Culture : L’Hexagone compte 7 300 festivals, dont 900 en Occitanie

La France et l’Occitanie sont largement parcourues de festivals. Une dynamique qui entre dans le marketing territorial des collectivités – avec le cas emblématique de Sète – tout heureuses de mettre en avant une image positive de leur territoire à moindre coût : ces manifestations n’existent que par la participation de milliers de bénévoles. Mais l’aide financière des collectivités peut être remise en cause régulièrement, ce qui en fait un point de fragilité. C’est ce que révèle une étude inédite du ministère de la Culture coécrite par un universitaire Montpelliérain.

Les festivals font désormais partie de notre quotidien. L’année 1981 marque un tournant dans la politique culturelle française. La Fête de la Musique, sous Jack Lang, ministre-phare de François Mitterrand, en est peut-être la plus emblématique qui a ouvert la voie à une grande diversité culturelle.

Quarante ans plus tard, on ne compte pas moins de 7 300 festivals dans l’Hexagone dont plus de 900 pour la seule Occitanie ! Pour la première fois, des spécialistes en ont établi une ambitieuse cartographie avec 2019 (2018 pour les biennales) comme année de référence (1) réalisée par le ministère de la Culture intitulée Les festivals entre l’éphémère et le permanent, une dynamique culturelle territoriale ? Le festival va de la traditionnelle fête de village améliorée à la manifestation qui accueille des stars. Ce sont des manifestations qui ont singulièrement souffert, notamment pendant la crise sanitaire, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Quatre festivals sur dix sont des festivals de musique

Concert pour violoncelle seul, le le samedi le 30 juillet en la Basilique Saint-Fris..; Photo ©Les Amis du Bach Festival Gers

Qu’en concluent-ils, ces spécialistes ? Que “plus de quatre festivals sur dix sont des festivals de musique et que près de la moitié ont été créés au cours de la dernière décennie et près de quatre sur dix se déroulent au cours de la saison estivale. L’histoire, les esthétiques de prédilection et l’héliotropisme expliquent les variations de leur présence selon les régions”.

En ajoutant : “Si les départements urbains comptent un plus grand nombre de festivals, les départements ruraux disposent d’une offre riche rapportée à la population. Enfin, l’offre festivalière repose souvent sur un réseau d’acteurs et d’établissements culturels qui œuvrent toute l’année. La dynamique festivalière est donc tout à la fois éphémère et durable, car complémentaire d’une irrigation culturelle territoriale inscrite dans la permanence.”

L’Occitanie regroupe 12 % des festivals français

Avec, chacune, plus de 900 festivals sur leur territoire, les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie rassemblent plus du tiers des 7 300 festivals : 13 % des festivals ont lieu en Auvergne-Rhône-Alpes, 13 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur et 12 % en Occitanie. Avec la Nouvelle-Aquitaine qui compte près de 830 festivals sur son vaste territoire, ces quatre régions rassemblent la moitié des festivals recensés à l’échelle nationale, mais 37 % de l’ensemble de la population.

L’influence du nombre de jours de soleil

Rapportée à la population régionale, la carte de la répartition des festivals dessine toutefois une réalité différente : la Corse devient la région la plus riche en matière de festivals avec 20 manifestations pour 100 000 habitants, suivie de Provence-Alpes-Côte d’Azur (19 festivals pour 100 000 habitants) – venant ainsi confirmer l’influence héliotropique, le nombre de jours de soleil. La Bretagne et la Bourgogne-Franche-Comté comptent, quant à elles, respectivement dix-huit et seize festivals pour 100 000 habitants et le Centre-Val de Loire.

