Expérience inédite : Le piégeage de masse, une arme en plus contre le moustique-tigre

Aedes albopictus, femelle de moustique-tigre (Aedes albopictus) est une espèce originaire d'Asie du Sud-Est et de l'Océan Indien. C'est son corps, noir tigré de blanc, qui lui a donné son nom. En zone tropicale, il peut inoculer une trentaine de virus, propageant le chikungunya, le virus du Nil occidental, le virus zika, l'encéphalite de Saint-Louis, la dengue.

“Une baisse de 30 % à 60 % des populations de moustiques en certains endroits, c’est plutôt encourageant”, confie Yvon Perrin, entomologiste à l’EID Méditerranée qui supervise une expérimentation unique en France dans trois communes du Montpelliérain : Clapiers, Castelnau-le-Lez et Saint-Clément-de-Rivière. Quand le projet sera terminé, en 2024, cet outil pourra, c’est l’espoir, être associé à l’arsenal existant pour limiter ces insectes envahissants.

Les beaux jours arrivent et réveillent de plus en plus de nos chaleureux moustiques… Année après année, le fameux “tigre” déploie son territoire. Invariablement. Les scientifiques de l’EID (Entente interdépartementale de démoustication) Méditerranée travaillent justement à élaborer des outils et une stratégie pour le combattre.

Seule expérimentation de ce type en France

Yvon Perrin. DR

Dans ce cadre, il en existe un, le piégeage de masse, dont l’expérimentation, qui donne “déjà de bons résultats”. Commencée en mai 2021, l’évaluation de ce procédé, baptisé Vectrap, testé dans trois communes proches de Montpellier, Clapiers, Castelnau-le-Lez et Saint-Clément-de-Rivière, doit durer jusqu’en 2024. Cofinancée par l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et plusieurs partenaires de l’EID pour quelque 800 000 €, c’est la seule expérimentation de ce type en France.

L’EID Méditerranée, pour cette opération dispose d’un partenaire opérationnel, l’EID Rhône-Alpes, pour oeuvrer contre le moustique “tigre” dans le cadre de ce programme inédit. Et l’équivalent de l’EID en Martinique pour lutter, là bas, contre le moustique aedes aegyptis.

Quatre cents pièges répartis dans trois communes du Montpelliérain

Le piège utilisé. DR.

Dans la banlieue de Montpellier, décrypte Yvon Perrin, entomologiste à l’EID Méditerranée, “nous avons disposé au total 400 pièges répartis selon une proportion de 15 piège à l’hectare. Ainsi, nous avons pu expérimenter cette technique et surtout en exploiter les données dans quatre quartiers de 80 à 90 maisons dont 75 % à 80 % sont réellement équipées chacune d’un ou deux pièges, en fonction de la taille des jardins. Tous les résidents ne souhaitaient pas faire partie de cette expérience. Et nous avons bien sûr, parallèlement, choisi quatre quartiers-témoins, sans aucun piège pour comparer scientifiquement les dynamiques de populations de moustiques entre les différents lieux.”

Baisse sensible des moustiques la 2e année

La carte collante du piège. DR.

Dans le détail, “la première année, on a cherché à ne faire aucune autre action complémentaire à côté de ces pièges et nous avons eu des résultats un peu décevants ; dans certaines communes ce n’était pas pharamineux. En revanche, la deuxième année de l’expérimentation on a pris le pari en plus du piégeage, de réaliser des opérations de sensibilisation au porte-à-porte dans tous les quartiers, y compris témoins. Et, en 2022, la plus-value apportée par les pièges, on a constaté une diminution des populations de moustiques tigres d’environ 30 % et jusqu’à 60 % dans certains quartiers – par rapport aux années où l’on ne faisait que de la lutte anti-larvaire. C’est encourageant dans le cadre de la lutte intégrée “, confie encore Yvon Perrin.

La question de l’acceptabilité sociale

Moustique tigre. Femelle aedes albopictus prenant  son repas de sang sur la peau d’un homme. C’est son corps, noir tigré de blanc, qui lui a donné son nom. En zone tropicale, il peut inoculer une trentaine de virus, propageant le chikungunya, le virus du Nil occidental, l’encéphalite de Saint-Louis, le virus zika et parfois la dengue.

Reste qu’il faut accepter l’idée d’attirer des moustiques en nombre dans un piège. Qu’en est-il de l’acceptabilité sociale de ces pièges qui seront peut-être un jour distribués comme les sacs plastiques le sont par certaines communes ? “Ce projet a justement un volet sociologique, piloté par notre partenaire, l’Ecole des hautes études en santé publique, basée à Rennes, qui a conçu des questionnaires que les résidants des quartiers concernés remplissent chaque année. Pour l’instant, nous n’avons fait que la première année et dont nous n’avons pas encore l’analyse de tous les résultats. Mais ce que l’on a bien identifié, c’est que sur l’acceptabilité du projet et de ses contraintes, là aussi les premières indications sont encourageantes“, complète Yvon Perrin.

S’ensuivra un cahier des charges pour définir une méthode d’utilisation et dans quelles conditions optimum ce piégeage de masse est le plus efficace. A ce stade-là, les collectivités pourront s’en servir. En essayant d’éviter un écueil : un laisser-aller dans la prévention qui est “indispensable“. Ce relâchement possible sera aussi évalué dans la partie sociologique de l’étude.

Des pièges que les communes pourront distribuer

Ces pièges sont assez basiques. L’idée, c’est qu’ensuite les collectivités qui le veulent puissent acheter ces pièges pour en fournir leurs habitants. Il faut que le coût du piège ne soit pas trop important. L’EID a choisi des “pièges rudimentaires comme un seau avec un ou deux litres d’eau au fond et qui capturent des femelles à la recherche d’un point d’eau”. Grâce à une sorte de “cloche” avec un filet qui empêche les femelles d’accéder à l’eau. Une fois dans cette cloche, elle vont se heurter à une plaque collante qui va les stopper. “Ce sont des pièges déjà en vente dans le commerce. Mais c’est la toute première fois que l’on en a une évaluation scientifique”, précise Yvon Perrin.

Un atout de plus dans l’arsenal existant

Une expérience pilote a été menée à Prades-le-Lez (Hérault) cet été dont les résultats encourageants ont été révélés ce mardi. Pour la 1er fois en France, des scientifiques montrent que l’on peut stériliser des palanquées de moustiques tigres mâles pour qu’ils n’aient aucune descendance et les épandre à 50 mètres du sol. Photo : EID.

Dans l’arsenal de lutte contre le moustique tigre, il y a d’autres solutions qui, prises individuellement ne suffiront pas. Tous les scientifiques s’accordent sur ce point. C’est toutes prises ensemble qu’elles oeuvreront peut-être un jour à une régulation de l’espèce. À commencer par la stérilisation des mâles, expérimentée, là aussi, à côté de Montpellier et dont Dis-Leur vous a déjà parlé ICI.

Expérimentation d’un projet d’auto-dissémination

D’autres solutions sont en cours d’expérimentation. “Il y a aussi un projet qui vient de se terminer sur l’auto-dissémination, ajoute Yvon Perrin : on utilise les femelles qui vont en quelque sorte travailler à notre place à notre insu. Cela consiste à attirer des femelles sur des stations où l’on a placé un insecticide à faible dose avec laquelle elles vont contaminer les différents lieux de ponte. Là aussi, les résultats sont encourageants. Ce n’est pas la solution miracle mais elle peut intégrer toute une panoplie dont on dispose aujourd’hui.”

Olivier SCHLAMA

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