Ils visent l’Unesco (4) : Huit citadelles occitanes qui ne craignent pas le vertige

Huit "citadelles du vertige" candidatent au Patrimoine mondial de l'Unesco... Photo Dominique VIET - CRTL Occitanie

La Cité de Carcassonne et ses “châteaux sentinelles de montagne” poursuivent leur quête d’une inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco. Après l’inscription en 2017 sur la liste indicative des biens français candidats à cette distinction, le Département de l’Aude et l’association Mission Patrimoine Mondial, porteurs du projet, travaillent actuellement à l’élaboration du plan de gestion de cette candidature.

En attendant la finalisation de ce plan, prévue au cours de l’année prochaine, un colloque intitulé Fortifications et pouvoir souverains – Architecture fortifiée et contrôle des territoires se tient à l’Hôtel de la Cité de Carcassonne, du jeudi 18 au dimanche 21 novembre (*)Plus de trente intervenants internationaux, spécialistes de l’architecture militaire médiévale, viendront présenter leurs travaux sur le sujet.

Journée “grand public”, dimanche 21 novembre

Au sommet d’un éperon rocheux, les 4 châteaux de Lastours : Cabaret, Surdespine, Quertinheux et Tour Régine. Photo Christine CHABANETTE – CRTL Occitanie

En plus des actes scientifiques, la journée du dimanche 21 sera une “journée grand public” (sur inscription) avec visites et conférences, à Peyrepertuse (visite du château à 9h30), Quéribus (départ pour la visite à 14h30) et Carcassonne (à 12 h 30, qu théâtre Achille-Mir pour la présentation de la candidature au patrimoine mondial par Jean-Loup Abbé, professeur émérite d’histoire médiévale à l’université Jean-Jaurès de Toulouse et membre du comité scientifique de la candidature).

C’est au titre de “bien en série” que la Cité de Carcassonne (qui figure déjà au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1997) et les “châteaux sentinelles de montagne” d’Aguilar, Lastours, Montségur (en Ariège), Peyrepertuse, Puilaurens, Quéribus et Termes candidatent pour être inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

L’engagement sans faille du département de l’Aude

Pour être admis dans la prestigieuse liste du patrimoine mondial, ces “citadelles du vertige” doivent justifier de leur “valeur universelle exceptionnelle” et répondre à au moins un des dix critères de sélection fixés par l’Unesco. Pour comprendre la notion de “bien en série”https://whc.unesco.org/fr/compendium/action=list&id_faq_themes=978

“Pour le département, il s’agit de faire vivre, de partager et de préserver la valeur exceptionnelle de notre patrimoine”, explique Hervé Baro (1er vice-président du conseil départemental de l’Aude) “ce serait, poursuit-il, un facteur de développement économique mais surtout une source de vitalité sans précédent, un formidable “carburant” pour tous les audois…

Un peu d’Histoire…

La cité médiévale de Carcassonne, au Patrimoine de l’Unesco depuis 1997. Photo G.DESCHAMPS – CRTL Occitanie

Restructurés dans la seconde moitié du XIIIe siècle, sur des sites occupés au préalable par des constructions féodales, “la Cité de Carcassonne et ses châteaux sentinelles de montagne constituent l’une des premières constructions en série inspirées du modèle de fortification promu par le roi Philippe Auguste. Ce réseau de forteresses était destiné à défendre la frontière franco-aragonaise, mais également à asseoir le pouvoir royal sur un territoire nouvellement conquis”, à l’issue de la croisade contre les Albigeois (cathares), et décourager toute tentative de rébellion.

Édifiées en seulement quelques décennies sur les sommets montagneux des piémonts pyrénéens et de la Montagne Noire, les “citadelles du vertige” témoignent ainsi de la diffusion rapide du modèle d’architecture philippienne, caractérisé par une véritable révolution des techniques de défense, et de son adaptation aux reliefs tourmentés des montagnes occitanes, confinant à la prouesse architecturale.

Entièrement géré depuis la sénéchaussée royale de Carcassonne, siège du pouvoir politique, cet ensemble est également caractéristique des débuts de l’État centralisé en France. “Voilà ce qui rend la Cité de Carcassonne et ses châteaux sentinelles de montagne uniques au monde !” souligne-t-on au département

Pour découvrir les huit “Citadelles du vertige”https://citadellesduvertige.aude.fr/

Un long chemin reste à parcourir

Le Département, ses partenaires et tous les acteurs du territoire vont ensuite présenter leur stratégie globale pour préserver, valoriser les “citadelles du vertige” et les territoires alentour. Cette feuille de route fixe des objectifs, comme la conservation des monuments, l’entretien des paysages, la construction de structures d’accueil respectueuses de l’environnement.

Puis c’est l’Etat qui désignera la candidature qui sera proposée à l’Unesco. Et une seule candidature peut être proposée chaque année. Après quoi le Conseil international des monuments et des sites émettra son évaluation technique et au plus tôt 18 mois après le dépôt de candidature, le Comité du patrimoine mondial rendra sa décision lors de sa session annuelle.

Philippe MOURET

(*)  Le colloque de Carcassonne

Le XIIIe siècle a constitué une période privilégiée en matière d’expansion territoriale des grandes principautés en Europe et dans une partie du monde méditerranéen. Pour ces pouvoirs souverains, le contrôle des territoires par des maillages de forteresses répondait à une véritable nécessité, face à des
populations peu acquises aux élites dominantes, ou aux prétentions d’autres puissances souveraines.

Photo Dominique VIET – CRTL Occitanie

Remplaçant les lieux de l’ancien pouvoir, ces ensembles fortifiés devaient assumer un rôle militaire, administratif, juridique, mais aussi symbolique pour incarner les nouveaux maitres du territoire.

Un nouveau type d’architecture fortifiée

Pour ces pouvoirs souverains en pleine expansion, et parfois en confrontation entre eux, la gestion cohérente – et souvent centralisée – des territoires nécessitait une rationalisation des processus, d’où la création et le développement d’outils administratifs de plus en plus efficaces, tant au niveau central que régional. Conséquence ou accompagnement du phénomène, on constate le développement d’un nouveau type d’architecture fortifiée, reflet exact de cette nouvelle organisation du pouvoir et des préoccupations de leurs commanditaires.

Ainsi virent le jour de grands ensembles fortifiés tels que les châteaux et les villes de Philippe Auguste dans la moitié nord de la France ; les forteresses d’Édouard Ier d’Angleterre au Pays de Galles ; les superbes châteaux-palais de Frédéric II en Italie et en Sicile ; les fortifications royales de Carcassonne et des Corbières ; et bien d’autres encore, en Aragon, en Flandre, en Castille, en Bohème, et jusque dans les États latins d’Orient.

Une vision pragmatique et concrète

Ce colloque international vise à confronter les recherches les plus récentes en la matière, de façon à appréhender les similitudes de ces politiques administratives et architecturales souveraines à travers l’Europe, leurs interactions dans un contexte de confrontation, mais aussi leurs singularités et leurs différences, en fonction des contextes politiques, géographiques et artistiques propres à chacune, tout en examinant les questions de circulation des modèles et des concepts.

Pour atteindre ces objectifs, la rencontre privilégiera une vision pragmatique et concrète, basée sur l’histoire des sources comme sur l’analyse de l’architecture, mais aussi sur la compréhension des géographies des terroirs et du fait urbain.

Notre série sur l’Occitanie et l’Unesco :