Énergie : En Ariège, le bois des bords de route sert à chauffer les collèges

Considérant que ce n’est pas un “déchet” mais une “ressource“, ce département a réussi à créer en quelques années une véritable filière vertueuse qui prend tout son sens en pleine explosion des prix de l’énergie. Le bois ainsi récolté sur une bonne partie des 2 667 km de routes départementales est ainsi valorisé.

Ramasser du bois pour se chauffer : le département de l’Ariège a fait sienne cette évidence et qui a permis, selon la présidente du département, Christine Téqui, d’économiser, avec ces 800 tonnes de bois par an, quelque 103 000 litres de fuel “que nous n’avons ni achetés ni consommés”. Par ces temps de crise économique et énergétique, ce n’est pas roupie de sansonnet : cela a déjà fait également économiser 140 000 € ainsi que 270 tonnes de CO2 qui ne seront pas rejetées dans l’atmosphère ! Tout est bon dans l’économie circulaire. Les bords de route regorgent de bois morts, notamment d’acacia réputé peu valorisable mais “une bonne source d’énergie”. “Nous en exploitons au total l’équivalent de 15 hectares, soit environ 5 hectares par an“, précise Christine Téqui.

Un ancien hangar comme plate-forme de séchage

Christine Téqui. DR

Le bois est ainsi coupé et broyé sur place. Il est ensuite transporté et transformé. “Nous avions acheté sur Tarascon un ancien hangar qui sert de plate-forme de séchage (1). Tous les trois ou quatre jours, elle nous sert de base pour acheminer les plaquettes de bois vers les chaudières”. Quelques investissements ont été nécessaires : scie circulaire sur un bras ; un broyeur monté sur un tracteur. “On a ensuite utilisé des petits camions que nous avions déjà. On pourrait à l’avenir utiliser des camions un peu plus volumineux pour réduire le nombre d’allers-retours entre les routes et la plate-forme de séchage.”

Seix, Tarascon-sur-Ariège, Mazères et bientôt Ax-les-Thermes

Ce bois, une fois transformé, est donc utilisé dans des chaufferies biomasses des collèges. Il peut être transformé directement sur les chantiers, soit transporté en fûts sur la plateforme départementale pour devenir de la plaquette forestière (2) destinée aux chaufferies des collèges départementaux, notamment de Seix, Tarascon-sur-Ariège (à 100 % alimenté au bois), Mazères et prochainement d’Ax-les-Thermes “où un réseau chaleur bois qui se déploie (on en est au bout de la démarche administrative avec l’identification des entreprises partenaires dans les semaines qui viennent”, confie Christine Téqui. En effet, collège d’Ax, la commune et la communauté de communes ont créé un réseau de chaleur avec le département pour chauffer, là aussi, des bâtiments publics.

Une “ressource” plutôt qu’un “déchet

Tout commence en 2008 quand Christine Téqui, alors maire de Seix, a l’idée de piocher dans ce “déchet” qui est vu comme une “ressource“. Elle y réalise un réseau de chaleur performant alimentant des bâtiments de la commune. Dès 2018, elle reprend l’idée, par étapes, une fois à la tête du département de l’Ariège. “Avant, comme beaucoup de départements, on élaguait les arbres des bords de routes départementales et on les laissait faire humus avec le temps dans les fossés. On s’est aperçus que cette transformation prenait pas mal de temps ; qu’il fallait curer les fossés plus souvent et, enfin, avec les aléas climatiques, cela gênait la circulation d’eau.”

Le département de l’Ariège avait, déjà, dans les années 2005-2006, aidé à l’installation de chaudières bois, réseaux chaleur bois, sur son territoire, etc. “On avait une ressource juste à côté de nous ; on s’était dit c’est quand même incroyable que l’on n’arrive pas à s’en servir davantage pour chauffer nos bâtiments publics…”

La ressource et ariégeoise ; la transformation est ariégeoise et la production est ariégeoise !”

Autre avantage, le rendement est nettement supérieur au bois bûche. Par comparaison avec le pétrole, deux tonnes et demies de plaquettes équivalent à une tonne de pétrole. “Notre volonté, ce n’est pas de produire pour produire. Ou de transformer pour produire et revendre, c’est bien pour servir nos collèges qui sont les moins touchés par la crise, notamment ceux qui s’inscrivent dans cette filière bois. La ressource et ariégeoise ; la transformation est ariégeoise et la production est ariégeoise ! On n’est pas en autarcie : comme nous produisons davantage de plaquettes de bois que ce dont nous avons aujourd’hui besoin, nous en faisons même profiter Toulouse, notamment chez Airbus !” 

L’idée n’est pas de créer une industrie de transformation de bois en plaquettes qui relève du privé mais davantage de créer une filière vertueuse locale qui répondent à nos besoins”

Au-delà des collèges, Christine Téqui confie que “le département a un projet à Saint-Girons, dans le Couserans, pour une cité scolaire (qui dépend du département et de la région) et des bâtiments de la commune de Saint-Girons à chauffer ainsi au bois récupéré, peut-être que le Sdis s’ajoutera à ce projet. Nous en sommes à l’étude de faisabilité. Nous pourrions ainsi créer un réseau de chaleur au bois intégrant plusieurs collectivités.” Elle ajoute : “L’idée n’est pas de créer une industrie de transformation de bois en plaquettes qui relève du privé mais davantage de créer une filière vertueuse locale qui répondent à nos besoins”, résume Christine Téqui qui se chauffe, chez elle, avec un insert au bois. “L’Ariège est une terre de forêts et mon père avait une petite langue de bois. Cette filière bois a du sens, y compris pour nos agents des routes qui les valorisent dans leurs compétences.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) Le stockage à Surba : 4 900 m3 de capacité de stockage sous hangar, 5 000 m3 de capacité de stockage à l’air libre. Une fois la plaquette transformée, elle est séchée sous hangar. Un technicien contrôle régulièrement le taux d’humidité, la granulométrie afin de délivrer un certificat de qualité. L’Agence Locale de l’Energie du Département de l’Ariège (ALEDA) accompagne le Département tout au long de ce processus, depuis la prise de décision jusqu’au suivi des plaquettes dans un objectif global de performance et de qualité.
  • (2) Une plaquette forestière est le résultat du broyage par des engins mécanisés des “broyeurs à couteaux”, elle se présente sous la forme de petit morceaux de bois d’environs 4 cm.
  • Lalimentation de la chaudière bois du collège de Tarascon. La chaufferie bois est Danoise, pays précurseur pour bruler ces combustibles difficiles ! Elle est conçue pour bruler du bois déchiqueté humide et grossier de bord de route. Sa puissance est de 400 kW et son silo peut contenir 80 m3 utile. Son entretien et son suivi peuvent être en partie assurés à distance par la concession et le technicien situés à seulement 30 min ! Elle est dotée d’un filtre permettant de limiter les émissions de particules fines et la benne à cendre est vidée tous les trois ou quatre ans.
  • Le conseil départemental de l’Ariège souhaite installer une deuxième chaudière bois au collège d’Ax les Thermes et créer un réseau de chaleur alimentant l’ensemble des bâtiments de la cité d’Enfontange (logements, école primaire, école maternelle, gymnase, école de musique) propriété de la communauté de communes et de la mairie. Le coût estimé de ce nouvel outil est de 790 000 €.
  • Le conseil départemental est adhérent depuis le 1er juillet dernier de Qualité Bois Energie Occitanie (QBEO) impulsée par l’ADEME. Il s’agit d’une démarche qualité déployée à l’échelle régionale qui vise à mettre en avant les producteurs engagés dans une démarche de progrès.