Familles : Que sont les “jolies colonies de vacances” devenues ?

Joie de vivre, insouciance et mixité sociale... Les jolies colonies de vacances ! Photo D.-R.

En 1966 ce fut le tube de l’été : “Les jolies colonies de vacances” de Pierre Perret cassait la baraque ! Et les colonies aussi… Mais elles sont loin les sixtie’s et leurs rêves d’égalité. De 4 millions d’enfants qui partaient en “colo”, dans les années 60 / 70, ils sont trois fois moins aujourd’hui…

En 2017, une étude Statista.com montrait que près de 45% des Français ne voyaient pas l’intérêt d’envoyer leurs enfants en colonie de vacances, dans la mesure où ceux-ci étaient disponibles pour s’en occuper. Cette année, une enquête Ifop pour Jeunese au Plein Air confirme que la fréquentation des colonies de vacances n’est plus une « pratique de masse » qui concerne la majorité d’une classe d’âge.

Vers la fin du brassage social de la “colo”

Colonies de vacances et camping… une certaine idée du voyage des 60’s / 70’s… Photo D.-R.

En 2019, seul un quart des enfants âgés de 7 à 12 ans a déjà vécu cette expérience. Toutes les catégories sociales n’y ont pas aussi facilement accès : les enfants des catégories populaires partent moins en “colo” que les enfants des catégories socio-professionnelles supérieures. Certains s’inquiètent d’ailleurs de la mutation que connaît cet ultime bastion du brassage social (comme c’est aussi le cas des campings).

Ainsi, lors de sa Leçon Inaugurale, le 20 juin dernier, Bernard Réau (chaire Tourisme, voyages et loisirs du Cnam) soulignait ” la valeur du temps social spécifique des vacances et du tourisme comme un laboratoire pour l’étude de la transformation des modes de vie, des inégalités sociales dont il est un marqueur, des dangers écologiques qu’il nourrit parfois, et du lieu d’apprentissage et de création dont il est porteur.”

Les vacances, “une urgence sociale”

Bernard Réau a également pris part aux rencontres sur “Le droit aux vacances“, cette année à l’Assemblée nationale, dont les organisateurs soulignaient : “La crise sociale et politique que traverse notre pays a de nouveau fait émerger la question de l’accès aux vacances. Loin d’être accessoire, le départ  ou le non-départ est un marqueur social, caractérisé par de fortes inégalités. Ne pas partir est un signe d’exclusion. À tout âge, le départ en vacances revêt une grande importance pour les Français, qui pour 40 % d’entre eux, en restent privés (…) Les vacances jouent un rôle majeur sur la qualité de vie, les relations familiales… Elles sont aussi créatrices de lien social et favorisent un sentiment d’appartenance. En cela, elles constituent un levier de développement pour les individus, mais également pour les territoires et la société dans son ensemble…”

Pour l’Unat (Union nationale des associations de tourisme), également, “les colonies sont des lieux de cohésion sociale.” et constatent que comme les campings, “les colonies de vacances sont également en perte de vitesse : alors que 66% des 65 ans et plus déclarent être partis au moins une fois en colonie de vacances durant leur enfance, le taux tombe à 53% pour les 18-34 ans. Les raisons évoquées pour la baisse de fréquentation des colonies sont le refus des enfants (30%), le coût des colonies (23%) et la crainte de voir ses enfants exposés à de « mauvaises fréquentations ou des agressions » (13%)  Ainsi, 37% des parents d’enfants scolarisés envoient leurs progénitures dans des « mini-camps » ou « stages découvertes ou thématiques » contre 27% dans des colonies de vacances classiques.”

Correspondre à de nouvelles attentes

Et la Fondation Jean-Jaurès de constater à partir de ces données que “l’ensemble des structures qui traditionnellement permettaient aux catégories populaires et du bas de la classe moyenne d’avoir accès aux vacances qui connaissent une même tendance de montée en gamme et de segmentation. Une transformation profonde qui se traduit par des niveaux d’accès aux vacances profondément clivés selon les catégories sociales.”

Les séjours à l’étranger, une forme de “colo” qui plaît aux ados… Photo D.-R.

