Haute-Garonne : Le département teste le revenu d’existence pour les jeunes !

La Haute-Garonne prévoit de donner en fonction des ressources jusqu’à 500 € par mois aux jeunes de ce département sans contrepartie. L’expérience sera lancée en mars 2022 pour 18 mois auprès de 1 000 jeunes de 18 ans à 24 ans. Pour prouver de son utilité à six mois de la présidentielle.

Là où il y a le chemin, il y a l’espoir. “Le dossier du revenu de base est sur la table depuis quatre ans ; il a été proposé par 18 départements socialistes à Emmanuel Macron qui l’a rejeté d’un revers de main, rappelle Arnaud Simion, vice-président du département de Haute-Garonne, chargé de l’action sociale de proximité et de l’insertion. Nous avons la volonté politique d’expérimenter un revenu de base pour les 18 ans-24 ans, exclus du RSA. Et ce, en l’absence d’une loi d’expérimentation, dont l’Assemblée nationale a refusé de débattre.”

En avril 2020, la crise du covid-19 a commencé à creuser les inégalités comme jamais. Alors que l’État providence est revenu sur le devant de la scène en élargissant des dispositifs d’aides, de nombreux président(e)s PS de départements plaidaient pour un droit à l’expérimentation d’un revenu comprenant les aides actuelles, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. (Voir la liste ci-dessous).

Les effets destructeurs de la crise

La crise sanitaire a alourdi la situation des plus pauvres. “Les effets de la crise sur la jeunesse de plus en plus paupérisée ne sont plus à démontrer ; on s’en est vite aperçus avec les files d’attente devant les Banques alimentaires : ça a été la cata. Il n’y que deux pays en Europe qui ne propose rien à ses jeunes : Le Luxembourg et la France. Ça suffit… Nous avons envie d’agir !” Ce revenu d’existence sera voté en décembre pour une application en mars 2022.

Il n’y a aucun lien entre ce type d’aide et une soi-disant volonté d’être fainéant”

Arnaud Simion, vice-président de Haute-Garonne
Arnaud Simion, vide-président du département de Haute-Garonne. DR

Vice-président du département de Haute-Garonne, Arnaud Simion parle de “valeurs d’une gauche du réel portant un projet inclusif”. Il dit : “Il y a bien le soi-disant projet du gouvernement, le fameux revenu d’engagement. Il a été annoncé dans le cadre de la pré-campagne électorale de la présidentielle de 2022. Il n’est même pas financé… Et il se place encore et toujours dans la même philosophie du diptyque cher à la droite : face à des droits, il y a toujours des devoirs. Et surtout ce projet s’inscrit dans un parcours vers l’emploi, comme si aider les jeunes s’apparentait à de l’assistanat. Cette façon de penser nous révolte. Les études, par exemple d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019 (1), sur ce sujet sont claires : ce n’est pas un encouragement à rester inactif. Il n’y a aucun lien entre ce type d’aide et une soi-disant volonté d’être fainéant. Quant à la fraude possible, elle est résiduelle.”

20 % des jeunes sollicitent l’aide alimentaire

Selon un rapport de la Fondation Abbé Pierre, remis fin janvier 2021, 43 % des jeunes de 18 à 24 ans ont une situation financière de plus en plus dégradée : plus de 20 % d’entre eux ont des difficultés à payer leur loyer et 20 % ont sollicité l’aide alimentaire, dont les trois-quarts pour la première fois. Le dispositif de revenu d’existence, qui ne vient pas remplacer les aides sociale mais s’y ajouter, est en phase de mise au point.

S’approcher le plus du seuil de pauvreté

Arnaud Simion précise : “Nous allons tester ce revenu de base qui pourra atteindre maximum 500 € par mois sur 18 mois auprès de 1 000 jeunes de Haute-Garonne représentatifs de la jeunesse : précarisés, avec ou sans un job étudiant, en formation, etc. Le but est de s’approcher le plus près possible du seuil de pauvreté à 1 087 € par mois pour chacun. Nous ne nous plaçons pas comme le Grand Lyon l’a fait qui s’adresse qu’aux jeunes très précarisés, sans emploi. Ni comme l’a fait la Gironde, pionnière dans le domaine, qui présente ce revenu comme une aide sociale.”

Coût : entre 8 M€ et 10 M€ par an

L’élu ne sait pas encore exactement combien de jeunes pourront in fine prétendre à ce revenue de base. En sachant que ce département compte 150 000 jeunes de 18 ans à 24 ans et que, parmi eux, on compte 18 000 chômeurs et 44 000 boursiers. Pour cette expérimentation, le département a débloqué une enveloppe de 8 M€ à 10 M€ par an. “Ce sera 500 € par mois maximum car il sera adossé à la situation fiscale des par an.” 

“Le président Georges Méric est en train de se coordonner avec les autres présidents socialistes de ces départements”

Pour évaluer ce dispositif innovant, le département de Haute-Garonne s’est associé à l’université Jean-Jaurès et à l’institut des politiques publiques. Ce revenu de base pour les jeunes majeurs fera-t-il florès auprès des 17 autres départements qui avaient dit tout le bien qu’ils pensent d’aider la jeunesse ? “Le président Georges Méric est en train de se coordonner avec les autres présidents socialistes de ces départements. Anne Hidalgo, candidate socialiste à la présidentielle ? J’espère qu’elle s’emparera de ce dossier !” Et de conclure : “Nous sommes la 5e puissance mondiale et on ne doit pas s’occuper si mal de nos jeunes. Il faut se mobiliser tous et toutes pour que la jeunesse ne perde pas espoir. Nous espérons que notre expérimentation entre dans le débat public, alerte, interpelle….”

Olivier SCHLAMA

(1) Dans un entretien au Monde l’économiste dit : “Certaines idées reçues continuent de façonner les politiques de lutte contre la pauvreté. L’une des plus répandues est qu’aider les gens les rendrait paresseux et les encouragerait à profiter du système. Tous les dispositifs d’aide aux plus pauvres, que ce soit dans les pays riches ou dans les pays en développement, sont construits sur cette croyance et possèdent de ce fait une dimension punitive. Or nos expériences montrent que c’est le contraire qui est vrai : plus on aide les gens, plus ils sont capables de repartir d’eux-mêmes, plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté dans laquelle ils étaient enfermés.”

(1) Les signataires en 2020 :

Sophie Borderie (Lot-et-Garonne), Denis Bouad (Gard) ; Jean-Luc Chenut (Ille-et-Vilaine) ; Xavier Fortinon (Landes) ; Jean-Luc Gleyze (Gironde) ; Philippe Grosvalet (Loire-Atlantique) ; Mathieu Klein (Meurthe-et-Moselle) ; Alain Lassus (Nièvre) ; Philippe Martin (Gers) ; René Massette (Alpes-de-Haute-Provence) ; Georges Méric (Haute-Garonne) ; Kléber Mesquida (Hérault) ; Christine Tequi (Ariège) ; Germinal Peiro (Dordogne) ; Serge Rigal (Lot) ; Nathalie Sarrabezolles (Finistère) ; Stéphane Troussel (Seine-Saint-Denis) ; Laurent Ughetto (Ardèche) ; André Viola (Aude).

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