Économie : Le couteau LeLozère, la fine lame des circuits courts

La reprise d’une coutellerie emblématique est l’occasion de mesurer le dynamisme de ce territoire “où tout est possible”, selon Nicolas Mourgues, entrepreneur en reconversion professionnelle qui a repris cette fabrication avec la volonté de l’inscrire dans son terroir. Un exemple de réussite en circuit court avec 900 couteaux vendus en quelques mois saluée par de nombreux responsables dont Sophie Pantel, présidente du département.

Le couteau LeLozere tranche des habituelles lames classiques. Inventé en 1993, c’est-à-dire hier pour les amateurs éclairés, il a su trouver sa place au Panthéon des canifs, sans être à couteaux tirés avec ses concurrents. Il arbore une lame découpée au laser – une rareté il y a 30 ans – un “trempage cryogénique” et un manche en bois. Sans oublier un design, tout en simplicité et en élégance, comme l’est ce département rural. Il possède surtout un système d’ouverture unique et ingénieux, breveté, caché dans la lame, ce qui en fait un couteau atypique et très léger qui surprend dans la pogne, d’à peine 35 grammes. Ce modèle iconique porte le nom de Randonnée (85 €).

Un mécanisme innovant à ressort de lame

“C’est un mécanisme innovant à ressort de lame qui n’est pas apparent, précise Nicolas Mourgues, néo-coutelier qui vient de reprendre l’activité. Habillement monté sur un manche monobloc bois, il marque la création du premier modèle du couteau LeLozère. Signé de l’exceptionnelle ingéniosité de son mécanisme, LeLozère, marque son territoire et s’impose pendant près de 30 ans au milieu des grands.”

En 2017, le futur repreneur reçoit un Lelozère pour ses 40 ans, en 2017. Il en tombe amoureux au point d’en offrir une dizaine en quatre ans à des proches ! C’est en voulant en acheter un onzième qu’il s’aperçoit que la production s’est arrêtée. “En transition professionnelle”, il décide alors de reprendre l’activité, après avoir vendu les parts de son ancienne société de ressources humaines.

“A minima 100 % français et le plus lozérien possible”

En quelques mois, Nicolas Mourgues, 44 ans, est passé de client inconditionnel à fabricant reconditionné. De spécialiste en formation et en ressources humaines conseillant les PME à l’envi (il fut codirigeant de Human Booster) à apprenti coutelier formé et conseillé par un couple d’inventeurs passionnés, les époux Neveux, Yves et Joëlle, dont le mari, ingénieur, inventa de nombreux couteaux et décide récemment de passer la main. Nicolas Mourgues a donc repris le flambeau et la fabrication de ces couteaux emblématiques. “Yves Neveux m’a formé et continue de le faire ; pour l’instant, le manche en bois est pré-fabriqué et la lame est découpée à Thiers, berceau de la coutellerie, et une partie vient d’Espagne. Mon projet est d’en faire un couteau à minima 100 % français et si possible avec le plus d’éléments issus de Lozère.” Une fine lame des circuits courts.

“Un couteau au milieu des autres, pas parmi les autres”

Parmi les bois utilisés, olivier, châtaignier, chène vert, pistachier, bouleau, frêne, genevrier, certaines de ces essences sont présentes et donc exploitables en Lozère. “Je me suis déjà, par exemple, rapproché, entre autres, de l’entreprise Mercorne à Langogne, une coutellerie de renom, pour commencer à me fournir chez eux. J’en suis au prototypage d’un nouveau modèle en bois stabilisé, corne ou résine…”

Son dynamisme et son authenticité ont fait le reste. Car même si les pièces sont pré-usinées, il y a “beaucoup de travail et d’étapes dans mon atelier avant de le proposer à la vente. Petit à petit il arrive à accélérer la cadence atteignant 50 couteaux en quatre jours.” Nicolas Mourgues connaissait, certes, cet Eldorado lozérien pour entrepreneurs et son écosystème efficace qui sait rendre les espoirs simples à réaliser pour peu que l’on ait soif de réussir. “C’est un couteau au milieu des autres, pas parmi les autres”, formule l’entrepreneur.

“De l’autre côté de la barrière…”

Comme formateur, détaille-t-il, j’avais déjà travaillé avec Pôle emploi, la CCI de Lozère ou les agences de développement économique de la Région ou de Lozère, quand j’étais à la tête de ma société de formation, pour former, çà et là, des personnels de boîtes déjà importantes de 150 ou 200 salariés. Mais là c’est différent : je suis passé de l’autre côté de la barrière… ! Mais même si je n’étais éligible à aucune aide, chaque structure m’a aidé, challengé, amélioré…”

Il a su “fédérer de nombreux acteurs économiques” 

Nicolas Mourgues ajoute : “Par leurs actions de conseil et de mises en relation, avec l’ambition de travailler un projet Made in Lozère, en quelques mois, le couteau LeLozère à su fédérer de nombreux acteurs économiques pour travailler sur la conception et la distribution de son premier modèle. Fournisseurs de bois et d’usinage (Scierie Bonhomme Denis, Mercorne, Atelier design bois et dérivés), prestataires spécialisés en communication (AFA Multimédia, Lozère Sauvage), distributeurs, et  de nombreux soutiens enthousiastes d’amateurs de couteaux.”

