Expo & dédicace : Elizabeth Colomba et Aurélie Lévy racontent “Queenie”

La librairie sétoise L'échappée belle propose une exposition des planches originales de l'album que les deux auteures viendront dédicacer le 28 septembre. Photo Ph.-M.

Publiées aux éditions Anne Carrière, les deux autrices vont faire le déplacement depuis Paris et New-York, pour partager avec le public leur album sur l’étonnante Stéphanie Saint-Clair. Cette martiniquaise d’origine qui a su s’imposer à Harlem pour devenir dans le New-York des années 30 la seule femme noire marraine de la pègre sous le nom de Queenie. Aurélie Lévy au scénario et Élizabeth Colomba au dessin proposent une plongée dans l’histoire, dans l’univers et la personnalité complexes de cette femme d’exception…

Harlem. 1933. Alors que la prohibition vient de prendre fin, une femme noire, tirée à quatre épingles, est relâchée de prison. Son nom : Stéphanie Saint-Clair. Signes particuliers : un accent français à couper au couteau et un don pour les chiffres.

Après un roman et le théâtre, la BD lui rend hommage

Née dans la misère à la Martinique, la célèbre Queenie est à la tête de la loterie clandestine de Harlem. Avec l’aide d’une poignée de complices loyaux, elle a patiemment bâti un véritable empire criminel qui règne sur Harlem tout en protégeant ses habitants des exactions des policiers.

Ce personnage hors du commun avait déjà inspiré un roman (2015, éd. Mercure de France), par la suite adapté au théâtre, à l’écrivain martiniquais Raphaël Confiant. Ici, ce sont deux autrices qui s’emparent de ce destin exceptionnel, pour une bande dessinée à la fois forte et élégante. Deux talents qui se sont rapprochés pour cet album :

Elizabeth Colomba et Aurélie Lévy, duo idéal pour un personnage ‘exception

Tout comme son héroïne, l’artiste Élizabeth Colomba est d’origine martiniquaise et a immigré à Harlem pour se faire un nom. Devenue une peintre reconnue aux États-Unis, spécialisée en art post-colonial, elle a été fascinée par l’histoire de Stéphanie Saint-Clair et a très vite décidé qu’elle essaierait de lui redonner une place dans l’Histoire.

Elle a trouvé la coscénariste parfaite en la personne de sa meilleure amie, Aurélie Lévy. Celle-ci étant documentariste et fille d’immigré juif, les thèmes de l’exil et de l’adversité culturelle ne lui étaient pas étrangers. Les deux femmes s’étaient rencontrées à la fin des années 1990 à Hollywood, quand elles avaient vingt ans et chassaient toutes les deux leur part du rêve américain… Comme Stéphanie avant elles…

Elles se sont donc emparées de ce sujet fort, histoire de rendre justice à cette femme puissante, célèbre en son temps et qui, sans surprise, fut effacée par l’Histoire au profit de certains hommes bien peu recommandables, dont ele a croisé la route, tels Dutch Schultz ou Lucky Luciano

Un écho avec l’époque actuelle…

Pourtant Stéphanie Saint-Clair offre “une figure riche, séduisante, forçant l’admiration autant qu’elle inspire la crainte, ne répondant à aucun stéréotype mais possédant tous les attributs pour entrer dans la légende. Récapitulons : une femme, noire, immigrée, mafieuse, défenseure des droits civiques, icône de mode, parlant couramment cinq langues…”

Elle dénonça la corruption et la brutalité de la police et fut la première femme de couleur à envoyer un policier blanc en prison, à une période où les droits des Noirs n’étaient pas clairement définis. Elle veilla à s’éduquer, ainsi que sa communauté, excellant dans la maîtrise de son image publique. Elle brisa des barrières, des plafonds de verre et fut le seul chef mafieux à mourir de vieillesse, s’éteignant paisiblement à près de 80 ans, toujours à la tête d’un important patrimoine, et sans le moindre ennemi pour la menacer…

La BD présentée actuellement à Sète (Hérault) a un tel retentissement qu’un grand studio de cinéma américain prépare son adaptation sur grand écran…

Philippe MOURET