École : En CP et CE 1, les élèves retrouvent leur niveau d’avant-crise mais…

L'école à la maison est finie mais les inégalité demeurent. "Les écarts entre élèves d'écoles primaires hors et dans les réseaux prioritaires sont importants avec 26,9 % de différence dans la compréhension de la lecture et 19,7 % dans la résolution de problèmes mathématiques, pointe Guislaine David, porte-parole du Snui-PP. Ce sont des données essentielles pour la réussite de la 6e." Photo : Olivier SCHLAMA

Ce sont les évaluations nationales et régionales de septembre 2021 qui le disent : les élèves ont retrouvé leur niveau d’avant la crise sanitaire. Un vrai soulagement. Mais le chantier de la résorption des inégalités avec les élèves en zone d’éducation prioritaire est plus que jamais d’actualité. Comme le souligne la porte-parole nationale du SNU-IPP, Guislaine David.

La crise du covid-19, ses confinements avec plusieurs mois d’école à la maison, ses angoisses auront-ils des effets à long terme ? Les parents, comme les enseignants, avaient cette lancinante question en tête. Les premières évaluations des élèves sont plutôt rassurantes. Depuis 2018, le ministère de l’Éducation nationale organise à chaque rentrée scolaire ces évaluations en français et en mathématiques. Pourquoi évaluer ? Pour avoir un repère “sûr et précis”, complétant leurs propres outils d’évaluation et leur permettre, grâce au bilan individualisé, d’adapter leur enseignement à ceux qui rencontrent des difficultés.

Les évaluations ont permis de déceler des difficultés

Ainsi, en 2021, “55 % des professeurs des écoles déclarent que les évaluations des élèves leur ont permis de déceler des difficultés de leurs élèves”, indique le ministère. Le taux de participation a atteint plus de 99 % en CP-CE1 et 95 % pour les 6e, des élèves dont le niveau aurait moins baissé. Leurs résultats sont en légère hausse depuis 2017 en français. En maths, cette hausse sur cinq ans ne concerne que les élèves hors éducation prioritaire. Même si entre 2020 et 2021, les REP + augmentent de 4,8 points en français et de 3,8 points en maths.

Le niveau de 2019 retrouvé et parfois dépassé

Quand les parents faisaient l’école à la maison lors des confinements. Photo : Olivier SCHLAMA

Après avoir connu une baisse en 2020, le niveau des élèves “est revenu au niveau de 2019 et l’a même dépassé dans plusieurs compétences (comme la reconnaissance des lettres et la connaissance des nombres en CP ou encore en résolution de problèmes en CE1).”  Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, s’en était réjoui dans le scolonnes du Parisien : “En primaire, l’effet négatif du confinement sur les apprentissages a été gommé”, avait-il expliqué. Autre point de satisfaction pour le ministère : les écarts, qui s’étaient creusés entre élèves en éducation prioritaire et les autres en 2020 sont presque revenus à leur état de 2019, en CP comme en CE1.

Progrès en lecture et dans les nombres dans l’académie

Dans l’académie de Montpellier, on se félicite des mêmes constatations rassurantes : “Le niveau des élèves de CP de 2021 est même supérieur à celui des élèves de 2018, par exemple en reconnaissance des lettres (la proportion d’élèves maîtrisant ce domaine de manière satisfaisante progresse de 56 % en 2018 à 59,9 % en 2021) et en écriture des nombres (progrès de 80,7 % à 87,6 %)”, explique-t-on.

L’académie de Montpellier ajoute : “Le niveau des élèves de CE1 de 2021 est même supérieur à celui des élèves de 2018, par exemple en lecture de mots à voix haute (la proportion d’élèves maîtrisant ce domaine de manière satisfaisante progresse de 65,8 % en 2018 à 72,8 % en 2021) et pour l’écriture de nombre entiers (progrès de 68 % à 74,2 %).”

Notre système éducatif toujours… inégalitaire

Photo d’archive – D.-R.

Certes, selon ces évaluations, le système éducatif français a, semble-t-il, réussi à encaisser le choc de cette crise sanitaire, réduisant un peu les écarts avec les établissements en zone en éducation prioritaire. Pour autant, notre système est toujours profondément inégalitaire. La maîtrise des compétences-clés en français et en mathématiques, entre autres, peut varier beaucoup selon que l’élève sera ou non dans une zone prioritaire. Cela se confirme lors du passage des élèves en classe de 6e, notamment grâce au test dit de fluence en lecture : En REP +, environ un tiers des élèves de 6e lisent moins de 90 mots par minutes, soit un niveau de fin de CE2… Et seulement 30 % de ces enfants de 11 ans atteignent le seuil de 120 mots par minute de lecture contre 50 % pour les élèves hors zone prioritaire.

On ne travaille pas la compréhension, ni sur le sens, y compris implicite des phrases. On a des élèves qui lisent vite mais sans comprendre ce qu’ils lisent !

Guislaine David, porte-parole du SNU-IPP

Porte-parole du SNU-IPP, principal syndicat d’enseignants, Guislaine David fait la moue : “Depuis qu’il est arrivé au ministère, Jean-Michel Blanquer n’a que cette idée en tête : déchiffrer les nombres et acquérir la fluidité de lecture. Alors, il a fait éditer des guides et des guides qui vont au-delà des programmes auxquels les professeurs doivent se référer en classe. C’est la méthode officielle, le mode de pensée de Blanquer. Ces compétences-là sont travaillées par les enseignants. Le problème c’est que l’on ne travaille pas la compréhension, ni sur le sens, y compris implicite des phrases. On a des élèves qui lisent vite mais sans comprendre ce qu’ils lisent ! Or, chacun a sa vitesse de compréhension.”

Revenir au dispositif plus de maîtres que de classes

Guislaine David, porte-parole du Snuipp. écoles. Instits. Photo : ©Millerand/NAJA

Guislaine David pointe même le fameux dédoublement des CP/CE1 : “Cette mesure n’a pas du tout réduit les inégalités”, dit-elle. La syndicaliste préconise de revenir au dispositif Plus de Maîtres que de classes, qui, selon elle, avait fait ses preuves. Il s’agissait d’avoir un enseignant de plus dans l’école qui viennent là permettre un travail en petits groupes ; ici décharger l’enseignant ; là encore de participer à un réseau d’aide, etc. “Et il faut aussi rétablir ces enseignants spécialisés des Rased qui ont été supprimés. Leur rôle – repérer et aider les élèves en difficulté – était essentiel…”

“Les écarts entre élèves d’écoles primaires hors et dans les réseaux prioritaires sont importants”

Sur les résultats généraux des évaluation, Guislaine David souligne qu’il “n’y a pas lieu de crier victoire : la seule chose que l’on peut remarquer c’est que les élèves ont eu une année complète pour travailler sans confinement, ce qui leur a fait rattraper le retard.” Quant aux inégalités à l’école primaire, elles sont flagrantes : “Les écarts entre élèves d’écoles primaires hors et dans les réseaux prioritaires sont importants avec 26,9 % de différence dans la compréhension de la lecture et 19,7 % dans la résolution de problèmes mathématiques. Ce sont des données essentielles pour la réussite de la 6e.” On accumule les difficultés quand on ne comprend pas un texte d’histoire-géographie au collège, par exemple. Et après…

Olivier SCHLAMA

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