (re)découvrir). “L’idée c’est de promouvoir la langues espagnoles et les autres autres co-officielles, catalan, basque, galicien et aussi la culture de tous les pays hispanophones. En fait, ce genre d’institut est une invention française : la fameuse Alliance Française avait été créée pour les mêmes raisons en 1883.”

Diplomatie culturelle

La culture espagnole est déjà très répandue de par le monde. “C’est la langue officielle de 22 pays dans le monde. Et encore on ne compte pas les USA où l’espagnol n’est pas langue officielle mais c’est le second pays par le nombre de pratiquants, dépassant largement en Espagne même. À Toulouse comme ailleurs, il y a une volonté de maintenir ce lien. C’est ce que l’on appelle la diplomatie culturelle, faite pour se rapprocher des gens. La diplomatie classique, elle, est faite pour faciliter les relations entre états. Mieux on se connaît, mieux on se comprend, mieux on s’aime… En clair, mieux on se connaît, plus on aura des relations amicales qui vont rejaillir sur tout le monde…”

“Toulouse a connu plusieurs vagues d’Espagnols qui sont venus s’y installer”

Chaque institut propose quatre axes d’activités : culturelles, gratuites ; la bibliothèque spécialisée et elle aussi ouverte à tous ; les cours de langue d’espagnol, catalan, basque et les diplômes de langue. “Toulouse, c’est un peu particulier. Monsieur Moudenc aime à dire que la ville Rose est la ville la plus espagnole de France. Toulouse a connu plusieurs vagues d’Espagnols qui sont venus s’y installer. La plus importante, c’est la fameuse retirada, à partir de février 1939, où les Républicains espagnols ont fui la péninsule ibérique. Et qui a eu une influence très importante. Une grande majorité de ceux qui sont restés se sont définitivement installés à Toulouse. On estime cette population qui se sont installée après la Seconde Guerre mondiale entre 100 000 et 150 000 personnes. Certes, la nouvelle génération est un peu moins impliquée dans cette histoire d’exil mais quand même, ces Français d’origine espagnole tiennent à leur origine et leur double culture.”

Participation aux festivals les plus importants

L’engouement ne se dément pas : “La semaine dernière, nous avons inauguré une exposition d’un peintre et sculpteur espagnol et nous avons eu un public que nous n’avions jamais vu chez nous. C’est formidable.” L’apprentissage de la langue est très important à l’institut Cervantès tout autant que sa participation active à la vie culturelle toulousaine. “L’esprit de l’organisation de nos activités culturelles, ce n’est pas de les faire nous-mêmes de façon isolée pour montrer ce que nous savons faire. C’est au contraire il s’agit de collaborer, de s’insérer dans le tissu culturel local, en participant notamment aux festivals les plus importants dans la ville et la région. Par exemple, Ciné espagnol, CinéLatino : là c’est clair. Mais on participe aussi au Marathon de mots avec des auteurs, des écrivains qui y participent. Notre rôle, c’est d’aider à la participation de ces auteurs espagnols ou latino-américains.”

Même avec le Festival d’Avignon

Parmi les événements les plus importants, il y aura, entre autres, le festival de flamenco ;  une collaboration autour d’un spectacle sur Picasso en collaboration avec le théâtre du Capitole ; des présentations de revues ; il y a des collaborations autour de journées d’études avec les universités… “On essaie d’être présent dans les grands manifestations. Soit c’est une manifestation hispanique soit on y apporte l’élément hispanique. Depuis peu, nous collaborons avec le Festival d’Avignon. Avec cette pandémie, on a aussi appris à proposer des activités culturelles à distance.”

La France a le plus d’élèves en espagnol

“La France a une particularité : c’est le pays au monde où il y a le plus d’apprenants en langue espagnole dans le système éducatif : quatre millions de jeunes choisissent l’espagnol en deuxième langue à l’école. Ce choix de la deuxième langue est à majorité l’espagnol. L’allemand arrive 3e avec 800 000 élèves. On voit qu’il y a une forte demande en France ; et c’est normal : il y a la proximité des deux pays et la question aussi que l’espagnol est une vraie langue de communication internationale comme l’anglais et le français.”

