Ils visent l’Unesco (1) : À Nîmes, la Maison Carrée, deux mille ans d’histoire

"Tous fiers de notre patrimoine". Lors de l'étape du 108e Tour de France, le 9 juillet dernier, la Ville de Nîmes avait fait poser une bâche géante sur le parvis de la Maison Carrée. En vue des traditionnelles images aériennes transmises dans le monde entier. visibilité maximale ! Photo : Ville de Nîmes.

(Mise à jour le 1er février 2022). Rare chef-d’oeuvre du monde antique aussi bien conservé, deux mille ans après sa création, la Maison Carrée de Nîmes – ville au patrimoine antique extraordinaire – pourrait être classée à l’Unesco en 2023. Après l’étape décisive en octobre 2021 où la candidature fut examinée par le ministère de la Culture français, bonne nouvelle : ce 31 janvier, le ministère de la Culture confirme la candidature officielle (1).

Dans cette petite Rome provinciale et légère qu’elle fut jadis, c’est l’emblème, le coeur de Nîmes l’impériale, gorgée d’histoire. Classée aux Monuments historiques depuis 1840, la Maison Carrée appartient à Nîmes comme Nîmes lui appartient. Elle s’admire de près, de loin. Un chef d’oeuvre antique.

Du haut de ses deux mille ans, l’un des temples romains les mieux conservés du monde antique – avec le Panthéon à Rome et le temple d’Auguste et de Livie à Vienne, Isère – parvenue quasi-intacte jusqu’à nos jours, nous contemple et espère décrocher le Graal : le classement à l’Unesco espérée pour 2023.

Tour Magne, Voie Domitienne, Porte d’Auguste…

Et elle est bien entourée cette Maison Carrée de Nîmes (Gard) : sur son sol millénaire, on trouve des monuments antiques à couper le souffle : depuis la Tour Magne, par exemple, la vue y est vertigineuse (on peut y apercevoir la Méditerranée !) ; on y voit également les fameux et bucoliques jardins de la Fontaine, dessinés sous Louis XV et eux aussi classés jardin remarquable ; la Voie Domitienne, la première route gallo-romaine de notre histoire… empruntée, parait-il par Hercule. Les portes d’Auguste et de France… Sans oublier les fabuleuses arènes.

C’est d’ailleurs un dossier herculéen qui se dresse devant la Ville de Nîmes qui avait échoué en 2018 à faire classer la Maison Carrée au patrimoine mondial de l’Unesco pour d’obscures raisons géopolitiques (2). Le dossier s’apprête donc en octobre à franchir les dernières fourches caudines de l’administration spécialisée.

Notre chance, c’est qu’elle est extrêmement bien conservée et pour cause : elle a toujours été occupée et donc entretenue…”

Mary Bourgade, élue chargée du dossier
Maison Carrée de Nîmes. Photo : Stéphane Ramillon, Ville de Nîmes.

Le projet est soutenu par Roselyne Bachelot, ministre de la culture en personne.La Maison carrée, c’est l’héritage le plus complet de la civilisation romaine, érigé sous Auguste. Notre chance, c’est qu’elle est extrêmement bien conservée et pour cause : elle a toujours été occupée et donc entretenue et surtout ses belles pierres de taille n’ont jamais été pillées pour servir à construire des maisons. Par des bénédictines ; ce fut une maison privée ; la ville de Nîmes l’avait aussi aménagée…”, confie Mary Bourgade, l’élue chargée du classement à l’Unesco et du patrimoine antique à Nîmes.

Confirmation par le maire de Nîmes en personne, Jean-Paul Fournier : Dans un état de conservation remarquable, la Maison Carrée offre au monde un exemple éminent d’une architecture illustrant une période de l’Histoire. Véritable témoin de la grandeur de notre cité, et marque puissante de son appartenance au pouvoir de Rome, elle a traversé les siècles pour nous parvenir quasiment intacte. Parce qu’il revient aux élus la lourde tâche de protéger cet héritage, nous avons fait le choix, dès 2006, sous le contrôle scientifique et technique des services de l’Etat, d’engager une restauration complète de la Maison Carrée.”

Comité français du patrimoine mondial en octobre

Mary Bourgade, élue de Nîmes.

“Tous fiers de notre patrimoine”. Lors de l’étape du 108e Tour de France, le 9 juillet dernier, la Ville de Nîmes avait fait poser une bâche géante avec cette inscription sur le parvis de la Maison Carrée. En vue des traditionnelles images aériennes transmises dans le monde entier. visibilité maximale !

Aujourd’hui, l’élue, Mary Bourgade, ajoute dans un élan : “Se trouver aux côtés des Pyramides d’Égypte ou du Château de Versailles, ce serait formidable ! Il ne faut rien lâcher et nous ne lâchons rien. Nous avons le soutien indéfectible de la population nîmoise. Et de l’État français qui examinera en octobre prochain notre dossier de candidature du Comité français du patrimoine mondial, sous l’égide du ministère de la culture. Car c’est l’État français qui présente les sites candidats au label.” L’Unesco a déjà reconnu de nombreux édifices dans la Région.