Ce qui permet à certains de se positionner sur les segments les plus porteurs : “Alors que la tendance est globalement à la baisse (…), la colonie de vacances « moderne » a toujours de beaux jours devant elle”, constate Thibault Dufresne, Directeur Général Adjoint du Groupe CEI (Centre d’Echanges Internationaux). “La colonie de vacances n’est plus la même que dans les années 60, elle s’est transformée pour correspondre aux attentes des nouvelles générations de parents et d’enfants, et, heureusement, ceux-ci ont toujours le même goût de l’aventure et du voyage qu’autrefois”, affirme-t-il.

Nouvelles tendances, mais aussi qualité de l’encadrement et de la sécurité sont des éléments essentiels aux yeux des parents. “De plus en plus de parents sont à la recherche d’authenticité pour leurs enfants. Les colonies de vacances dites « nature » ou « découverte » enregistrent un fort taux de remplissage chaque année pour les petits, c’est le cas par exemple de la colonie « Sur les traces d’Indiana Jones », de la colonie « J’apprends à nager » en période estivale et « A l’école des sorciers » sur la période d’Halloween ou tout simplement de la colonie de vacances « classique » à la mer, proposant des activités nautiques”, précise encore Thibault Dufresne.

Se détacher de l’omniprésence du numérique

Elitistes ces colonies “new look” ? M. Dufresne affirme que non : “En envoyant leurs enfants en colonie de vacances, les parents veulent leur offrir la possibilité de sortir, pendant une ou deux semaines, de leur cocon familial, de leur quartier, de leur quotidien. Ils cherchent également à les faire évoluer en dehors de leur zone de confort en les mettant en contact avec des enfants de tous les milieux sociaux (…) Le CEI favorise la mixité sociale et soutient fortement les villes et les collectivités qui aident les enfants de milieux défavorisés à partir en vacances. Chaque année, nous organisons pour les enfants des colonies qui représentent un moindre coût pour les familles. Beaucoup de parents payent d’ailleurs les séjours grâce à des bons de la CAF ou des bons vacances”, souligne-t-il

Recréer du lien social et se détacher du numérique… Photo D.-R.

S’adapter, c’est donc survivre. Ainsi qu’on le souligne également à l’Unat (*) : “Les colos permettent aux enfants de sortir de leur quotidien et d’aller à la rencontre de nouveaux camarades provenant de différentes régions et milieux sociaux, de se découvrir de nouvelles passions en choisissant parmi un panel d’activités inépuisable. Les colos l’ont bien compris, les jeunes ne cessent d’évoluer. Ils ont aujourd’hui besoin d’indépendance et d’aventure (…) Ils laissent derrière eux les contraintes de leur rythme journalier, et se détachent de l’omniprésence du numérique, pour recréer du lien social. Ils ont le choix entre des activités nouvelles innovantes et créatives (…) Les colos proposent tous les formats possibles sur des territoires aussi divers que variés. Les hébergements accueillant les enfants évoluent aussi avec leur temps, et répondent aux envies les plus diverses…”

Vers un “plan colo” à l’automne ?

Point positif : neuf jeunes sur dix qui ont fréquenté une colonie de vacances ont envie d’y retourner. Le gouvernement s’est également inquité du sujet. La députée LaREM Pascale Fontenet-Personne a été chargée d’une “mission tourisme” qui devrait  rendre ses conclusions en septembre et déboucher dès l’automne sur un “plan colo“…

Philippe MOURET

Quelques exemples : Avec les PEP des Colonies de vacances agréées CAF en OccitenieLozère évasion propose de nombreux séjours à thème… Colonies de vacances avec l’UFCVUnion française des centres de vacances et de loisirs. Des séjours aussi dans le Tarn avec Vacances-tarnaises.fr.
(*) En 1996 l’UNAT Midi-Pyrénées, avec le soutien de la Région Midi-Pyrénées, lançait l’Opération “1ers Départs en Vacances”, avec pour objectif de faire partir en vacances pour la première fois, des jeunes âgés de 6 à 17 ans issus de milieux modestes. L’année 2017 a été particulière puisqu’elle a été marquée par l’extension du dispositif à l’ensemble de la région Occitanie. Depuis 1996, plus de 43 000 enfants ruraux et urbains habitant la région Occitanie, ont pu bénéficier d’un premier départ en vacances. En savoir plus…

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