Enquête : Violences sexuelles dans l’enseignement supérieur, état des lieux

Le Baromètre 2023 de l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'Enseignement supérieur est accablant... Photo DR

“Notre Baromètre 2023 révèle que les violences et les dysfonctionnements perdurent au sein des établissements de l’enseignement supérieur. Dans l’ensemble, les établissements échouent à accueillir la parole des victimes et à les accompagner correctement. On dénombre d’ailleurs de multiples établissements sans aucun dispositif de lutte contre les violences” commente amèrement la présidente de l’Observatoire (1), Iris Maréchal

Le Baromètre 2023 dresse en effet un état des lieux alarmant des violences sexistes et sexuelles et des LGBTQIA+phobies dans l’enseignement supérieur. Il est fondé sur les expériences de plus de 10 000 étudiants et étudiantes, trois ans après la publication d ‘une première enquête nationale “Paroles étudiantes sur les violences sexuelles et sexistes” (2020). Les chiffres du Baromètre démontrent que dans
l’ensemble, la situation ne s’est pas vraiment améliorée depuis…

Un éclairage médiatique, un plan d’action et… ça continue

Photo DR

“Depuis un peu plus de deux ans, grâce à la mobilisation de nombreux·ses étudiant·es et d’associations comme la nôtre, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans
l’enseignement supérieur a bénéficié d’un écho médiatique sans précédent, commente Iris Maréchal. S’en sont suivies de multiples annonces de la part des établissements et du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui a lancé à la rentrée 2021 un plan d’action national contre les violences sexistes et sexuelles” et pourtant “les violences et les dysfonctionnements perdurent au sein des établissements de l’enseignement supérieur…”

Pour la présdiente de l’Observatoire : “La libération de la parole est un mirage : visibiliser un problème n’équivaut pas à le résoudre. Ce dont on a besoin maintenant, c’est d’une libération de l’écoute et de moyens réellement à la hauteur des enjeux : que les ministères déploient des moyens financiers et politiques conséquents, que des dispositifs d’accompagnement et de gestion de faits de violence existent dans tous les établissements, que les auteurs soient sanctionnés et que les victimes soient protégées…”

L’enjeu est majeur, car souligne-t-elle : “Ce n’est qu’à ce prix que l’on permettra à tou·tes les étudiant·es d’être en sécurité sur leur lieu d’études.”

L’Occitanie, troisième région de France avec plus de 260 000 étudiants

C’est au sein même des établissements que la menace existe… Photo DR

Avant d’aller plus loin, soulignons que le sujet est particulièrement concernant en Occitanie qui, si l’on considère l’enseignement supérieur, avec 260.109 étudiants (dont 167.473 sont inscrits dans les universités), est la troisième région française en terme d’effectifs (source CCI Occitanie Pyrénées-Méditerranée).

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche recense 79 sites d’enseignement supérieur en Occitanie, dont 19 ayant une ou plusieurs implantations. Les deux grands pôles universitaires restent Toulouse (2), avec 82.016 étudiants et Montpellier avec 43.663 étudiants, chiffres auxquels il faut ajouter les effectifs des grandes écoles.

Certaines unités d’enseignement se sont saisies du sujet, telle l’Université de Nîmes (Unîmes), en organisant, le 21 mars dernier la journée “C’est pas ça l’Amour”

(Découvrir le dispositif “Génération égalité” de la Région Occitanie destiné à “sensibiliser la jeunesse du territoire sur les grands enjeux de l’égalité femmes-hommes…” https://www.laregion.fr/Avec-le-dispositif-Generation-egalite-la-Region-agit-contre-les-violences-faites-aux)

Les événements festifs et les “communautés étudiantes”

Les moments festifs sont particulièrement propices aux viols… Photo DR

Le Baromètre dresse un état des lieux de douze violences (3), allant de l’outrage sexiste au viol en passant par l’injure LGBTQIA+phobe. Au total, six étudiant·es sur 10 déclarent avoir été victimes et/ou témoins d’au moins l’une des douze violences citées, et plus d’un quart des étudiant·es (27%) déclarent avoir été victimes d’au moins un fait de violence sexiste, sexuelle ou LGBTQIA+phobe.

“Ces violences sont systémiques, précise la baromètre. Elles se perpétuent aussi bien lors des événements festifs que durant la vie quotidienne des étudiant·es et elles s’étendent à tout type d’établissement, public comme privé. Elles sont commises par d’autres étudiant·es, mais aussi par des enseignant·es et des membres du personnel.”

Cependant, les événements festifs rassemblant les étudiants sont toujours “le lieu privilégié des viols”, de même que les résidences étudiantes. On dénote aussi une prépondérance des violences dans certains types de formations, notamment celles ayant une forte vie en communauté.