La Lozère, c’est un vrai laboratoire qui sait allier l’essentiel et développer une ingéniosité folle”

Aujourd’hui, Nicolas Mourgues éprouve tous les avantages d’un territoire qui a, de son côté, toujours besoin de se peupler davantage et de fortifier son tissu économique. Un territoire tout en contraintes et en solutions. “On peut prendre rendez-vous facilement avec un maire ou un responsable. La Lozère, c’est un vrai laboratoire qui sait à la fois allier l’essentiel et développer une ingéniosité folle”, définit Nicolas Mourgues. Du coup, “tout est possible en Lozère !” Autour de ce couteau de 35 petits grammes, officiellement présenté, mardi 16 novembre devant tout ce que ce cher département possède de bonnes fées économiques, que d’enjeux de poids symboliques !

Déjà 900 couteaux vendus depuis juillet

Ce couteau est aussi un objet qui rapproche ! Son nom n’accole-t-il pas l’article défini et le nom de son département : Lelozère. “Depuis le 1er juillet, nous avons déjà vendu 900 couteaux !” lance Nicolas Mourgues qui a réussi cet exploit sans avoir encore lancé un site de e-commerce ; ni créé son atelier définitif qu’il ouvrira au printemps 2022 à l’Hermet – actuellement provisoirement dans un garage dans le Puy-de-Dôme ! LeLozère est né à Saint-Roman de Tousque vallée française. Nicolas Mourgues poursuivra sa fabrication dans un corps de ferme familiale qu’il réhabilite au lieu dit de l’Hermet sur la commune de Saint-Jean-La-Fouillouse.

Bientôt un site de e-commerce

Déjà 900 couteaux vendus sans site de e-commerce ni de commis voyageurs. Juste par le bouche-à-oreille et en allant démarcher des revendeurs, plutôt atypiques comme son produit. “Je suis référencé dans 25 lieux déjà”, confie-t-il encore. Dans des lieux incontournables du tourisme, bien sûr, comme l’aire de la Lozère, mais aussi ici dans une belle charcuterie de village à Châteauneuf ; là un magasin où l’on trouve le fromage des copains, le saucisson du crû. Comme celui, la Sout des Cévennes, au pied du Pont-de-Monvert, qui cherchait justement un couteau aussi authentique que ses victuailles en circuit très court. Là aussi, la distribution par capillarité locale est disruptive.

“Avec LeLozère, on emporte un peu de la Lozère avec soi !”

Les couteaux outillent l’humanité depuis la nuit des temps. Nicolas Mourgues dit : “Les gens ont une vraie déférence envers le couteau, surtout quand c’est un bel objet. Il symbolise aussi le partage et la convivialité. Et l’identité d’un territoire. Comme un Laguiole ou un couteau de Thiers. Avec LeLozère, on emporte un peu de la Lozère avec soi !” Il explique aussi, savamment mais sans prétention, qu’il existe deux sortes de couteaux. Les traditionnels qui s’inscrivent dans la lignées des artisans d’art historiques de génération en génération et des couteliers et les disruptifs, version technologique, dans lesquels il se range.

“Comment vivre en Lozère, sans usine de production tout en exploitant un savoir-faire reconnu…?”

Riche d’une longue expérience en milieu industriel (Yves Neveux a inventé des machines-outils à plusieurs millions d’euros) les Neveux s’installent en 1993 au cœur des Cévennes. “Mais comment vivre en Lozère, sans usine de production tout en exploitant un savoir-faire reconnu… ? Le couple imagine alors créer une activité ne nécessitant que de raisonnables moyens de production, rembobine Nicolas Mourgues. Un atelier “à taille humaine”, des contraintes logistiques “maîtrisables”, un produit laissant la place à la créativité : Le projet de coutellerie Bastide voit ainsi le jour ! Yves Neveux est avant tout un inventeur : son modèle économique était de créer un couteau, en faire 400 ou 500 exemplaires et d’en inventer un autre en arrêtant le précédent. Ils avaient leurs propres magasins et vendaient aussi dans les salons auprès des collectionneurs, notamment.” 

Une demande d’un restaurant étoilé

L’ouverture du site de vente en ligne www.lelozere.fr le 30 novembre et l’approche des fêtes de Noël devrait permettre de passer la barre des 1 000 exemplaires vendus en six mois. Aujourd’hui, la gamme du couteau LeLozère s’appuie sur le modèle Randonnée proposé en différentes essences de bois. Un couteau pliant (Gamme Passion) intégrant sur une puce un certificat d’authenticité numérique (Puce NFC) et un couteau de table viendront compléter l’offre début 2022. “Chez Cyril Attrazic (Camillou), on m’a déjà demandé si j’envisage de produire un couteau de table. Je vais le faire et je pense le proposer à environ 140 €”, précise Nicolas Mourgues.

À terme, l’entrepreneur souhaite proposer au travers de sa collection un voyage à travers  les différents territoires de la Lozère avec quatre nouveaux modèles : Margeride, Causses, Cévennes et Aubrac.

Olivier SCHLAMA

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