Concert à Sète : Sacré Joe Jackson !

"Je viens ici pour célébrer mes premiers albums, a-t-il dit dans un français impeccable. C'est un voyage dans le temps que je vous propose", a dit le grand échalas qu'une timidité maladive fit régulièrement révulser ses yeux et déformer la bouche lors de notes élevées. Photos et vidéos : Olivier SCHLAMA

L’artiste britannique auteur de tubes planétaires était l’invité de Jazz à Sète ce vendredi au théâtre de la mer à Sète, complet pour l’occasion. Entre tubes et nouveaux titres tirés de son 20e album, le chanteur de 65 ans a quand même de très beaux restes.

“Cela fait 35 ans que j’attends ça !” “Hey Joe ! I’m loving you !” Dans la fosse du théâtre de la Mer, plein comme un oeuf depuis des mois, que des femmes, quadras et quinquas énamourées, ont pris gentiment place, yeux braqués sur leur idole. L’une d’elles avait même fait imprimer un billet d’un concert de… 1986. Elles attendent les tubes. Look sharp, en premier,  qui ne viendra pas dans ce set de l’artiste britannique. Mais Joe Jackson, dans le panthéon musical, c’est sacré.

Le seul artiste traversant autant de styles de musiques

Le grand Joe a tellement de titres variés qu’il pourrait faire deux jours de concert d’affilée. Pop, jazz, world, rock, instrumental, punk, ska – même si curieusement aucun titre de Jumpin’Jive n’a été joué dans ce festival de jazz – c’est le seul qui ait su dans sa carrière marier autant de styles, passant de l’un à l’autre avec une virtuosité et une inventivité inégalées et à l’origine de tubes planétaires. Alors qu’il reste vissé sur son tabouret devant ses claviers son public reste, lui, vissé sur ses chansons des années 80 où son talent dépassait celui déjà énorme d’Elvis Costello de la grande époque où ses tubes passaient en bouche sur la bande FM pas encore libérée entre Bashung,  Stevie Wonder, Police ou encore Johnny. Fallait être de ceux qui ont bu pour la première en 1979 Look Sharp et I’M a man… “Il ne faut pas courir après sa jeunesse, dit un spectateur partagé, mais à côté”...

Michaël Jackson, Joe Dalton. Joe Jackson aurait pu ne jamais se singulariser entre un prénom hyper-connu et un nom écrasé par des stars planétaires. Surtout qu’il n’enlace plus le micro comme dans les années 80. Joufflu, le cheveu blanc comme neige, le grand Joe est resté tel qu’en lui-même. Déployant sa magie en restant derrière ses claviers.

Je viens ici célébrer mes premiers albums.C’est dans un voyage dans le temps que je vous propose…”

Joe Jackson

One more time arriva en second dans ce concert aux accents parfois intimes mais fit office de coup de cimbale mémorielle. Comme quand arriva, autre titre phare, Steppin’Out. Le concert de ce vendredi était millimétré comme tout ce que fait le grand Joe qui pense chaque chanson pour qu’elle produise son meilleur son en concert. Là, il a construit une boucle temporelle. “Je viens ici pour célébrer mes premiers albums, a-t-il dit dans un français impeccable. C’est un voyage dans le temps que je vous propose”, a dit le grand échalas qu’une timidité maladive fit régulièrement révulser ses yeux et déformer la bouche lors de notes élevées.

Un tube de chaque décennie succédant à l’un des titres de son nouvel album très réussi, Fool, son vingtième opus. Sur 40 ans de carrière. Par moment, entre deux riffs de son guitariste et la virtuosité de son bassiste complice des débuts, Graham Maby, il y avait une vraie magie. Une complicité et une énergie partagée. Il a même eu l’audace de jouer l’un de ses tubes en remplaçant certains instruments par ceux des années 80 ! Boîte à rythme comprise.

Rétif à toute interview avec le moindre journaliste, Joe Jackson ne nous a donc pas parlé de sa jeunesse de malingre. De ses études brillantes de musique qui l’ont, paraît-il sauvé d’un ennui morbide. A presque 65 ans, le grand Joe a offert un concert vivant où, pour le paraphraser, on a aimé se noyer à ses côtés. La chanson nommée Drowning, expliqua-t-il d’ailleurs, ne veut pas dire noyade en mer mais noyade amoureuse. Il a bien fait de faire l’effort de parler en français et expliquer ainsi ses amours éternellement contrariées à ses fans énamourées. Cela les fera tenir, sans nul doute, les trente-cinq prochaines années…

Sacré Joe !

Olivier SCHLAMA

Dix vidéos du concert sont à retrouver sur le compte You Tube d’Olivier SCHLAMA. En voilà trois.