Ainsi, souligne l’étude, “plus de deux étudiant·es sur 3 victimes ou témoins d’au moins l’une des violences citées dans le rapport étudiaient dans une école de commerce (72%), une école paramédicale (72%), une école d’ingénieur·es (70%), un lycée (CPGE ou BTS) (67%), une école vétérinaire (66%), un IEP (65%) ou un grand établissement universitaire (63%).”

De graves retombées sur la santé et le mental

L’enquête souligne également les répercussions dramatiques de ces violences sur la scolarité et la santé des victimes. Près d’un tiers des victimes de viol ont eu peur d’aller en cours ou de participer à la vie étudiante et ont eu des difficultés à s’impliquer dans leurs études. La santé de plus de la moitié des victimes de viol a été impactée : certaines ont subi stress post-traumatique et dépression quand
d’autres ont dû changer d’établissement ou arrêter leurs études.

Enfin l’Observatoire relève malheureusement qu’au niveau de l’action des établissements, “le constat est alarmant : plus d’un étudiant·e sur deux ne se sent pas réellement en sécurité dans son établissement au regard des violences sexistes et sexuelles. C’est tout particulièrement le cas des femmes et des étudiant·es transgenres (…) Les établissements échouent à accueillir la parole des victimes et à les accompagner correctement. Parmi les victimes et témoins de viol ayant fait remonter les faits à leur établissement, un étudiant·e sur trois n’a reçu ni soutien psychologique ni soutien juridique et un étudiant·e sur quatre ne s’est pas vu proposer le déclenchement d’une procédure disciplinaire…”

Pour l’Observatoire (qui propose dix recommandations clés) : “Garantir à tou·tes les étudiant·es d’être en sécurité sur leur lieu d’études est une condition indispensable à l’égalité des chances et à la réussite scolaire. L’inaction n’est plus une option.”

Accéder au Baromètre intégral : https://observatoire-vss.com/wp-content/uploads/2023/04/Rapport-detaille-Barometre-2023-des-violences-sexistes-et-sexuelles-dans-lEnseignement-superieur.pdf

Philippe MOURET

(1) L’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes dans l’Enseignement Supérieur est une association étudiante inter-filières d’envergure nationale. Son objectif est de lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans l’Enseignement supérieur, notamment grâce à des enquêtes qui permettent de faire un état des lieux de ces violences. “Nous pensons que pour briser le cercle des violences, il est essentiel que l’ensemble des parties prenantes (établissements, associations et institutions) se mobilise”, est-il précisé sur son site : https://observatoire-vss.com/
(2) Dans le cadre de son “schéma d’amélioration de la vie étudiante”, l’Université de Toulouse propose un dispositif de signalement pour les victimes et les témoins, avec notamment les coordonnées des associations et des contacts au sein des établissements d’enseignement supérieur : https://schema-vie-etudiante.univ-toulouse.fr/temoin-ou-victime-de-violences-sexistes-et-sexuelles/#:~:text=Les%20%C3%A9quipes%20sont%20form%C3%A9es%20sur,vendredi%20de%2010h%20%C3%A0%2019h. Il est vrai que l”Université Jean-Jaurès a été le cadre de nombreuses affaires. Lire notamment l’article que le site Médiacités a consacré au sujet enjanvier dernier :  https://www.mediacites.fr/enquete/toulouse/2023/01/05/a-luniversite-la-lutte-contre-les-violences-sexuelles-reste-un-sport-de-combat/

(3) Victimes et/ou témoins d’au moins l’une des 12 violences citées

  • Près d’1 étudiant·e sur 10 (9%) déclare avoir été victime de violence sexuelle
    depuis son arrivée dans l’enseignement supérieur.
  • 1 étudiant·e sur 10 a été victime d’agression sexuelle en école de commerce.
    1 victime de viol sur 4 en a été victime plusieurs fois.
  • La moitié des viols rapportés ont eu lieu lors de la première année d’études des
    répondant·es, dont 16% durant les événements d’intégration.
  • 1 étudiant·e sur 20 déclare avoir déjà été victime de harcèlement sexuel, et 1
    étudiant·e sur 10 en avoir déjà été témoin.
  • 17% des étudiant·es ont déjà été témoins d’exhibition sexuelle.
  • 20% des étudiant·es ont déjà été témoins d’injures LGBTQIA+phobes.

Trop de violences

Violences conjugales : Le “faisceau d’indices” face aux réalités du terrain

Société : Les violences anti-LGBT affichent une hausse spectaculaire

Violences faites aux femmes : “Continuons à dénoncer, à nous battre…”