Gard : Les opposants au géant Amazon défendent un projet local alternatif

À Fournès, non loin du Pont-du-Gard, rebelote : une dizaine d’organisations, dont Attac, organisent une seconde journée de mobilisation d’échanges et de débats au sein de laquelle sera présenté le “projet de Fournès”, autour d’un pôle agricole pour remplir les assiettes des cantines, un marché de producteurs, une ressourcerie, etc. L’association Adere a imaginé le projet.

Bis repetita. Après le rassemblement du 31 janvier dernier, voici celui du samedi 29 mai. Mobilisés depuis plusieurs mois contre l’implantation d’Amazon à Fournès (Gard), une dizaine d’organisations, de syndicats et d’associations, réunis dans un collectif, appellent à une nouvelle journée de “rassemblement citoyen” sur le site de la Pâle, à Fournès (sortie 23 de l’autoroute A 9), de 10 heures à 17 heures. Pour redire leur opposition à la construction d’un entrepôt de 38 800 m² avec une emprise de 14 hectares de terres, proche du Pont du Gard, joyaux classé au patrimoine mondial de l’humanité.

Cette journée sera consacrée aux alternatives à Amazon, qui jette des milliers de camions sur les routes, afin d’être “ensemble sur nos terres vivantes”. “Un grand moment convivial d’échanges, de débats, avec des ateliers pratiques, des stands d’information, de la musique, le pique-nique tiré du sac et un marché paysan bio local, dans le respect des règles sanitaires”, précise Attac (lire ci-dessous). “Nous revenons à Fournès pour montrer que la journée du 31 janvier n’était pas un coup unique, souligne Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac. Pour montrer que les opposants à ce projet, notamment ceux qui se battent au plus près, sur place, sont toujours mobilisés. Le rapport de force, nous l’avons déjà commencé le 31 janvier…”

Cultiver localement de quoi remplir les assiettes des cantines scolaires de la ville. A Mouans-Sartoux, presque tous les légumes poussent sur des terres municipales. On est partis de cette idée…”

Alors, quelles alternatives à ce méga entrepôt d’Amazon qui a déjà mobilisé quasiment 35 000 signatures au bas d’une pétition contre son implantation ? “Nous allons en discuter sur place lors d’un atelier, justement”, dit-il. Il y a justement une belle idée qui fait force, celle de l’association Adere (Association de défense de l’emploi respectueux de l’environnement). L’un de ses fondateurs, l’agro-économiste François Lataste, explique : “Nous aimerions créer une sorte de régie agricole. Nous avons vu l’initiative de Mouans-Sartoux, dans les Alpes-Maritimes qui leur permet de cultiver localement de quoi remplir les assiettes des cantines scolaires de la ville. Presque tous les légumes poussent sur des terres municipales. On est partis de cette idée, de ce socle, pour peut-être y ajouter un marché de producteurs locaux. Le lieu est proche du Pont-du-Gard et de l’autoroute, cela peut à la fois intéresser les locaux et les touristes.”

Créer des emplois pour des chômeurs longue durée

Ce n’est pas tout. “On pourrait également créer un réseau d’agriculteurs de la région mais pas forcément locaux ; cela pourrait prendre la forme d’un centre de réinsertion à dimension sociale, animé par des publics très éloignés de l’emploi, notamment.” Dans ce pôle économique alternatif, l’association parlera aussi de la création espérée d’une ressourcerie, dans la mesure où les terrains de Fournès sont à proximité de la déchetterie locale. “Là aussi cela pourrait créer des emplois, avec des chômeurs longue durée…” L’association pense également à une “ferme pédagogique” en partenariat avec des instituts de recherche pour y aborder les nouvelles techniques agricoles comme la permaculture, capable de lutter contre le réchauffement climatique.

Reste un problème de taille à résoudre : “Pour l’instant, les politiques se montrent intéressés. En tout cas, il attise leur curiosité. Mais pour l’instant aucune collectivité, comme la communauté de communes d’Uzège-Pont-du-Gard ne se bouscule pour le financer.” Pour l’instant, en tout cas.

“On a déjà gagné la bataille culturelle…”

Revenons à samedi. Quelle est l’efficacité de ce genre de journée de mobilisation ? Raphaël Pradeau en convient : “En Alsace, par exemple, il y eut une forte mobilisation. Amazon n’y a pas construit un entrepôt mais a traversé la frontière et l’a fait en Allemagne…” Il y en a quand même un très récent à Metz. Et sur Fournès ? La difficulté est identique dans le Sud du pays où Amazon cherche à s’implanter pour mieux distribuer ses produits entre Espagne et Italie. “On (re)parle régulièrement d’une possibilité d’implantation à Perpignan, ce serait le plan B en cas d’échec à Fournès. Ils sont très forts…”, décrypte Raphaël Pradeau.

