Inédit/crise : “Les collectivités ont bien encaissé le choc, mais en 2021…”

La participation de l'Occitanie au Fonds national de solidarité est de 36,4 M€ sur 500 M€. Et les achats de matériels de protection ont atteint 34,8 M€. La Région Occitanie fait partie des trois régions ayant eu le plus dépensé dans ce domaine. Photo : Olivier SCHLAMA

Pour la 1re fois, les magistrats de la chambre régionale des comptes ont analysé presque en temps réel la situation financière des collectivités face à la crise du covid qui ont répondu “présent”. Celles-ci ont globalement adopté une attitude responsable et leurs budgets, sains, ont pu absorber le choc. Mais la crise pourrait être plus sensible, voire sévère en 2021, à cause de recettes en forte diminution et des dépenses en hausse. À preuve, la métropole de Toulouse qui a déjà perdu 169 M€ en 2020 prévoit 167 M€ de pertes en 2021.

Le covid-19 est à l’origine d’une autre contagion : sur la santé de nos collectivités qui n’ont pas été épargnées par les conséquences qu’a générées le virus depuis mars dernier. C’est le temps des bilans et celui-ci est inédit : il a fallu aux limiers de la Chambre régionale des comptes contrôler en temps presque réel les dépenses, entrées et recettes des collectivités et mesurer l’incidence financière pour les collectivités locales en 2020. Ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Parallèlement, la cour des comptes rendra, elle aussi, son rapport annuel national sur les finances locales ce mardi 15 décembre.

Vingt-sept collectivités de la région auscultées

Président de la chambre régionale des comptes d’Occitanie, André Pezziardi le confirme. En ajoutant que la difficulté avait été de travailler sur “des données provisoires non stabilisées”, une difficulté doublée “d’une adoption dérogatoire tardive des budgets et des comptes administratifs jusqu’au 31 juillet”. Et pourtant, les magistrats de la CRC ont réussi à répondre à trois questions essentielles : comment les budgets de ces collectivités ont-ils été “déformés” par de nouvelles dépenses liées au covid ? Quelles sont les conséquences sur l’équilibre budgétaires de 2020 ? Et comment vont-elles démarrer 2021 ? “La CRC d’Occitanie est à l’origine de l’idée et de la méthode”, précise André Pezziardi.

Centre-ville de Montpellier avant la crise sanitaire… Photo : Dominique Quet.

Le conseil régional d’Occitanie, les 13 départements de la Région, l’agglomération d’Alès, les villes et les métropoles de Montpellier et Toulouse, Narbonne, Nîmes, la communauté urbaine de Perpignan, Perpignan, Sète, Montauban, Béziers… Au total ce sont 27 collectivités qui ont été auscultées (1), “toutes celles qui ont un budget principal avec au moins 60 M€ de dépenses et qui entrent donc dans le champ de la contractualisation budgétaire avec l’Etat qui conduisait, avant leur suspension par la crise, à une limitation de leurs dépenses à + 1,2 % par an. Nous n’avons pas tenu compte des budgets annexes ; c’est pourquoi nous n’avons pas la communauté d’agglo de Nîmes, par exemple, qui a beaucoup de budgets annexes”.

Nos collectivités ont vu leur situation financière s’assainir depuis trois ans. Elles ont donc abordé la crise avec une situation budgétaire saine…”

André Pezziardi, président de la CRC d’Occitanie

Parmi les enseignements globaux à retenir, André Pezziardi explique que, “dans la région, on obtient les mêmes résultats, peu ou prou, qu’au niveau national (2). En général, nos collectivités ont vu leur situation financière s’assainir depuis trois ans. Elles ont donc abordé la crise avec une situation budgétaire saine. Elles sont toutes bien entrées dans la crise si on s’en réfère à leur niveau d’endettement. Et l’ont bien encaissée”. Ainsi, la région Occitanie peut-elle rembourser sa dette sur quatre ans ; les départements sur un peu plus de trois ans et les communes sur un peu moins de neuf ans, en moyenne.

Aéronautisme et tourisme fortement touchés

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“La situation de départ était extrêmement satisfaisante”. Côté économique, au début de la crise ce n’était pas brillant : 80 % des entreprises étaient à l’arrêt lors du premier semestre et 60 % des emplois à l’arrêt, partiel ou total et que l’on enregistra une hausse historique de 22 % de chômeurs alors même que le taux de chômage en janvier 2020 était au plus bas niveau depuis 10 ans : 9,6%. “Deux secteurs ont été profondément touchés, reprend André Pezziardi : Toulouse et ses environs à cause de l’aéronautique qui réunit plus d’un millier d’entreprises et 100 000 emplois et le tourisme qui représente plus de 110 000 emplois dans la région, soit 11 % du PIB.”

Fonds Loccal de la Région et 166 partenaires avec 75 M€

Le président de la CRC ajoute : “Sur cette crise, l’ensemble des collectivités ont répondu présent. Il y a certes eu au niveau national le plan d’urgence de l’Etat pour 20 000 entreprises en Occitanie, plus un fonds de solidarité national de 6,5 milliards d’euros. Et en accord avec l’Europe, la France a voté un plan de relance national de 100 milliards d’euros dont 90 M€ pour l’Occitanie pour financer pas mal de projets. Mais la région Occitanie a créé, entre autres, le fonds Loccal de 75 M€ avec ses 166 partenaires – dont Dis-Leur vous a largement parlé – pour aider le tourisme, commerce, culture, loisirs, sports… La Région a multiplié les dispositifs en faveur du tissu économique, en fédérant les intercommunalités, la Banque des Territoires, etc.”