Dans ces régions, le dérèglement climatique accentue le risque que des chaleurs trop intenses compromettent l’organisation d’événements à ces dates”

“On observe ainsi un effet de saisonnalité manifeste : festival rime avec saison estivale. La douceur du climat, qui autorise les directeurs et directrices à programmer plus facilement des événements dans l’espace public extérieur plutôt qu’en intérieur, et l’attractivité touristique de ces régions qui accueillent chaque été des milliers de touristes étrangers et des excursionnistes français, expliquent en grande partie ce phénomène de polarité du Sud, mais aussi d’une région littorale comme la Bretagne en matière de festivals estivaux.” Cette géo-saisonnalité pose, aujourd’hui et encore davantage à plus long terme, la question de la soutenabilité des événements. Et de dire : “Dans ces régions, le dérèglement climatique accentue le risque que des chaleurs trop intenses compromettent l’organisation d’événements à ces dates.”

38 % des festivals se déroulent pendant l’été

Par Cromwell et Josepe, l’affiche de ce 26e festival BD de Sérignan

En moyenne, sur l’ensemble du territoire, les festivals sont programmés au cours de la saison estivale (38 %) ou en avant-saison (35 %), mais moins souvent au cours des quatre derniers mois de l’année (27 % entre le 6 septembre et le 31 décembre).

Parmi les raisons de cette extension dans le temps de la programmation festivalière, on peut avancer les deux suivantes. La première est que l’espace événementiel est en partie saturé l’été, et que les promoteurs de nouveaux festivals n’y ont plus de créneau disponible, sauf à se livrer à une concurrence à haut risque pour chacun.

Le cas emblématique de Sète

“L’un des cas emblématiques de ce phénomène est la ville de Sète qui voit, l’été, les événements se succéder sans répit. L’une des conditions pour exister peut donc être de chercher des créneaux temporels moins denses en festivals. En avant-saison ou en arrière- saison, ceux-ci peuvent en outre parier sur une certaine migration des pratiques touristiques vers ces périodes, mais aussi sur la présence des publics locaux. La seconde raison a trait au renforcement des liens entre festivals et acteurs sociaux et culturels établis sur les territoires tout au long de l’année (conservatoires, médiathèques, organismes sociaux et éducatifs), constaté dans l’étude SoFest !”

Autre enseignement, près de la moitié des festivals ont été créés au cours de la dernière décennie. Certains, considérés comme emblématiques dans leur domaine de programmation selon la typologie des sept familles de festivals établie, existent depuis plusieurs décennies et doivent leur caractère emblématique à leur notoriété et à leur place dans l’histoire culturelle. C’est, par exemple, le cas des Chorégies d’Orange pour l’opéra et la musique classique, créées en 1869 et relancées en 1971, du Festival de Cannes pour le cinéma, fondé en 1939, du Festival d’Avignon pour le théâtre, créé en 1947, auquel Dis-Leur a consacré un dossier complet ICI, ou encore des Rencontres européennes de la photographie d’Arles qui fêtaient cette année leur cinquante-troisième édition. Et En moyenne, sur l’ensemble du territoire, les festivals de spectacle vivant (théâtre, danse, arts de la rue, arts du cirque, marionnettes) comptent pour 22 % de l’ensemble des festivals.

Offre importante dans l’Hérault et la Lozère

Une vue du Festival Molière, quand la scène est au coeur de la cité… Photo PANORAMIX

Si l’on zoome encore plus près, au niveau départemental, on se rend compte d’un plus grand nombre de festivals dans les départements urbains. “En valeur absolue, explique encore l’étude inédite, on retrouve dans le peloton de tête des départements les mieux pourvus en offre festivalière neuf départements urbains. Les Bouches-du-Rhône, département qui abrite la deuxième ville de France, Marseille, en matière de population, comptent le plus grand nombre de festivals (plus de 305), soit quelques-uns de plus que Paris (298), devant le Var (193), le Rhône (département et métropole de Lyon groupés, 183), l’Ille-et-Vilaine (184), la Gironde (180), les Alpes-Maritimes (179), l’Hérault (154) et le Vaucluse (151). À l’autre extrémité du spectre, il y a les départements qui comptent moins de 30 festivals dont la Lozère”.