50 000 documents dont 2 000 sur l’exil

Dans la capitale de l’exil républicain espagnol, on trouve une bibliothèque spécialisée unique en son genre, celle de l’institut Cervantès. “Nous avons un fond documentaire de l’exil très important, grâce d’abord à des donations, parfois très importantes ; le plus souvent ce sont des familles qui découvrent des trésors à préserver lors d’un héritage d’un parent. Chez nous, ce sera à la fois préservé et mis à disposition. Nous faisons aussi des recherches permanentes. Nous avons 50 000 documents, dont 2 000 pour le fond de l’exil dont souvent nous détenons que la seule copie connue…”

Olivier SCHLAMA

L’institut revendique quelque 400 élèves, délivre des diplômes DELE, Diplôme d’Espagnol Langue Etrangère, (613 en 2021) ; des diplômes SIELE  (Service International d’Evaluation de la Langue Espagnole) : (47). Les 2 examens sont conformes au Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) du Conseil de l’Europe.

Le programme de l’institut :

  • Expo : L’arbre et sa forêt de signes
    d’ Aitor Mendizábal

Du 12 janvier au 25 février :
L’exposition est composée d’une série de sculptures, de peintures et de dessins sur le thème de l’arbre que l’artiste travaille depuis quelques années. Aitor Mendizabal (né en 1949) sculpteur, peintre et graveur, vit et travaille entre San Sebastián et Arcangues au Pays Basque. Après ses études supérieures aux Beaux Arts à l’Academia Di Belle Arti de Rome, il a réalisé de nombreuses expositions en France et en Espagne, avec notamment des oeuvres publiques et monumentales que l’on peut admirer à San Sebastián, Hernani, Ceret, Oloron, Belus ou Boulogne sur mer. Il a fait l’objet de publications, catalogues et ouvrages consacrés à son oeuvre.
Galerie ouverte de 14h30 à 18h30

  • Dans le cadre des festivals des Images aux mots et Cinélatino
    Projections de cinéma:
    “Toutes les femmes que je connais”
  • 19/01/2022 à 18h30
    Xiana do Teixeiro signe ici une histoire de sororité universelle. Une proposition radicale et engagée racontée de façon directe, sans fard, les conversations entre femmes sont captées, autour de la violence dont elles continuent de souffrir dans l’espace public.
    Les Sentiers de l’oubli
    31 janvier 2022 à 18h
    Après le décès de son mari, Claudina à 70 ans se retrouve dans une routine solitaire. Elle décide de quitter la campagne pour rejoindre son petit-fils Cristóban et sa fille Alejandra, avec qui la communication est compliquée. C’est ici qu’elle fait la connaissance d’Elsa, une femme indépendante et mariée qui chante dans un bar caché appelé « Porvenir » (L’avenir). Une rencontre qui va lui permettre de s’émanciper d’une vie religieuse et conservatrice.
  • Table ronde
    Exil, témoignages de ceux de la deuxième génération, le jeudi 20 janvier à 18h30. En février 1939, selon l’historien français Denis Peschanski, 465 000 Espagnols se réfugient en France (la moitié sont des militaires, l’autre moitié des civils) et, parmi eux, 350 000 sont confinés dans les camps de concentration que le gouvernement français, débordé par l’ampleur de l’exode, regroupe sur les plages du Roussillon. Les conditions difficiles imposées et la longue attente forceront beaucoup de réfugiés à reprendre le chemin du retour. 
  • Deux auteurs nous présentent des témoignages directs de ces familles qui souffrirent cet enfermement : Geneviève Dreyfus-Armand, historienne et conservatrice générale honoraire des bibliothèques. Les républicains espagnols à Rivesaltes. D’un camp à l’autre leurs enfants témoignent (Janvier 1941 – novembre 1942). Editions Loubatières. & José Martínez Cobo, médecin spécialisé en cardiologie pédiatrique et écrivain.

Rencontre avec l’historien Josep Calvet, en collaboration avec le Mémorial de la Shoah

  • Le 27 janvier à 18h30, Josep Calvet (La Pobla de Segur, 1965) est docteur en Histoire à l’Université de Lerida, spécialisé dans l’étude de la traversée par les Pyrénées en Espagne des réfugiés qui fuirent le nazisme pendant la Seconde Guerre Mondiale.
  • Il vient de publier un nouveau livre : La carta olvidada, las gemelas separadas por el nazismo (Editions Nagrela) dans lequel il suit le trajet d’une lettre écrite en 1944 par une jeune juive à sa soeur jumelle et qui est restée oubliée pendant soixante dix ans. L’enquête de l’auteur nous fait découvrir la vie des soeurs jumelles, séparées par l’Histoire.
  • Josep Calvet, qui est également l’auteur de Las montañas de la libertad (Alianza, 2010) et de Huyendo del Holocausto (Milenio, 2014), a été conseiller historique du projet Persécutés et sauvés, mis en place par la Département de Lerida qui a pour objectif de reconstituer les itinéraires empruntés par des milliers de juifs qui échappèrent à la persécution nazie dans les Pyrénées catalanes.

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