Citoyenneté : La Région lance une vaste consultation sur l’eau, ce bien si précieux

Le lac des Bouillouses, à Font-Romeu, qui, si le débit réservé de la rivière le Têt comme l'impose un jugement du tribunal de Montpellier, est maintenu à 1 500 litres/seconde ne pourra pas convenable fournir de l'eau potable aux habitants de trois communes, ni permettre de produire de l'électricité suffisamment ni alimenter les canons à neige... Ni permettre le même niveau d'irrigation... Le partage de l'eau en question... photo : Olivier SCHLAMA

Sécheresse historique, état des ressources préoccupant… La Région Occitanie, qui possède deux bras armés avec deux organismes, BRL et le CACG, entend bâtir une feuille de route avec des actions pour économiser l’eau, optimiser son exploitation, en récupérer lors d’orages cévenols par exemple, restaurer les zones humides, imaginer des solutions de réutilisation…

L’eau, un bien de plus en plus précieux… et rare. Soixante-dix ans après le chef d’oeuvre de Marcel Pagnol, Manon des Sources, en Occitanie, la présidente de Région, prend le sujet à bras le corps. En novembre dernier, Carole Delga a lancé la grande concertation sur l’eau “Tous concernés, tous mobilisés pour construire les solutions de demain en Occitanie” qui a déjà recueilli 474 contributions, 502 votes de 396 participants. Elle s’élargit à tous. Menée auprès de l’ensemble des acteurs de l’eau, du monde économique, des chercheurs et des entreprises expertes présentes en Occitanie, mais aussi des citoyens, elle doit permettre d’alimenter et d’orienter la feuille de route régionale sur l’eau qui sera adoptée en juin prochain.

“Tout le monde commence à s’affranchir de ses dogmes…”

Jean-Louis Cazaubon, vice-président de la Région Occitanie. Ph Région Occitanie

Désormais, tout un chacun peut participer à une consultation citoyenne jusqu’au 22 mars lancé par la Région, acteur majeur de la gestion de l’eau (1). “Tout le monde commence à sortir de sa position, de s’affranchir de ses dogmes”, explicite Jean-Louis Cazaubon, vice-président de la Région chargé de ce dossier. “Les enjeux sont considérables entre l’agriculture qui nous nourrit et qui aujourd’hui irrigue 10 % de ses surfaces et les associations de défense de l’environnement… Nous allons effectivement engager une vaste concertation en rencontrant tous les acteurs : les départements, les collectivités, les associations, les usagers, les acteurs économiques, etc.”

“Optimiser, économiser…”

Photo : Olivier SCHLAMA

Le but est-il d’anticiper sur ce qui se passe avec acuité dans les Pyrénées-Orientales, par exemple, où le débit de la Têt est désormais fixé à 1 500 litres/seconde au lieu de 600 litres/secondes pour maintenir correctement la vie dans ce fleuve, ce qui crée des conflits d’usage avec les agriculteurs, notamment ? “Le but c’est d’optimiser les ressources existantes ; économiser le plus possible ; optimiser les réserves…, précise Jean-Louis Cazaubon. La réutilisation des eaux usées a, certes, une connotation négative mais tout dépend de ce que l’on en fait. Les experts nous disent que c’est possible, comme pour le golf d’Agde. Il existe aussi des mini-stations capables d’utiliser des “eaux grises”, pas trop “sales” que l’on peut imaginer avoir une utilité…”

Il manque 360 millions de mètres cubes d’eau en Occitanie

Car le constat est passablement inquiétant. Chacune des deux partie de la Région Occitanie. “On aurait actuellement besoin de trouver quelque 180 millions de mètres cubes que ce soit dans l’ex-Languedoc-Roussillon ou l’ex-Midi-Pyrénées. Mais Adour-Garonne sera le plus déficitaire dans l’avenir.” Jean-Louis Cazaubon prend l’exemple du bassin Adour-Garonne, de Toulouse à Bordeaux : “À long terme, dit-il, les experts s’accordent à dire que un milliard et deux cents millions de mètres cubes de déficit hydrique à horizon 2050. Que fait-on ?”

Restaurer les zones humides

Zones-humides en Camargue. Photo : Jean Jalbert

Il explique : “Le comité de bassin a pris une délibération en fin d’année dernière. D’abord, et sans créer quoi que ce soit il y a les réserves existantes comme les barrages hydroélectriques qui peuvent être relevés et optimisées (comme relever des digues), à hauteur de 300 millions de mètres cubes. Ensuite, il faut mettre en oeuvre des solutions fondées sur la nature, comme la restauration des zones humides. Là, les experts nous disent que 150 millions de mètres cubes peuvent être fournis par ces zones spécifiques. Et on peut réaliser là aussi 150 millions de mètres cubes d’économies. En clair, il est possible de faire la moitié du chemin, soit 600 millions de mètres cubes et on ne s’interdit pas, dans certaines situations de créer des réserves d’eau…”

Récupérer les eaux des orages cévenols

Alès, le 9 septembre 2002. De violents orages la nuit précédente, ont provoque des inondations dans le Sud de la France, ou quatre personnes sont mortes et plus d’un millier ont dû être évacuées. Photo : Dominique QUET, Maxppp.

