En Ariège, chasseur blessé, ourse tuée : Enquête ouverte pour « destruction d’une espèce protégée »

Ours dans les Pyrénées. Photo d'illustration : Office français de la biodiversité.

[Mise à jour le 26 novembre 2021] A Seix, dans l’Ariège, la battue aux sangliers tourne au drame samedi quand un groupe de chasseurs tombe nez-à-nez avec une ourse et ses deux oursons. Une enquête est ouverte. La présidente du département réclame que la population de plantigrades soit a minima régulée. De quoi alimenter le bras de fer entre pros et anti-ours. La procureure de Foix indique que le chasseur était possiblement en infraction… Une information judiciaire a été ouverte pour « destruction d’une espèce protégée »

Le drame au bout de la surprise. Un chasseur de 70 ans a été grièvement blessé samedi par une ourse, accompagnée de ses deux oursons. L’homme était, selon ses dires, parti effectuer une battue aux sangliers, dans le Couserans, avec d’autres chasseurs sur les hauteurs de la commune de Seix, en Ariège.

Ce 26 novembre. le parguet de Foix annonce avoir « ouvert une enquete en recherche des
causes des blessures. Ces blessures ont fait l’objet d’un examen médical établissant des morsures à la cuisse gauche, au mollet et au tibia de la jambe droite, entrainant une fracture. L’autopsie de l’ours a matérialisé la présence d’un impact de balle occasionnant une perforation de la
trachée et des poumons de l’animal et une mort quasi immédiate. Les investigations de l’Office français de la biodiversité ont établi que les faits se sont produits à l’occasion d’une battue. Cette action de chasse, au cours de laquelle le tir létal sur l’ours s’est produit, est localisée au moins pour partie dans la zone de la « Réserve Domaniale du Valier ». Cette Réserve,
soumise à des restrictions du droit de chasse, est régie par l’Office national des forêts. En l’état des investigations, des infractions au code de l’environnement liées à l’interdiction de chasser
sur le lieu des faits sont susceptibles d’être relevées. Le parquet de Foix a décidé d’ouvrir une information judiciaire contre personne non dénommée pour le délit de destruction d’une espèce protégée et pour les contraventions de chasse dans une réserve de chasse et de faune sauvage ainsi que de chasse sur le terrain d’autrui sans consentement. La poursuite des investigations, sous l’autorité désormais du juge d’instruction, doit permettre de faire toute la lumière sur les circonstances de ces faits, en particulier concernant l’action de la personne
Dessee. et de cette action de chasse », indique Léa Filippi, substitut du procureur de la République,

Le chasseur “dans un état préoccupant”

Dans leur traque de sangliers, il serait tombé nez-à-nez avec cette ourse qui l’aurait mordue, lui occasionnant de graves blessures, notamment à une artère fémorale. Pour se défendre, le chasseur aurait fait feu une première puis une seconde fois tuant ainsi le plantigrade. Gravement blessé, “dans un état préoccupant”, le chasseur a été hélitreuillé par le peloton de gendarmerie de haute montagne vers l’hôpital de Foix. Il est actuellement soigné au CHU de Toulouse. Une enquête judiciaire a été ouverte sur les circonstances de cet accident, a indiqué la préfecture de l’Ariège.

L’ourse voulait protéger ses petits

“C’était un groupe de quatre chasseurs, évoluant dans une zone totalement autorisée à la chasse”, confie Stéphanie Lefort, sous-préfète de Pamiers. “Je parle au conditionnel, ajoute-t-elle, il y a une enquête menée par la procureur de la République, mais il semble que l’ourse voulait protéger ses petits. Selon les dire des chasseurs, l’ourse aurait attaqué la première. Le chasseur aurait tiré une première fois sans blesser l’animal. Le second tir lui aura été fatal…”

“Nous ne sommes pas étonnés qu’un tel drame ait eu lieu”

Christine Téqui, présidente du Conseil départemental de l’Ariège. photo DR

Contacté, la présidente du département de l’Ariège, Christine Téqui, précise que les faits se sont produits “sur les hauteurs de la commune de Seix, à deux heures de marche du village environ. L’ourse aurait mordu et trainé le chasseur sur trente mètres avant qu’il ne se défende et l’abatte ! Nous ne sommes pas étonnés qu’un tel drame ait eu lieu. C’est une situation grave qui va se renouveler si on ne fait rien. Si on n’est pas entendus. J’ai dit souvent qu’il fallait que l’on attende qu’un accident dramatique arrive pour réagir !”