Gers, Lozère, Aude, Lot, Ariège

L’étude a aussi examiné les festivals par rapport à la population. Le constat est tout autre : les départements ruraux proposent “une offre plus importante que leurs homologues urbains, avec notamment un département qui sort du lot : les Hautes-Alpes (47 festivals pour 100 000 habitants), puis le Gers, la Creuse, la Lozère, l’Aude, la Nièvre, le Lot, les Côtes-d’Armor, l’Indre, la Corse du Sud, les Alpes-de- Haute-Provence et l’Ariège, qui, tous, comptent 20 à 30 festivals pour 100 000 habitants. Par comparaison, ce ratio est de 15 festivals pour 100 000 dans les Bouches-du-Rhône, département le plus pourvu”.

L’importance des bénévoles

Joe Jackson au théâtre de la Mer dans le cadre de Jazz à Sète, en 2019. Photo : Olivier SCHLAMA

“Fédérateur, synonyme de moment festif, le festival participe ainsi pleinement de l’irrigation culturelle du territoire” : les collectivités territoriales l’ont très bien compris et en ont fait, pour certains d’entre eux les plus célèbres, un instrument de marketing territorial, accolant le nom de la collectivité à celui du festival. Ils reposent grandement sur l’engagement bénévole, “les festivals sont le plus souvent des structures souples qui épargnent aux collectivités la charge financière de fonctionnement d’un équipement culturel, ce qui explique aussi l’engouement des collectivités à les soutenir – tant que la conjoncture économique reste favorable”.

Aménagement culturel à faible coût

Ces mêmes collectivités “y voient là une forme d’aménagement culturel à faible coût pour les finances publiques” (…) “Il reste que cette souplesse perçue comme un atout peut s’avérer une faiblesse, en cas de retournement de conjoncture économique : le soutien par la subvention n’engage pas la collectivité de façon pluriannuelle et peut être remis en cause à chaque changement de mandature, par exemple, remettant en jeu la survie du festival”

Une étude qui reste à compléter

Cette cartographie des festivals a été un travail titanesque. Qui devra être complété pour évoquer les festivals disparus à cette date. “La photographie que la carte représente est forcément limitée à un moment, qui ne nous dit rien non plus des mouvements en cours. Or il se crée, même dans un contexte aussi morose que l’actuel, des dizaines de nouveaux festivals qu’une nouvelle cartographie viendra sans doute recenser et analyser.”

La création, la disparition, la territorialisation des festivals : tel est le triptyque du chantier qu’il reste à mener”

Enfin, les auteurs de l’étude le disent clairement : “Nous savons trop peu de choses sur les dynamiques de création de festivals, ce qui les motive, et sur celles et ceux qui les incarnent. Nous ne savons presque rien sur ces événements qui ont quitté la scène, et les raisons de leur disparition. Et si nous avons beaucoup d’exemples témoignant de l’enracinement des événements (par leurs partenariats, leur présence récurrente, les liens qu’ils tissent plus ou moins avec les sociétés locales), nous manquons d’éléments sur les atouts et les contraintes que vivent un festival et un territoire lorsqu’ils associent leur destin. La création, la disparition, la territorialisation des festivals : tel est le triptyque du chantier qu’il reste à mener.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) La cartographie nationale a été réalisée par France Festivals, le Centre d’études politiques et sociales (Cepel) et le DEPS. Elle a été réalisée par Edwige Millery, Emmanuel Négrier , Stéphane Coursière respectivement chargée d’études au ministère de la Culture (DEPS), directeur du Centre d’études politiques et sociales (Cepel) à l’université de Montpellier et ingénieur cartographe, CNRS, Cepel.
  • Question méthodologie, il fallait que chaque festival retenue ait cumulé au moins deux éditions, se dérouler pendant un temps limité, mais sur plus d’une journée, proposer au moins cinq représentations, concerts, animations ou projections, selon le domaine du festival (musique, spectacle vivant, cinéma, salon du livre…)

Festivals : le riche exemple de l’Occitanie

L’Occitanie est l’une des régions les plus riches en nombre d’événements. “Le fait métropolitain, croissant (Toulouse et Montpellier, mais aussi la bande littorale méditerranéenne), n’empêche pas une distribution assez homogène des événements sur l’ensemble du territoire régional, avec ses espaces prolifiques (le littoral, précisément), mais aussi des espaces moins couverts par la présence d’événements (le sud-est du Tarn, le sud de l’Aveyron).” Un premier constat à même d’alimenter les débats sur l’offre culturelle à laquelle répondent la création et le développement des festivals.

