Emploi : Retaper des caravanes pour loger des saisonniers et sortir enfin du chômage

Caravane. Image d'illustration.

Dans le Gard, ensemble, quinze communes se battent depuis deux ans pour être labellisées “territoire zéro chômeurs de longue durée” et créer des emplois dans le cadre de projets innovants, comme des mini-villages de caravanes retapées par des chômeurs qui décrocheront, grâce à l’opération, un emploi de salarié en CDI ! Les explications de Frédérique Coudeyre, directrice de l’association Faire, porteuse du projet, et lauréate d’un concours de la Fondation du Crédit coopératif.

“Personne n’est inemployable”, défend ADT Quart Monde. L’ONG n’est pas la seule à le certifier : selon la Dares (Direction de l’animation, de la recherche, des études et de statistiques) appartenant au ministère du Travail, l’expérimentation des territoires “zéro chômeurs de longue durée”, lancée en 2017, est “positive”. Elle doit d’ailleurs s’étendre dans de nombreux départements en France. Pour l’heure, on compte plusieurs dizaines  zones labellisées allant de 5 000 à 10 000 habitants où des chômeurs de longue durée peuvent être embauchés en “CDI garanti” et en temps dit « choisi », forcément au Smic, par des entreprises “à but d’emploi” ou EBE (1), qui oeuvrent exclusivement dans une sphère de non-concurrence ; ce sont des “emplois complémentaires”. Pour aller plus loin, lire ICI.

La commune de Saint-Jean-du-Gard pilotera le projet

C’est dans ce contexte qu’une quinzaine de communes du Gard travaillent “depuis deux ans” à l’obtention de ce label “territoires zéro chômeurs de longue durée” à titre expérimental, représenté par une même entité ad hoc. “Elle va s’appeler Territoires Vallées Cévenoles et englober notamment deux communautés de communes. C’est la commune de Saint-Jean-du-Gard qui pilotera cette EBE, explicite Frédérique Coudeyre, directrice de l’association Faire. Porteuse du projet et partenaire principal de cette initiative, cette dernière oeuvre, depuis Saint-Hilaire-de-Brethmas (Gard), à l’insertion de personnes très éloignées de l’emploi. “Une centaine de personnes sont ainsi accompagnées chaque année avec un taux de réussite (entrée en emploi ou en formation qualifiante) de 40 %” (2).

Potager partagé, transformations de produits agricoles…

Dans ce cadre très singulier, ce sont les chômeurs longue durée qui “créent leur emploi en quelque sorte, en formulant la proposition d’un poste en CDI à l’EBE. Pas question qu’on leur propose un métier dont ils ne veulent pas, comme maçon parce que le marché en demande. Parmi les emplois et les projets émergents, on peut citer la création d’un conservatoire de poules qui rassemblerait différentes races pour qu’elles ne disparaissent pas ; un potager partagé ; travailler dans la transformation de produits agricoles, etc. C’est aussi du temps choisi : le postulant peut choisir de ne travailler qu’à temps partiel.”

“En fait cette EBE Territoires Vallées Cévenoles centralisera plusieurs idées pour la réinsertion des chômeurs de longue durée. Comme,n tout aussi simple qu’innovant, l’idée de retaper des caravanes en fin de vie ! Remettre en état des caravanes pour ensuite les proposer à la location à des saisonniers, notamment dans l’hôtellerie-restauration qui en manque cruellement.

Mini-villages de caravanes pour saisonniers

D’une pierre deux coups : cela sortira des chômeurs de longue durée d’une situation difficile – puisqu’ils seraient donc en CDI signé par la EBE – et cela permettrait aussi de répondre à un manque de personnels pour nombre d’établissements du secteur. “L’idée, prolonge Frédérique Coudeyre, c’est de proposer un logement peu onéreux aux saisonniers dans ce que nous appelons un mini-village de caravanes sur des terrains prêtés par les communes incluses dans le périmètre de l’expérimentation. Il y aurait six caravanes en tout dont cinq habitables de deux à six mois par deux à quatre saisonniers. La sixième servirait de lieu de vie pour l’ensemble des saisonniers. C’est une idée simple qui, à notre connaissance, n’existe pas ailleurs et qui pourrait être facilement dupliquée, dans un second temps, au moins dans le Gard, par exemple jusqu’au Grau du Roi”, station balnéaire grosse pourvoyeuses d’emplois saisonniers l’été.

Il s’agit de démontrer que les acteurs ont identifié des activités suffisantes pour créer cette entreprise à but d’Emploi…”

Ces aides de l’Etat durent cinq ans. À charge pour l’entreprise EBE de rendre le projet viable au-delà des cinq ans. “Il s’agit, argue Frédérique Coudeyre, de démontrer que les acteurs ont identifié des activités suffisantes pour créer cette entreprise à but d’Emploi. Qui pourra être pérenne au-delà des cinq années suivant l’expérimentation et le versement des aides dédiées et donc devenir autonome par la vente de ses produits. La vallée d’Anduze-Saint-Jean-du-Gard concentre 7 % de la population de l’agglomération, une identité historique cévenole forte ainsi que la situation géographique ont favorisé le maintien d’un environnement préservé et le développement d’une économie touristique à dominante tourisme vert.”

