Handicap : ASEI, ou comment apprendre de la crise actuelle

La crise sanitaire a fait entrer les 107 établissements de l’ASEI, accueillant majoritairement des personnes en situation de handicap, dans “une nouvelle ère.” Une période pendant laquelle “l’agilité est indispensable pour pouvoir anticiper les conséquences des décisions adoptées et être réactifs.” Entre débrouille et adaptabilité, de nouvelles pratiques et de nouveaux échanges s’organisent cependant pour mieux protéger et accompagner les publics concernés.

Alors que l’activité d’une partie des établissements est suspendue (enfant et adolescents), c’est la totalité des professionnels de l’ASEI (dont le nom signifie : Agir, Soigner, Éduquer, Inclure, NDLR) qui est sur le pont depuis des semaines. La plupart du temps rattachés à un établissement les professionnels se sont adaptés pour devenir aujourd’hui beaucoup plus mobiles.

L’adaptabilité, un maître-mot

Les intervenants s’adaptent pour répondre aux nécessités du moment… Photo D.-R. ASEI

Ces nouvelles mobilités nourrissent les échanges de pratiques. Certains viennent en soutien auprès de “confinés au domicile”, en télétravail mais aussi en déplacements physiques. D’autres, d’établissements pour enfants (la plupart fermés) partent sur des foyers de vie pour adulte, et ce, parfois, sur d’autres territoires de l’ASEI, dans l’attente d’autres missions spécifiques : ré-ouvertures à destination de nouveaux publics, plateforme territoriale d’entraide…

C’est près de 19% des intervenants de l’ASEI qui sont concernés. ces professionnels sont amenés à sortir de leurs fiches de postes pour venir en renfort sur des fonctions qui ne sont pas forcément les leurs habituellement.

“ça donne de l’énergie de se sentir soutenus”

Par ailleurs, la solidarité est réelle et les initiatives se multiplient. “Depuis le début de nombreux appels arrivent : anciens salariés mais aussi des voisins, des étudiants qui se proposent pour venir aider. Pour le moment, nous les considérons comme des réservistes mais ça donne de l’énergie de voir qu’on est soutenus” explique Valérie Pouget-Gazut, directrice du bassin Tarn-et-Garonne de l’ASEI.

Les emplois à l’ASEI. Source ASEI

La situation actuelle “nécessite aussi d’entamer l’initiation d’un changement de culture profond”, explique-t-on à l’ASEI : “Prioriser par le besoin et réallouer les priorités sur des intervalles courts, accepter l’erreur. Le mode itératif (qui se répète plusieurs fois, NDLR) est au cœur de notre projet associatif. Pas besoin de le théoriser, le contexte nous fait passer directement à la pratique, explique Philippe Jourdy, directeur général de l’ASEI.

Accepter de faire différemment : téléconsultations, consultation en ligne, challenge WhatsApp, échanges sur Discord, etc. La situation impose d’ouvrir sur des pratiques peu connues, poursuivant l’objectif d’accompagner la continuité des soins. “Bien sûr que cela ne remplace pas les séances individuelles en face à face mais cela permet de maintenir des acquis et un lien qu’il ne faut surtout pas perdre avec les personnes que nous accompagnons”, complète Philippe Jourdy.

Des bases pour envisager l’avenir

Les visites à domicile s’organisent par ailleurs, permettant aux rééducateurs de voir les personnes accompagnées dans l’environnement qui est souvent le leur le week-end ou pendant les vacances, et de rencontrer les familles en dehors de l’établissement. Intervenir à domicile, au-delà de maintenir le lien, permet de délivrer des conseils en fonction du cadre de vie, de répondre aux familles souvent peu en contact avec les soignants.

Ces innovations qui voient le jour en cette période de crise sanitaire devraient par la suite servir de base aux échanges entre professionnels et personnes accompagnées et pourraient perdurer si leur efficacité se trouve confirmée…

Ph. M.

L’ASEI en chiffres : 3 364 professionnels salariés soit 2 896 équivalents temps plein; 10,32% de salariés reconnus travailleurs handicapés, 10 000 personnes accompagnées chaque année dont 900 qui travaillent. 3 983 : Solutions offertes. Siège social : Parc technologique du Canal – 4 Avenue de l’Europe – BP 62 243 31522 Ramonville-Saint-Agne CEDEX asei.asso.fr

Une “Lettre aux élus” :

Philippe Jourdy a co-signé la lettre ouverte émanant des associations AGAPEI, ANRAS, ARSEAA, RESO et ASEI, diffusée le 7 avril dernier auprès des députés et sénateurs de la région Occitanie, ainsi qu’aux Présidents de Conseils Départementaux. Elle fait office d’alerte sur les dangers encourus par le secteur médico-social durant cette crise sanitaire sans précédent :

Les associations : AGAPEI, ANRAS, ARSEAA, ASEI, RESO, alertent sur la situation dramatique qui se profile si la puissance publique ne considère pas mieux le secteur social et médico-social. La frontière affichée entre le secteur sanitaire et le secteur social et médico-social se traduit par une opposition artificielle entre les hôpitaux, les centres de soins et les lieux de vie d’enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, personnes en situation de handicap.

Depuis le début de confinement les accompagnants dans les EHPAD, les MAS, les MECS, les IME, les ITEP… sont déconsidérés. Nous le disons avec force : c’est l’un des points noirs en cette période de pandémie. Cette situation inédite montre également la fragilité structurelle de notre système. Les établissements et les associations ont fait face, au mieux, pendant ces trois premières semaines, en cherchant dans les réseaux, en mobilisant des dons, pour permettre aux professionnels d’obtenir des masques et de pouvoir se protéger.

Cette dynamique de solidarité a été forte, mais insuffisante. Il est important que les réponses institutionnelles soient à la hauteur et, aujourd’hui, la puissance publique doit être au rendez-vous pour permettre de protéger nos publics et nos professionnels.  Pour cette raison il faut :
• procéder, dès maintenant, à des dépistages massifs des personnes accompagnées et des salariés de nos
établissements,
• donner aux responsables des structures des directives claires,
• permettre des échanges fluides par la mise en place généralisée de cellules de crise entre ARS,
Conseils Départementaux et Association gestionnaire.
• nous garantir, en cas de difficulté majeure, que la responsabilité sera partagée entre l’Etat et les structures.

Comment peut-on endosser une responsabilité alors que nous n’avons pas les moyens de l’assumer pleinement ?

Notre alerte ne doit pas rester lettre morte. Si cette crise sanitaire persiste, nous serons dans la situation suivante : des personnels soignants malades et des
établissements fermés « faute d’encadrement ». Il faut, plus que jamais, donner tous les moyens aux structures pour travailler dans des situations optimales.

Serons-nous les oubliés du système, les invisibles de la santé ? Allons-nous tirer les leçons de cette crise ? Allez-vous abandonner une vision court-termiste, techniciste et exclusivement financière ? Oserons-nous conduire une mutation sociétale et inventer une nouvelle solidarité ? Pour réussir ensemble, plus que jamais, nous devons être des partenaires et non plus les supplétifs de la puissance publique.”

Signée par : Louis Marzo, directeur général de l’AGAPEI; Andrès Atenza, directeur général de l’ANRAS; Stéphane Pareil, directeur général de l’ARSEAA; Philippe Jourdy, directeur général de l’ASEI et Christelle Cammas, directrice générale de Reso.

Dis-Leur ! et le handicap