Incendies : En première ligne, les parcs naturels font feu de tout bois !

"Nous travaillons beaucoup sur la sensibilisation du public. C'est la 3e année que nous menons une action avec une maison du parc, mobile, qui est un véhicule aménagé avec un animateur qui se rend sur les cols ; des points remarquables, des sentiers... Et donne de l'information auprès du public sur la façon de respecter les paysages", explique Mathieu Cruège, directeur du parc naturel des Pyrénées-Ariégeoises. Photo : Parc des Pyrénées-Ariégeoises

Les parcs régionaux ont “un rôle particulier à jouer dans la lutte contre les feux”, affirme Michaël Weber. Le président de la Fédération nationale qui réunit les 58 parcs de l’Hexagone – 4 millions d’habitants, 20 % du territoire –  propose des Assises avec tous les acteurs de la forêt, gestionnaires comme collectivités, y compris pour partager des expériences utiles et en imaginer d’autres.

Même dans les parcs les moins théoriquement exposés aux incendies, on prend le risque au sérieux. “Nous n’avons pas eu d’incendie chez nous cet été”, confie Matthieu Cruège. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura jamais dans ce parc naturel régional des Pyrénées-Ariégeoises, expose en substance son directeur. “Toutes les forêts ont été rendues particulièrement fragiles, ditil, y compris par la sécheresse. Et tout y est… combustible.” Qu’ont-ils fait dans ce parc réputé ?

Maison du parc mobile, patrouilleurs dans les parcs

“Nous travaillons beaucoup sur la sensibilisation du public, dit-il. C’est la 3e année que nous menons une action avec une maison du parc, mobile, qui est un véhicule aménagé avec un animateur qui se rend sur les cols; des points remarquables, des sentiers… Et donne de l’information auprès du public sur la façon de respecter les paysages.” Mieux : “Cet été, nous avons fait “campagne” avec des patrouilleurs, à pied, en moyenne montagne sur une partie des sentiers de randonnée, dans les zones Natura 2000, pour porter, là aussi, la bonne parole” auprès des aficionados ou des amateurs de montagne sur les comportements, là aussi à observer.

Nous avons un retour immédiat des gens ; un dialogue se noue spontanément. C’est aussi vite compris que l’enjeu”

Matthieu Cruège, directeur du parc régional des Pyrénées-Ariégeoises

Et c’est une réussite : “Nous avons un retour immédiat des gens ; un dialogue se noue spontanément. C’est aussi vite compris que l’enjeu. L’enseignement va dans les deux sens : nous apprenons aussi des comportements des usagers de la montagne et nous pouvons adapter nos messages en les rendant plus accessibles pour qu’ils soient mieux compris. C’est pareil en ce qui concerne la protection des inondations et les événements extrêmes : le réseau des parcs naturels régionaux qui compte 58 parcs – lire ci-dessous (1) – est en alerte…”

Cet été, plus de 60 000 hectares ont brûlé, un record.

Les pompiers de Gironde allument des contre-feux. Photo SDIS Gironde.

En effet, la Fédération des parcs naturels régionaux ont tiré la sonnette d’alarme. “A propos des incendies, les parcs naturels régionaux ont payé un lourd tribut, dit ainsi la fédération. Les braises sont parfois encore chaudes, les plaies vivaces, les paysages dévastés, les angoisses bien présentes et pour longtemps. Le constat est là, les parcs naturels régionaux de France subissent eux aussi et de plein fouet les effets du réchauffement climatique avec des méga feux dans le Sud et des incendies dans des parcs jusque-là préservés.”

Cet été, plus de 60 000 hectares ont brûlé, au niveau national, un record. “Face à cette augmentation, les moyens humains et matériels qui semblaient suffisants en d’autres temps apparaissent trop limités aujourd’hui alors que les épisodes de fortes chaleurs devraient se multiplier dans les années à venir”.

Des assises pour étudier des propositions innovantes

L’un des 14 visuels de la campagne “Quand on arrive en Parc”… Imafe DR

Les parcs naturels régionaux de France, avec d’autres aires protégées, proposent de lancer dès aujourd’hui des assises, à l’échelle locale et régionale, pour une régénération de nos forêts respectueuse de la biodiversité comme des enjeux de sécurité. Ensemble, “avec des parcs, bien sûr, mais aussi des gestionnaires forestiers, des collectivités et notamment les régions que nous devons réunir autour d’une table pour étudier les propositions innovantes et éclairées et adaptées à chaque massif, explique Michaël Weber, président de la fédération des parcs régionaux. Une partie de l’avenir de chacun en dépend.”