Cœur-de-Lozère, Pays de Tarascon, Haute-Ariège

Photo : DR.

La carte des disciplines mérite également un regard d’échelle régionale. Elle montre que la musique est souvent le premier des genres à représenter la dynamique événementielle, la palette s’élargissant lorsque le nombre de festivals croît. Rares sont les territoires (Cœur-de-Lozère, Pays de Tarascon, Haute-Ariège) où se déploient des festivals dans d’autres domaines, comme le spectacle vivant ou le cinéma.

Enfin, la carte de la saisonnalité précise les leçons tirées à grands traits dans la cartographie nationale : si l’été reste encore le moment de choix des festivals ruraux et des événements programmés sur le littoral – prisme touristique oblige – c’est l’inverse pour les métropoles, où l’été constituerait presque un temps de pause des événements, plutôt concentrés dans ces espaces dans l’avant-saison ou l’après-saison.

“L’outil cartographique se veut donc, à ses différentes échelles, un outil de description de la réalité, mais aussi un instrument de dialogue entre l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème festivalier.”

Rien n’arrête le phénomène de festivalisation

Le phénomène de festivalisation s’est développé en France depuis les années 1980 selon un rythme croissant et ininterrompu. Ni les aléas des finances locales, ni les limites imposées au soutien des festivals par le ministère de la Culture dans les années 2000, avant de s’inverser à la suite des États généraux des festivals conduits à son initiative en 2020 et 2021, ni les alternances politiques du milieu.

Le soutien sous condition du ministère de la Culture

L’image officielle de Zabou Breitman pour le FIFP de Carcassonne. Image DR

La directive nationale d’orientation (Dno) triennale du 31 janvier 2003 adressée aux directions régionales des affaires culturelles (Drac) et préfectures de région, stipulait : “Le ministère de la Culture et de la Communication n’a pas vocation à financer les festivals. L’apport des collectivités territoriales y est d’ailleurs généralement prépondérant. [Les Drac] ne [pourront] soutenir financièrement que ceux de qualité artistique reconnue et de portée nationale, ou ayant une action permettant de structurer l’activité culturelle tout au long de l’année sur le territoire qu’ils irriguent. »

Après les États généraux des festivals à Toulouse, le 1er décembre 2021, le ministère a publié ses Principes d’engagement en faveur des festivals qui se traduisent par une reconnaissance “beaucoup plus claire de l’importance du fait festivalier, un renforcement des moyens qui leur sont destinés et une charte de développement durable qui en conditionne l’attribution”.

Le prisme du littoral méditerranéen est net

La carte des festivals recensés en 2019 et créés avant 1980 présente une double hétérogénéité. D’une part, le prisme littoral méditerranéen et breton est assez net : les départements de la bordure littorale Sud (Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Pyrénées-Orientales) et atlantique (Finistère) comptent plusieurs festivals créés avant 1980, et plus que les autres départements, à l’exception de l’Isère. D’autres régions et départements restent largement à l’écart de ce que l’on peut encore nommer l’exception événementielle.

Implantation des événements est extrêmement variable

Il y a une seconde hétérogénéité de la période : l’implantation des événements est extrêmement variable, rurale ou urbaine, en fonction précisément de la personnalisation de ces projets. On identifie des villes (Avignon, Paris, Aix-en-Provence ou Orange, par exemple), mais aussi des univers plus ruraux (Prades, Sylvanès, Saint-Bertrand-de- Comminges, Marciac) qui doivent leur motivation singulière à un artiste, un lieu emblématique, un opérateur culturel articulant leur projet sur une convergence exceptionnelle d’intérêts.

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