Alors, la mobilisation sert-elle vraiment ? Oui : les opposants ont déjà gagné en quelque sorte dans la bataille culturelle. “Il y a deux ans, Amazon n’était pas un sujet dans la société. Il l’est devenu. On a réussi à le faire exister. En terme social, environnemental et fiscal.” L’Amazon bashing, comme le dit Kantar, ne fait que commencer.

“Destruction sociale, gâchis économique, concurrence déloyale…”

La journée du 29 mai sera une nouvelle occasion d’expliquer notre opposition au modèle d’Amazon, basé sur la destruction sociale, le gâchis économique, la concurrence déloyale (non-paiement d’impôts et de TVA), les nuisances environnementales, l’artificialisation des terres et le saccage de nos paysages, de notre patrimoine et de notre culture, comme à Fournès, près du Pont du Gard”, revendique encore Attac.

Fournès, le 31 janvier 2021, un happening de 1 400 personnes et la venue de Delphone Batho, députée et ancienne ministre de l’Ecologie. DR.

Le 31 mais dernier, l’ancienne ministre de l’Ecologie sous François Hollande et présidente de Génération écologie est venue soutenir un happening à Fournès, dans le Gard qui avait réuni 1 400 personnes, selon les organisateurs, de Attac aux commerçants de France en passant par la Confédération paysanne. Plusieurs autres manifestations sur le même thème se tenaient un peu partout dans l’Hexagone contre ce géant de l’e-commerce accusé de nombreux maux, comme Dis-Leur vous l’avait relaté.

Quelque 1 400 manifestants selon les organisateurs (850 selon les autorités) réunis par une dizaine d’organisations, dont une de commerçants, s’étaient retrouvés à Fournès, dans le Gard, pour manifester contre l’implantation de nouveaux entrepôts Amazon. Cette opération s’inscrivait dans le cadre d’une journée nationale de mobilisation dans laquelle Attac s’est, dit-elle, “fortement impliqué”.

Perpignan, Metz, Quimper, Rouen

Ce grand rassemblement avait commencé par la plantation d’arbres sur le site l’entrepôt de ce géant d’internet doit pousser. D’une chaîne humaine et de prises de parole. D’autres actions ou rassemblements visant des entrepôts Amazon étaient notamment organisés à Perpignan (P.-O.), à Carquefou (Loire-Atlantique), Ensisheim (Haut-Rhin), Metz (Moselle), Quimper (Finistère), Rouen (Seine-Maritime) et Senlis (Oise).

Moratoire

“Non à Amazon” : la manif du 31 janvier vue d’un drone. DR.

Amazon est accusé de “destruction d’emplois, de conditions de travail inacceptables, artificialisation des sols, et d’évasion fiscale…” Delphine Batho, qui plaide pour un moratoire sur ces entrepôts d’Amazon, avait renchéri : “J’ai proposé en octobre 2020 une proposition de loi partie de ce combat à Fournès mais qui a été retoquée par la majorité Larem de l’Assemblée nationale. Mais elle a donné l’envie à d’autres territoires de se battre contre Amazon. Nous allons représenter ce projet de loi dans le cadre de la convention sur le climat.”

La présidente de Génération écologie avait ajouté : “Ce genre d’entrepôt est une aberration. Une étude démontre qu’un emploi créé par Amazon en tue quatre ailleurs. Il y a une convergence très forte contre ce genre de projet en France, y compris de l’association des Commerçants de France et tous ceux qui défendent l’économie locale et des personnes qui s’engagent dans les circuits courts et la préservation de la biodiversité. Ce qui se passe à Fournès est très éloquent. De plus, on vient d’apprendre qu’il y aurait un conflit d’intérêt touchant le monde politique. Et qu’une enquête judiciaire est ouverte.

De son côté, Le géant américain de l’e-commerce s’était défendu de toutes ses accusations dans le long communiqué.

Olivier SCHLAMA

  • (1) Le collectif contre Amazon, à Fournès comme ailleurs est composé d’Adere, Anv-Cop 21, Attac, Cnt30, Confédération paysanne, Extinction Rebellion, FSU, Les Amis de la Terre, Prima Vera, Solidaires 30.
  • Il y aura aussi des ateliers pratiques ouverts à tous : approche d’une ruche, fabrication de nichoirs, arrosage des arbres, jeu découverte des plantes tous publics et balades botaniques, jeu-fresque sur le climat. Plusieurs stands permettront de découvrir des livres (avec la librairie Diderot et l’association La Garance voyageuse, éditrice d’une revue de botanique engagée). Et aussi de s’informer sur les outils de protection des terres et des territoires, les recours déposés contre le projet d’Amazon à Fournès, la contre-étude d’impact réalisée par les associations locales, les luttes syndicales pour les emplois.
  • Des prises de parole des différents membres du collectif ponctueront cette journée, notamment pour interpeller le gouvernement et les élus nationaux, ainsi que les candidat.e.s aux prochaines élections départementales et régionales de juin. Le groupe HK et des Batucada animeront des temps musicaux.

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