La Comédie, la musique traditionnelle de Sète en projet

A l’instar de L’abbatiale de Saint-Gilles (Gard) ; l’abbaye de Gellone, à Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault) ; le cirque de Navacelles ; les Causses et Cévennes, paysages culturel de l’agro-pastoralisme méditerranéen, sont aussi inscrits au patrimoine mondial. Sans oublier bien entendu le Pont du Gard, le Canal du Midi, etc. Et les candidatures sont nombreuses, à l’image des gantiers de Millau voire un jour la place de la Comédie à Montpellier ou le patrimoine chansonnier de Sète !

Valeur universelle exceptionnelle

la Maison Carrée est dédiée aux héritiers de l’empereur Auguste, Caius et Lucius Cæsar, “princes de la jeunesse”. “Le plus difficile, poursuit Mary Bourgade, c’est de définir ce que l’Unesco appelle la valeur universelle exceptionnelle. Pour cela, nous avons mené des analyses historiques comparatives avec un autre temple romain de la même période en Italie ; le nôtre est vraiment en très bon état de conservation et sa valeur est difficilement contestable. Nous espérons vivement qu’enfin la Maison Carrée sera retenue.”

“Nous n’avons rien oublié ;  l’ensemble des services municipaux y ont participé, le dossier fait 400 pages…”

Maison Carrée de Nîmes. Photo : Stéphane Ramillon, Ville de Nîmes.

Autre obligation, le plan de gestion du monument. “Il a été reconnu comme très bon”, assure Mary Bourgade. La municipalité a là aussi mis le paquet : “Nous n’avons rien oublié ;  l’ensemble des services municipaux y ont participé, le dossier fait 400 pages.” Elle a aussi compris l’étude fine de ce que l’on appelle la “zone tampon” où figurent les arènes. Suivront, une nouvelle fois, dix-huit mois d’expertise, de l’Icomos. Et peut-être qu’à l’été 2023, la Maison Carrée recevra ce label Unesco.

Actuellement, la Ville de Nîmes a décidé de présenter ce chef d’œuvre d’architecture antique au patrimoine mondial de l’Unesco. Les trois principales étapes de validation par le Comité national des Bien Français ont été franchies : la Déclaration de valeur universelle, le périmètre et le plan de gestion, comprenant de nombreuses actions pour la connaissance, la conservation et la transmission du bien”, confirme Jean-Paul Fournier.

Musée de la romanité, un atout supplémentaire

Après une interruption d’un an, covid oblige, le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco a recommencé à classer de nouveaux sites naturels et culturels. Le 16 juillet dernier ont ainsi été labellisés, parmi 1 121 sites répartis dans 167 pays, le phare français de Cordouan dans l’estuaire de la Gironde, construit au début du XVIIe siècle ; onze grandes villes d’eau d’Europe, dont Vichy et, surtout sa source d’eau des Célestins.

Il y a aussi eu, reconnue au titre de “ville de villégiature d’hiver de la Riviera”, la ville de Nice pour son patrimoine architectural, paysager et urbanistique.

Nîmes a un atout supplémentaire, un musée de la Romanité qui a ouvert ses portes il y a trois ans (60 M€ et3 500 m2 d’exposition) avec 2 500 pièces exposées dont la fameuse mosaïque de Penthée…

Olivier SCHLAMA

(1) Depuis ce lundi 31 janvier, le ministère de la Culture, la candidature de la Maison Carrée de Nîmes est officielle à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Le maire, Jean-Paul Fournier, s’est dit “très enthousiaste du soutien de l’Etat” et espère que “tous les Nîmois sauront répondre présent pour accompagner la ville et l’Etat vers ce classement en 2023. C’est un trésor inestimable édifié il y a plus de 2 000 ans qui a mystérieusement traversé le temps et dont la valeur universelle exceptionnelle est unique. Nous, Nîmois, sommes fiers de cet héritage gravé dans notre cœur. Nous voulons le transmettre aux générations futures. Nous en avons même le devoir. A partir d’aujourd’hui, une longue démarche débute.  Dix-huit mois d’enquête et de rapports scientifiques pour inscrire, je l’espère, à l’été 2023, la Maison Carrée au Patrimoine mondial. Dix-huit mois pendant lesquels nous allons faire vivre notre temple romain ; en réunissant notre Comité de Bien dans les semaines à venir, mais aussi, en le mettant en valeur à travers des événements, des rassemblements, des visites guidées…” Et d’ajouter :Je compte sur tous les Nîmois pour appuyer notre démarche et ainsi recevoir l’an prochain cette reconnaissance collective tant méritée. Notre histoire est notre lien. Ensemble, continuons d’inscrire Nîmes dans l’Histoire.”
(2) Le 30 juin 2018, au Bahreïn, le Comité du patrimoine mondial retoque le dossier de l’ensemble urbain de Nîmes. Le maire, réélu depuis, annonce fin décembre 2018, qu’il va demander le classement uniquement pour la Maison Carrée. Ce devait être pour 2021. Mais, là aussi, patatras : la France avait choisi de défendre deux autres dossiers : le phare de Cordouan et “Nice, capitale du tourisme de Riviera”. qui, eux, ont été classés à l’Unesco en ce mois de juillet 2021. Le tour de la Maison Carrée de Nîmes est-il arrivé, 20 ans après les premières démarches ?

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