L’Occitanie, première région en nombre de parcs

Comme Dis-Leur vous l’a déjà expliqué ICI, l’Occitanie compte huit beaux parcs naturels gérés par la Région. “En Occitanie, ajoute-t-il, la région est moteur et soutient les parcs et ce serait bien que cette région, la première en nombre de parcs en France, s’engage davantage ; nous avons aussi des discussions intenses, en Occitanie, avec le parc naturel de Corbières-Fenouillède ; avec le département de l’Aude ; les parcs des Grands Causses et du Haut-Languedoc qui sont en première ligne dans la lutte contre les feux.”

Prendre en compte à la fois la préservation de la biodiversité et la protection contre les feux

Les PNR d’Occitanie, avant la création du PNR de Corbières-Fenouillèdes. Ph. Région Occitanie Pyrénées-Méditerranée.

Président de la Fédération des parcs naturels régionaux, Michaël Weber, renchérit : “C’est un sujet qu’il faut aborder avec inquiétude mais il faut rester serein. Beaucoup de nos parcs ont été concernés par les incendies cet été. Et le réchauffement climatique va sans doute amplifier ce phénomène. Certes, en Gironde, mais aussi ailleurs. L’idée que l’on pose sur la table, c’est qu’il y a des pratiques vertueuses, déjà, dans certains de nos parcs que l’on pourrait appliquer ailleurs. Et on ne voudrait pas non plus que des solutions soient apportées en dépit du bon sens : il faut prendre en compte à la fois la préservation de la biodiversité et la protection contre les feux.”

Ainsi critique-t-il, la création de friches. “On considère qu’avoir une intervention mécanique, systématique, sur certains secteurs qui sont dangereux. On peut aussi valoriser des territoires par l’utilisation de caprins et qu’ils peuvent avoir une action efficace de défrichage. Et c’est une action beaucoup plus douce vis-à-vis de l’environnement.”

“Favorables au mélange des essences, feuillus et résineux, par ailleurs l’un des moyens de résistance aux feux”

Pour ce qui est de la gestion forestière, “on ne souhaite pas que l’on profite de ces problématiques de feux de forêt pour proposer d’autres essences d’arbres ou des coupes rases” préjudiciables à la fois pour la biodiversité et qui retiennent moins le CO2 que les feuillus par exemple, comme le démontre si bien Hugo Clément dans un documentaire sur les forêts sur France 2. “Nous sommes toujours favorables au mélange des essences, feuillus et résineux, qui est par ailleurs l’un des moyens de résistance face à la propagation des feux”, précise Michaël Weber.

La question des moyens…

l’influence des parcs naturels s’explique d’abord par le fait que “leurs paysages sont plus sauvages qu’ailleurs, ce qui stimule l’intérêt et la sensibilité à la nature de leurs habitants. Mais pas seulement… Photo : Antoine Bel.

Exemple ; certains parcs ont étendu leurs missions. Le parc des Alpilles, par exemple, gère la défense des forêts contre les incendies (DFCI). Celui du Verdon s’est doté d’écogardes assermentés, capables donc de verbaliser les contrevenants. Et la fédération de conclure : “Les parcs naturels régionaux peuvent assumer pleinement de participer à la prévention des feux de forêts. A la condition de se voir attribuer les moyens correspondants.”

Les moyens, c’est là que le bât blesse… toujours ! Michaël Weber en veut pour preuve : “On demande comme tout le monde davantage de Canadair et de capacités d’intervention. Ce sont surtout des moyens financiers qui manquent. Parfois les agents d’un parc sont aussi des gardes assermentés qui constatent le départ des feux et interviennent en premier ; il est aussi question de formation pour ces agents-là. L’État doit nous accompagner davantage…” Il ajoute que “les parcs naturels nationaux, qui dépendent certes de l’État, pourraient être associés à cette démarche”.

“De pas confondre urgence et précipitation”

Les parcs ont aussi un rôle majeur à jouer dans la phase de restauration qui s’ouvre à la suite de ces dramatiques incendies. S’ils brulent en quelques minutes, les arbres ne repoussent pas en un jour, alors attention à ne pas se précipiter. “Entre propriétaires privés et publics, naturalistes, chasseurs, randonneurs, exploitants, les avis, intérêts et positions sont multiples et souvent antagonistes. La force des parcs naturels régionaux s’expriment dans leur capacité à réunir ces antagonismes pour trouver le bon chemin. En matière d’écologie, le passé nous enseigne de ne pas confondre urgence et précipitation.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) Les 58 parcs naturels régionaux de France représentent plus de 4 900 communes, 4,4 millions d’habitants et 9 millions d’hectares, soit 19,1 % du territoire, répartis dans 15 régions et 3 collectivités locales. Plus de 2 250 agents y travaillent. La Fédération est une association loi de 1901 qui regroupe les parcs naturels régionaux, les régions et de nombreux partenaires nationaux.

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