“Les départements ont agi malgré des dépenses de solidarité en hausse”

Il ajoute : Les départements, eux, ont aussi agi et dépensé dans le cadre du covid, alors qu’eux-mêmes ont vu leurs dépenses croître, notamment les dépenses de solidarité, principalement le RSA, les aides aux établissements médico-sociaux, d’aide à l’enfance, etc. Ils participent aussi au fonds de relance économique lancé par l’État, alors qu’ils avaient perdu cette compétence économique jusque-là. Il est aussi à souligner la participations des EPCI (agglos) et des mairies en faveur des commerces, notamment, qui ont fourni des aides à leur tissu économique.” 

Emprunts complémentaires

Sète fait partie des 27 collectivités auscultées. Photo : Olivier SCHLAMA.

Résultat, la Région Occitanie a pu “jongler”, en choisissant d’utiliser l’excédent budgétaire de 2019 pour financer ses actions en 2020. Les départements, eux, ont pu absorber la crise en 2020 compte tenu de leur santé financière “convenable”. À noter que seuls trois départements – le Gard, l’Hérault et l’Aude – ont actionné un dispositif d’avance remboursable de l’État. Quant aux autres collectivités, EPCI, communes,“elles ont su être prudentes et ont adopté des stratégies d’investissement. Et une grande partie ont recouru à des emprunts complémentaires. Ce qui pourrait se passer c’est qu’une bonne partie des dépenses ne soient pas réalisées, notamment à cause du second confinement, ce qui leur offrira des marges de manoeuvres supplémentaires.”

“La situation budgétaire continuera à se dégrader en 2021”

Mais la Région Occitanie et les 13 départements vont très certainement souffrir de ce que l’on appelle un effet de ciseaux : davantage de dépenses et moins de recettes, notamment d’impôts économiques ou basés sur l’immobilier). “La situation budgétaire continuera de se dégrader en 2021…”, avance André Pezziardi. “Il pourrait y avoir un effondrement de certaines recettes liées à des impôts liés à l’activité économique. La Région ne peut agir que sur la taxe de la carte grise. Et devra sans doute accroître ses dépenses en matière économique et de formation professionnelle.” Soumis à de plus en plus importantes de dépenses sociales, les départements sont fans le même cas. Si l’Etat a prévu des compensations, elles ne sont en général pas à la hauteur. Les communes ? “Leurs dépenses sont en général peu sensibles à la conjoncture, même si leurs dépenses augmenteront.” ne serait-ce celles liées aux centres d’action sociale.

L’Insee et l’espoir du vaccin

L’Insee instille une note d’optimisme : se basant sur des projections savantes, l’institut national de la statistique émet l’hypothèse selon laquelle la France retrouvera en juin 2021, le niveau de son activité économique de l’été 2020, son plus haut niveau de l’année, à “seulement” – 3 % de son niveau d’avant-crise. Pour peu que le remède de la vaccination puisse juguler enfin l’épidémie. En 2020, a encore analysé l’Insee, le PIB a baissé a nettement plus baissé (- 9%) que le pouvoir d’achat des ménages à – 0,3 %. Même si 700 000 emplois (en comptant les non salariés) ont été détruits entre le 4e trimestre 2019 et le 4e trimestre 2020. 

Olivier SCHLAMA

(1) Région Occitanie, départements : Ariège, Aude, Aveyron, Gers, Gard, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Hérault, Lot, Lozère, Pyrénées-Orientales, Tarn, Tarn-et-Garonne. Métropoles de Montpellier et de Toulouse. Communautés d’agglo du Grand Alès, du Muretain et communauté urbaine de Perpignan. Communes : Béziers, Montauban, Montpellier, Narbonne, Nîmes, Perpignan, Sète et Toulouse.
(2) Dans les 322 collectivités qui ont servi de panel à l’étude nationale, on constate une “progression des dépenses de fonctionnement de 0,3 % seulement entre 2017 et 2019”. Idem pour les 27 collectivités d’Occitanie. Avec une identiqaue stratégie de désendettement.
  • La participation de l’Occitanie au Fonds national de solidarité est de 36,4 M€ sur 500 M€.
  • Les achats de matériels de protection ont atteint 34,8 M€. La Région Occitanie fait partie des trois régions ayant eu le plus dépensé dans ce domaine.

Toulouse : “L’équivalent de 20 écoles neuves perdues…”

Pour la mairie de Toulouse, Toulouse Métropole et Tisséo (son opérateur métro et bus), la perte de recettes est estimée à 169 M€ pour 2020 et 167 M€ pour 2021 et 2022. “Il est plus difficile de projeter des estimations au-delà de cette échéance. Cela représente l’équivalent du budget pour la construction de quinze à vingt écoles neuves”, explique-t-on du côté de la Métropole de Toulouse.

Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de la Métropole. Photo d’archive : Olivier SCHLAMA

Dans ce contexte, et pour faire face à cette crise, la collectivité a fait le choix de maintenir un haut niveau d’ambition pour le territoire. “Les grands projets, indispensables au développement durable de notre territoire, seront maintenus pour les 37 communes”, annonce la collectivité.

La 3e ligne de métro sera réalisée

Président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc commente : “S’agissant de la 3ème ligne de métro, je veux, ici et aujourd’hui, confirmer solennellement ce que j’ai dit et répété à l’occasion de la campagne électorale du second tour de l’élection municipale toulousaine, et réaffirmé maintes fois depuis : oui, nous réaliserons la 3e ligne de métro ; oui, nous la ferons en une seule fois, d’un seul tenant de Colomiers à Labège ; oui, nous démarrerons le chantier sans le retarder, c’est-à-dire fin 2022.
Pour améliorer la vie quotidienne des habitants, pour raccourcir nombre de trajets domicile-travail, pour respirer un air de meilleure qualité, nous avons besoin de cette ligne ; son intérêt est primordial…”

O.SC.

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