Haute-Garonne : Une ferme pilote, premier maillon d’une ceinture verte autour de Toulouse

Déjà labellisée espace-agricole test, l’association le 100e Singe porte le projet d’une ferme-école à Ramonville-Saint-Agne qui pourrait être la première d’une série. À l’heure des reconversions, d’une quête de sens et d’un renouvèlement erratique des agriculteurs, le projet, qui candidate aux budgets participatifs de la Région Occitanie, a tout pour faire florès.

Un archipel de fermes agricoles autour de Toulouse avec 100 maraîchers agroécologiques réimplantés et plus de 150 hectares préservés d’ici 2030. Un poumon vert encerclant la Ville Rose. Pour un approvisionnement 100 % local. L’idée commence à germer. C’est une sorte de chainon manquant entre l’aspiration grandissante pour une alimentation plus saine en circuits courts et un renouvèlement étique des agriculteurs. Si l’expérimentation fonctionne, on arrivera peut-être à ce déploiement de fermes agricoles de ce type.

Porté par l’association-incubateur le 100e Singe, cette ferme serait une première soumise actuellement aux votes des internautes ; un projet pour lequel on peut voter dans le cadre des budgets participatifs de la Région Occitanie. Un vote citoyen important qui déterminera si oui ou non le projet bénéficiera d’une enveloppe conséquente pour voir le jour : 150 000 € sur un budget total pouvant atteindre 1,4 M€ (1). Dans l’Association, l’apprenti-maraicher trouve un lopin et du matériel. Et aussi formation et conseil de plusieurs partenaires comme Nourrir la Ville, Adear, Civam, Les Bios Ariège-Garonne, Terre de Liens et Cocagne et des agriculteurs-tuteurs. Cette ferme sera ensuite en lien avec dix sites d’incubation maraîchers qui seront ouverts autour de Toulouse en 2021.

Sacha, 28 ans, veut “donner du sens” et de “participer à la transformation de la société”

Le 100e Singe (2) est un tiers-lieu adossé à un espace-test agricole. “Il n’en existe que 40 de ce type en France et nous sommes l’un des seuls d’Occitanie ; nous sommes aussi labellisés espace-test par la Région Occitanie”, précise Amandine Largeaud, la coordinatrice. Sacha, 28 ans, vient de sortir de ce lieu qui se propose de réinventer le rapport au travail. Ancien ingénieur aéronautique, il fait partie de ceux qui veulent changer de vie pour lui “donner du sens” et de “participer à la transformation de la société”, à son échelle. “Je suis en train de m’installer à Lyon”, dit-il. Passer par le 100e Singe m’a “permis de tester le maraichage avec une certaine sécurité”.

“Indispensable de réimplanter une agriculture agroécologique de proximité, dans un contexte de manque drastique d’agriculteurs”

“L’agriculture conventionnelle actuelle est l’une des causes du bouleversement climatique, responsable de près d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il est indispensable de réimplanter une agriculture agroécologique de proximité, dans un contexte de manque drastique d’agriculteurs”, explique Amandine Largeaud. Et comme le renouvèlement de génération d’agriculteurs de père en fils est erratique, il n’y a plus que des gens en reconversion professionnelle qui s’intéressent à ce métier. Mais, inconvénient, ces néo-paysans n’héritent pas de terres ; ils n’ont pas de moyens financiers nécessaires et doivent apprendre le métier de A jusqu’à Z.C’est là qu’intervient l’association le 100e Singe, dont Dis-Leur vous a déjà. parlé. La structure proposera donc à des chômeurs intéressés de les accompagner à devenir des agriculteurs avec des pratiques vertueuses. Moyennant entre 180 € à 250 € par mois au 100e Singe qui reçoit des aides publiques dans le cadre de la transition agricole pour compléter son budget.

“Ils nous ont convaincus à travers leur étude que l’accompagnement qu’ils proposent est une voie vers la réussite”

L’implantation est choisie : à Ramonville-Saint-Agne, en bordure du Canal du Midi, d’ici 2023. Sur 7 hectares, quatre maraichers agroécologiques pourront donc s’installer, “plus quatre maraîchers qui sont prêts à s’implanter à proximité.”

Dans l’entourage du maire de Ramonville, on confirme l’intérêt de la municipalité pour ce projet, “important pour nous”. “On a eu des maraîchers qui ont pensé pouvoir s’installer mais ils n’avaient pas bien ficelé leur projet. Leur modèle économique n’était pas bon. Nous avons rencontré le 100e Singe il y a 18 mois et nos points de vue ont convergé. Ils nous ont convaincus à travers leur étude que l’accompagnement qu’ils proposent est une voie vers la réussite. Et nous faisons partie des collectivités avec notre intercommunalité qui ont mis au pot et co-construit le projet de ferme. Leur projet est tombé à point.” Et, depuis lors, certaines communes alentour s’intéressent, elles aussi, à la question.

Dix fermes-écoles envisagées

Cette ferme pourrait ensuite faire florès. “Le but final c’est d’en créer une dizaine autour de Toulouse. Et ainsi réimplanter des maraichers agroécologiques dans la première couronne périurbaine, via la création de fermes-écoles de territoire”, précise Amandine Largeaud. “Ces fermes-écoles, est-il précisé, installeront collectivement des agriculteurs à haut critères environnementaux (au-delà des standards du bio : réduction maximale du travail du sol, économies d’eau, plantation de haies, d’arbres, restauration des sols…), incubent à leurs côtés les futurs maraichers du territoire, qui iront s’installer dans les communes avoisinantes.

Une dimension tiers-lieu

Amandine Largeaud, coordinatrice du 100e Singe. Photo : Région Occitanie.

Enfin, “une dimension tiers-lieu est intégrée à cette ferme-incubatrice, permettant l’ouverture d’espaces de travail, d’un laboratoire de transformation, d’ateliers à d’autres types de professionnels (milieu agricole, agroalimentaire et tertiaire) et aux citoyens”, précise l’association qui pense pouvoir réunir également sur le site “30 professionnels de la transition agroécologique et sociétale complémentaires accueillis dans les espaces de travail mutualisés et 150 enfants et citoyens sensibilisés à l’écologie”.

La “maison-mère” du 100e Singe, mi-ferme, mi-espace de bureaux se situe à Escalquens, à la périphérie de la Ville Rose. Elle dispose de quatre sites. Cette association développe un concept baroque, un ornithorynque, si l’on emploie la métaphore animale, qui veut mettre du lien social au travail en faisant cohabiter et échanger l’agriculture et le tertiaire. Des travailleurs indépendants, télétravailleurs, auto-entrepreneurs et des néo-agriculteurs. “Nous y avons déjà commencé à accompagner neuf néo-agriculteurs dont la formation dure trois ans”, note encore Amandine Largeaud, à l’origine de cette association.

Olivier SCHLAMA

  • (1) Pour voter, il faut : créer un compte ; aller ensuite sur cette page  et, enfin, voter pour ce projet, si vous en avez l’intenhion, bien sûr. Vous avez le droit à trois votes.
  • (2) Le 100e Singe, du nom d’une théorie en vogue, expliquant que, pour qu’un changement intervienne dans la société, il suffit qu’un petit nombre d’adeptes aient une attitude différente de la majorité. Par mimétisme, explique encore cette théorie popularisée par un certain Lyall Watson, originaire d’Afrique du Sud, qui fut ethnologue. La référence à cette théorie de changement de paradigme est parlante.

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