L’État doit au minimum réguler le nombre d’ours dans les Pyrénées et même en retirer”

Christine Téqui, présidente de l’Ariège

Christine Téqui ajoute : “L’Etat doit au minimum réguler le nombre d’ours dans les Pyrénées et même en retirer. C’est une population qui se reproduit rapidement. Qui n’a aucun prédateur. Sa présence met en danger les promeneurs, les touristes, les gens qui vivent là. Cet été, déjà, certains ont tourné autour d’une cabane pastorale de bergers.” Principalement dans le secteur du massif du Couserans, où il y aurait actuellement une quarantaine de plantigrades. “Va-t-on pouvoir continuer à vivre et travailler dans ce pays ? Va-t-on pouvoir continuer à randonner sereinement ? À faire du VTT ? Maintenant c’est bon, ça suffit ! Ces réintroductions, nous le répétons et le déplorons, se sont faites sans concertation… Or, désormais, mettent des vies en danger. Et on l’avait annoncé ce drame…!”

Programme de réintroduction de l’ours

Ours dans les Pyrénées. Photo d’illustration : Office français de la biodiversité.

Pour la présidente du département de l’Ariège, “la cohabitation est devenue compliqué voire impossible”, a-t-elle précisé. L’ours des Pyrénées étant menacé d’extinction, la France a engagé dans les années 1990 un programme de réintroduction d’ours venant de Slovénie. La plupart vivent dans la partie centrale du massif, notamment en Ariège. “L’Etat français dit vouloir sauver la race d’ours pyrénéens mais tout ça est artificiel : nous n’avons plus que des ours slovènes…”

“La 1er fois depuis 25 ans qu’un ours blesse un homme dans les Pyrénées”

Alain Reynes, Pays de l’Ours

De son côté, Alain Reynes, directeur de l’association emblématique de défense de l’ours, Pays de l’Ours, réagit : “C’est la première fois depuis 25 ans qu’un ours blesse un homme dans les Pyrénées et nous souhaitons qu’il puisse se rétablir rapidement et complètement. Une ourse ne mord pas un homme sans raison. La seule explication possible est qu’elle ait senti ses oursons menacés. Pourquoi ? comment ? c’est impossible à dire sans connaître le déroulement exact des faits. L’enquête, que nous souhaitons rapide et complète, devra établir les circonstances précises ayant mené à la blessure du chasseur et à la mort de l’ourse. Elle seule permettra de tirer les leçons de cet évènement malheureux, par exemple en renforçant la sensibilisation et la formation des chasseurs pratiquant en zone à ours.”

Est-elle l’ourse Caramelles née dans les Pyrénées ?

L’ours est au coeur de la polémique dans les Pyrénées. photo d’illustration.

Alain Reynes ajoute : “Une hypothèse est que cette ourse soit la femelle Caramelles, née en 1997 dans les Pyrénées et repérée cette année avec deux oursons dans ce secteur. Si c’est confirmé, l’histoire se répèterait : Sa mère Mellba a également été tuée lors d’une battue en septembre 1997, alors que Caramelles et son frère Boutxy n’avaient que huit mois.”

Er de conclure : “N’oublions pas en effet que deux oursons orphelins restent maintenant isolés dans le secteur. L’expérience montre qu’ils peuvent se débrouiller seuls à cet âge, à la condition qu’ils soient protégés jusqu’à leur entrée en tanière dans quelques semaines. Nous demandons que l’OFB, Office français de la biodiversité, suive particulièrement ces animaux, que les battues soient suspendues dans le secteur, et nous appelons les chasseurs de la vallée à la plus grande vigilance envers ces oursons inoffensifs et encore fragiles.”

L’Etat revient sur son vaste plan de réintroduction

À sept mois de la présidentielle, L’État avait fini, en septembre, par céder sur le vaste projet de réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, privilégiant désormais la position des opposants à l’ours brun dans les Pyrénées à la Commission européenne qui exige un repeuplement de cette espèce. Les pro-ours, eux, sont dépités.

Début août, la situation était explosive. Comme Dis-Leur vous l’a expliqué, un berger venait d’être attaqué et 56 brebis étaient mortes pour échapper à un ours. C’est dans ce contexte qu’un vaste projet de conservation de l’ours est mis en route. Réensauvagement du territoire, subtilisation de la montagne par le prédateur…

C’était la lecture très critique du projet Life Ours Pyr des élus départementaux de l’Ariège et de la chambre d’agriculture, furieux d’en avoir appris la conception par hasard et qui en demandent à Macron le retrait. “Plus il y aura des ours moins il y aura des troupeaux et des hommes”, alertait il y a six semaines Christine Téqui, présidente du conseil départemental de l’Ariège.

En juin dernier, la présence de l’ours dans les Pyrénées était qualifiée de réussite : la population a été évaluée à 64 plantigrades contre zéro en 1996 en Pyrénées centrales.

Olivier SCHLAMA

Pyrénées, ours, c’est Dis-Leur !

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