Bambouseraie, train à vapeur, grotte de Trabuc…

Dans ce coin béni du Gard, outre les spots touristiques de haute saison, on trouve aussi de quoi la prolonger : la bambouseraie d’Anduze, le train à vapeur des Cévennes ; la Maison rouge ; le Musée des vallées cévenoles ; la grotte de Trabuc… Et les besoins en main d’oeuvre dans l’hôtellerie-restauration y sont particulièrement importants.

Manque de logement et manque de main-d’oeuvre

Frédérique Coudeyre (au centre), directrice de l’association Faire, porteuse du projet, reçoit le prix de l’Inspiration le 23 juin de la Fondation du Crédit coopératif. DR

C’est dans ce cadre-là que l’association Faire a reçu le 2e prix régional de l’Inspiration parmi 46 candidatures en Occitanie, de la Fondation Crédit coopératif (3) qui récompense des “structures de l’ESS engagées dans des projets utiles et socialement remarquables partout en France”. L’enjeu a été validé. “Après enquête auprès des restaurateurs, des propriétaires de débits de boissons et des hébergeurs de tourisme de Saint-Jean du Gard, il apparaît que le manque de main-d’œuvre saisonnière dans les secteurs du service hôtel-restaurants est important, notamment à cause des problématiques de logement pour des personnes venant de l’extérieur. Les nuits d’hôtel, les emplacements de campings et autres hébergements sont loués par les vacanciers, ce qui ne permet pas à cette main d’œuvre essentielle de pouvoir s’installer temporairement.”

Multiplier les sources de financement

La Fondation du Crédit Coopératif a octroyé 4 000 € à l’association Faire, de quoi commencé à acheter les caravanes à retaper. “Dans un premier temps, nous avons besoin d’environ 7 000 €. Nous allons bien sûr chercher d’autres sources de financement, y compris auprès des communes qui soutiennent déjà ce projet”, précise Frédérique Coudeyre. Les promoteurs de cette belle idée espèrent aussi que les restaurateurs qui emploieront ces futur ex-chômeurs de longue durée donneront aussi un peu d’argent pour les aider à payer leur loyer dans la caravane.

“Un très gros projet” avec l’École des Mines d’Alès

Cette belle entreprise pourrait donc voir le jour début 2023. C’est aussi l’objet de tout un travail mené en coulisses avec l’agence de développement Alès Myriapolis et la commune de Saint-Jean-du-Gard pour mener ce dossier à bien et être labellisée “Territoire zéro chômeur de longue durée”. “Nous devrions être en mesure de déposer ce dossier d’ici la fin de l’année pour entrer dans la phase opérationnelle début 2023. Nous avons bien sûr commencé à travailler sur les projets, comme celui des caravanes à retaper…”

Ce n’est pas tout. “Nous avions un très gros projet que nous travaillons avec l’École des Mines d’Alès, dévoile Frédérique Coudeyre. Celui de la récupération de textiles usagés en tout genre (tissus, habits…) Il s’agira de les broyer et de les transformer de sorte qu’ils entrent dans la composition de produits servant à la construction d’habitation et du bâtiment. Il y a de très gros besoins dans ce domaine…”

Olivier SCHLAMA

  • (1) L’expérimentation TZCLD lancée en 2017 sur dix territoires pilotes cherche à résorber le chômage de longue durée en proposant aux chômeurs de longue durée des contrats à durée indéterminée (CDI) rémunérés au SMIC au sein d’Entreprises à But d’Emploi (EBE). Les activités réalisées par les EBE sont nombreuses (recycleries, épiceries sociales et solidaires, maraîchage) et sont censées répondre aux besoins des territoires sur lesquelles elles sont implantées. L’expérimentation a été reconduite en 2020 et élargie à 50 nouveaux territoires. Les EBE bénéficient d’aides au poste mais également d’aides au démarrage et au développement de leur activité.
  • (2) l’association Faire gère des chantiers d’insertion pour personnes très éloignées de l’emploi. Dans la restauration du patrimoine (murs, calades…) Elle oeuvre surtout dans le secteur du textile avec deux ateliers et une boutique.
  • (3)  Lancés il y a plus de 37 ans par la Fondation Crédit Coopératif, les prix de l’Inspiration en ESS récompensent, en 2022, 60 structures sélectionnées par les Comités des sociétaires du Crédit Coopératif. Parmi les lauréats, 42 sont également primés au niveau régional et 4 le seront à l’échelle nationale. Chaque année, la Fondation alloue près de 300 000 euros aux prix et à la promotion des projets des lauréats.

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