Confinement, terreau de l’homophobie : Le Refuge met à l’abri de plus en plus de jeunes

Photo : Le Refuge.

L’homophobie est malheureusement vivace. Surtout durant ce marasme où les tensions intra-familiales sont exacerbées par le confinement. Et surtout chez les jeunes vivant chez leurs parents qui, parfois, les rejettent parce qu’ils sont homosexuels ou LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes). Comme le disent la Fondation le Refuge et SOS Homophobie.

Le constat est alarmant. Comme le pointe Santé publique France dans un point de situation, du 4 au 6 novembre, la santé psychique des jeunes ne brille pas. Et c’est sans doute pire pour un jeune en rupture avec sa famille. Pour la deuxième fois consécutive, Santé publique France relève une augmentation significative des états dépressifs (+ 5 points). “La prévalence a doublé entre fin septembre et début novembre.” Les hausses les plus importantes ? Chez les jeunes de 18 à 24 ans (+ 16 points) et les 25-34 ans (+ 15 points). Ce que confirme Nicolas Noguier, président-fondateur du Refuge, fondation reconnue d’utilité publique. “Nous avons signé une convention avec le ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances justement pour anticiper sur une possible hausse des prises en charge de jeunes mis à la porte par leurs familles”, explique-t-il.

Prises en charge partout en hausse : Montpellier, Paris, Marseille, Lyon, Lille…

À Montpellier, le Refuge a déjà poussé ses murs. Aux 14 places – sans évoquer l’accueil de jour – “nous avons pris en charge six jeunes LGBT mis à la porte pour lesquels nous avons trouvé une solution hôtelière”. Une mesure d’urgence prise en charge par le ministère de la Diversité dans le cadre de cette convention. A Paris, de la même manière, “nous avons pris en charge 18 jeunes de plus que nous logeons en urgence à l’hôtel…” Dans la capitale, l’association voit déjà la totalité de ses 24 places occupées. Les chiffres sont en hausse dans les autres antennes du Refuge : “Marseille, Lyon, et Lille, surtout”, précise Nicolas Noguier. “L’idée de cette convention, c’est que tous les jeunes qui ont besoin d’un toit en ait un dans cette période très difficile. Nous sommes confrontés à davantage de visibilité”, ce qui engage les jeunes en rupture de lien avec leurs parents de faire appel à l’association.

Nous remarquons donc une vraie hausse des demandes : on prend déjà en charge autant de jeunes qu’à la fin du premier confinement”

“Nous remarquons donc une vraie hausse des demandes : on prend déjà en charge autant de jeunes qu’à la fin du premier confinement”, souligne Nicolas Noguier même s’il note une différence avec le premier confinement : “Grâce à l’ouverture des collèges et des lycées, les jeunes en rupture trouvent une certaines échappatoire, même s’ils doivent supporter des soirées confinées avec leurs parents dans un climat par ailleurs anxiogène.”

Les jeunes parlent de la crise actuelle ; de leur sexualité ; de leurs différences. Il y a une sorte de libération de la parole. On constate un grand grand besoin de parler…”

Le fondateur du Refuge ajoute que “notre ligne d’écoute reçoit actuellement davantage d’appels et davantage d’appels longs, d’une heure ou une heure et demie. Les jeunes parlent de la crise actuelle ; qu’ils sont enfermés… Ils parlent de leur sexualité ; de leurs différences. Il y a une sorte de libération de la parole. On constate un grand grand besoin de parler…” Nicolas Nouguier pense que le très attendu déconfinement sera très certainement un moment de libération de la parole comme lors de la fin du premier déconfinement”.

Apporter à manger aux jeunes vivant en squat…

Beaucoup de ces jeunes différents sont également “hébergés à droite et à gauche chez des amis mais qui ne vont pas pouvoir ou vouloir les abriter longtemps”. Du coup, une autre urgence se fait jour, celle d’aller à la rencontre de jeunes “habitants dans des logements précaires ou des squats pour leur apporter à manger, le mercredi de 14 heures à 20 heures. Nous faisons ainsi une distribution mobile auprès de 22 jeunes, rien qu’à Montpellier”.

Le Refuge a ouvert une structure unique d’accueil de mineurs homosexuels ou LGBT, de 14 ans à 18 ans, à Aujargues, dans le Gard. “On est submergés de demandes, y compris de travailleurs sociaux…”, ajoute Nicolas Noguier, confiant que d’autres structures de ce type devraient ouvrir en 2021 en France. En Île-de-France mais aussi à Lyon, entre autres. Le Refuge, qui emploie 27 salariés et peut compter que 450 bénévoles, dispose d’un budget de 1,8 M€ pour 314 places d’hébergement dépendant de ses 22 antennes.

Notre prochain rapport sortira au printemps mais nul doute que les chiffres seront encore en hausse”

De son côté, SOS Homophobie, association nationale qui dispose d’une ligne et d’un chat d’écoute et des bénévoles partout en Languedoc-Roussillon, rappelle qu’elle a enregistré une hausse des signalements LGBT+phobes de 15 % en 2017 avec 1905 témoignages et une hausse historique de 26 % de ces signalements en 2019 atteignant 2 396 témoignages. “Nous publions un rapport chaque année. Le prochain sortira au printemps mais nul doute que les chiffres seront encore en hausse”, souligne l’ex-délégué territorial désormais chargé de la formation et de l’événementiel dans la région. “En 2012, à l’approche du votre sur la loi sur le mariage pour tous, on avait enregistré une hausse également des témoignages puis une légère baisse. Cela a été pareil en 2018 avec le débat sur la procréation médicalement assistée pour tous (PMA) qui n’est pas encore effective…”

Olivier SCHLAMA

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