Foot et BD (2) : Pieds Nickelés, Gaston Lagaffe, Tintin… tous fous de foot

Tintin ne joue pas au foot dans ses albums, mais il a chaussé les crampons pour illustrer une rubrique du journal qui portait son nom...

Quand le 9e Art tape dans le ballon, toutes ses vedettes s’y mettent. Mais, pendant les années qui suivent les premières foulées du foot dans les cases de bande dessinée (voir notre précédente chronique en cliquant ICI), le ballon rond reste surtout un accessoire pour les gags ou comme détonateur d’aventures qui n’ont plus rien à voir avec le football…

Les Pieds-Nickelés sont certes Footballeurs (en 1956 sous le crayon de Pellos) et ils seront aussi arbitres d’un match de l’AS-Saint-Etienne en 1980 dans Les Pieds-Nickelés jouent et gagnent (1980, SPE). Ils y reviendront même une nouvelle fois, mais sous le crayon de Jacarbo en 1982 : Les Pieds Nickelés au Mondial. Mais les trois escrocs rigolos (Croquignol, Ribouldingue et Filochard) ne brillent pas particulièrement par les performances, sinon celles qui les mènen t régulièrement à l’ombre.

Gaston Lagaffe se déguise en gardien à l’ancienne dans plusieurs gags… Même les Schtroumpfs tapent dans le ballon rond (L’univers des Schtroumpfs T6 Les Schtroumpfs font du sport, 2015, Le Lombard). les petits lutins bleus créés par Peyo pour Le Journal de Spirou ont par ailleurs été largement déclinés en figurines footballistiques dans de nombreux pays, en particulier l’Allemagne. Autant d’occasions sans suite…

Boule et Bill, Léonard, Sammy et les autres

Pellos avec son trait vif et nerveux, Franquin dont le dessin plein d’humour sait faire la part belle au geste sportif, Peyo avec sa poésie, les grands noms de la BD ont régulièrement parsemé leurs œuvres de scènes footballistiques sans pour autant donner au sport le plus populaire ses lettres de noblesse. Boule et Bill sont « fous de football » si l’on en croit Coucou les copain ! un livre illustré consacré au petit garçon roux et à son cocker (par Fanny Joly, d’après Roba, 2012 Biblio Mango).

Et Léonard qui est un génie, tout le monde le sait, aurait même inventé le football, selon les compères Turk et de Groot (Léonard, génie du foot, 2009, Le Lombard). Dimitri pour sa série Le Goulag (T6 : Le match du siècle, 1984, Albin-Michel) ou Cauvin et Berck dans Sammy (Les gorilles marquent un but, 1981, Dupuis) ont aussi fréquenté les stades, mais sans pour autant donner naissance à une série référence.

Foot prétexte, foot faire-valoir… Parmi tous ces noms célèbres, un grand absent : Tintin. Il est vrai que Hergé n’a jamais accordé de réelle place au sport dans ses albums, sinon l’alpinisme dans Tintin au Tibet. Il savait pourtant saisir la beauté du geste, comme en témoigne un Tintin shootant dans un ballon de cuir, en titre d’une rubrique rédactionnelle de son journal (pour la page Tintin Sports).

Le Journal de Tintin, pour sportifs de 7 à 77 ans

Michel Vaillant face au ballon rond… une image rare dans l’album Le Grand Défi.

En effet, Hergé a représenté Tintin dans de nombreuses attitudes sportives : football, mais aussi cyclisme, athlétisme, tennis, etc, en bandeau-titre d’articles consacrés au sport. Mens sana in corpore sano (“un esprit sain dans un corps sain”), la formule latine de Juvenal, est alors au coeur de la formation de la jeunesse. Et la presse BD y trouve matière à reportages. Tous s’y mettent, Vaillant (l’ancêtre de Pif Gadget) lui offre une large place, mais Le Journal de Tintin y est particulièrement attaché.

Dès 1949, l’hebdo des jeunes de 7 à 77 ans, consacre une série d’articles au football. Et au fil des années, Jean Graton (le père de la série automobile Michel Vaillant) assurera de nombreuses couvertures sportives. Ce qui lui vaudra en 1958 le Prix du meilleur dessinateur sportif. La tradition se perpétuera longtemps, avec notamment un Journal de Tintin “Vive le Sport” en 1961, un “Spécial sports” en 1970 et bien d’autres encore par la suite.

Gaston, le gaffeur des surfaces

Gaston Lagaffe se rêve en buteur pour l’Ajax d’Amsterdam ! (éd. Dupuis)

Autre Maître incontesté du dessin, Franquin a parsemé son œuvre de scènes footballistiques. Dans Spirou (une superbe planche pour un une-deux et un but signé Valentin Mollet dans Les voleurs du Marsupilami, 1954, éd. Dupuis) ou Modeste et Pompon (60 gags de Modeste et Pompon T1, 1958, Le Lombard). Surtout, Franquin offre à Gaston Lagaffe quelques moments inoubliables sur les pelouses. Et s’il se rêve en avant-centre de l’Ajax d’Amsterdam (Le géant de la Gaffe, 1972, Dupuis), c’est surtout attifé en gardien de but des 50’s que le fameux gaffeur s’impose dans les surfaces.

Il fait plusieurs apparitions entre 1972 et 1973, notamment pour illustrer un récit paru dans un numéro de Noël du Journal de Spirou (n°1808, décembre 1972) : « Un match qui nous a marqués ». Score final 15-1 en faveur des adversaires de l’équipe de la rédaction ! Mais si Franquin parsème ainsi ses planches de gags inspirés par le sport, la bande dessinée sportive ne s’impose pas encore vraiment comme un genre à part entière et le football reste le plus souvent aux vestiaires.

Pour changer les choses, il fallait un vrai passionné. Il n’allait pas tarder à se révéler ! Il sera au centre de la prochaine chronique (mercredi 4 avril). Il est Belge, son nom : Raymond Reding.

Philippe MOURET