Ce n’est pas tout. “On est dans une région où il est possible de récupérer les eaux de ruissellement qui partent à la mer – et on ne prendrait pas dans les nappes {il existe des projets dans ce sens comme Dis-Leur vous l’a expliqué” ICI}. Notamment en positionnant des ouvrages écrêteurs de crues qui récupèreraient de l’eau de pluie d’orages cévenols. Toute cette réflexion doit être menée sur tous ces aspects. L’engagement de la région est très concret, y compris avec BRL qui, avec ses 720 salariés, possède des compétences de haut niveau comme à la CACG (2) que je préside désormais et qui va valider sa feuille de route”, dont Dis-Leur vous a parlé ICI .

“Quand la terre a soif, le monde a faim…”

“Dans cette logique de l’eau multi-usage, ajoute Jean-Louis Cazaubon, l’eau peut-être plusieurs fois turbinée pour produire de l’électricité ; participer ensuite à la vie de la rivière, dans sa fonction halieutique mais aussi envers la plaisance avec, par exemple, les kayakistes ; et ensuite permettre d’irriguer. Car si on veut avoir une souveraineté alimentaire, cela passe par là. Comme dit Eric Orsenna dans son dernier bouquin, Quand la terre a soif, le monde a faim…” La guerre de l’eau, quand elle a lieu, “génère des désordres et des troubles… C’est la faim qui génère des guerres.”

Recueillir les bonnes pratiques

Les 9 écluses de Fonséranes. Photo : Olivier SCHLAMA

Pour la première étape de cette concertation, l’ensemble des citoyens d’Occitanie sont invités à participer jusqu’au 22 mars à la consultation citoyenne. Cette dernière a vocation de recueillir les actions et bonnes pratiques mises en œuvre par les citoyens en matière de gestion durable de l’eau que ce soit pour faire des économies d’eau ou pour sa réutilisation.

Elle sera suivie en avril par une deuxième phase de consultation sur les outils, notamment de sensibilisation, et les solutions pour une meilleure gestion de l’eau. Dans l’intervalle, seront organisés des échanges entre les élus régionaux et les citoyens dans les territoires et au sein des Maisons de Ma Région pour sensibiliser le grand public aux problématiques de l’eau et échanger sur des solutions concrètes.

“Co-construire une feuille de route”

“Avec cette grande concertation sur l’eau, notre volonté est de co-construire une feuille de route régionale sur l’eau, concrète pour nos habitants. Je suis convaincue que les solutions se construisent au plus près de la réalité, en lien avec les citoyens. C’est vrai pour les mobilités, la transition écologique, l’économie, l’emploi… Et également, sur l’eau. Proximité rime avec efficacité. J’invite donc aujourd’hui les citoyens d’Occitanie à prendre la parole pour que nous puissions imaginer ensemble les solutions pour mieux gérer cette ressource si précieuse”, conclut Carole Delga, présidente de la Région Occitanie.

Olivier SCHLAMA

(1) La Région Occitanie est un acteur opérationnel majeur de la gestion de l’eau via son réseau hydraulique régional (RHR), constitué d’un patrimoine de plus de deux milliards d’euros d’infrastructures hydrauliques majeures tels que le canal Philippe Lamour, les barrages des Monts d’Orb et de la Ganguise… Géré par BRL, ce réseau permet notamment de sécuriser les besoins en eau de près de 250 communes de l’Aude, du Gard et de l’Hérault. Il devrait prochainement s’étendre, sur l’ouest de l’Occitanie (bassin Adour-Garonne), grâce au transfert des concessions Neste gérées par la CACG (Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne).
(2)  88 lacs, 3 500 km de rivières “réalimentées”, quelque 500 millions de mètres cubes d’eau… On l’appelle la CACG. Ce n’est pas le nom d’un antédiluvien et obscur club de volley d’un village perdu mais une société d’économie mixte (SEM), celle de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, sise à Tarbes (Hautes-Pyrénées), qui gère l’eau naturelle de ce bassin. Sa vocation : l’équipement et le développement économique des régions agricoles, en rive gauche de la Garonne, par la protection et la maîtrise de la ressource en eau. Son périmètre d’intervention couvre une partie des actuelles régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. En clair, elle gère 262 stations de pompage, des barrages dont le fameux site de Sivens dans le Tarn (lire ci-dessous), 88 lacs, 3 500 km de rivières “réalimentées” et règne sur 500 millions de mètres cubes d’eau par an.
  • Les prochains rendez-vous :

–  Le 22 mars : le sommet régional de l’eau, organisé à l’Hôtel de Région de Toulouse. Il regroupera les associations environnementales, acteurs économiques (agriculture, tourisme, pêche etc), structures territoriales de bassins (EPTB, syndicats de milieux, …). Des ateliers consultatifs thématiques sur les priorités “eau” seront proposés au cours de la journée ;
– Le 23 mai : journée Cycl’Eau, organisée par la Région et d’autres partenaires institutionnels, à l’Espace Capdeville de Montpellier. Elle associera l’ensemble des acteurs de l’eau régionaux, et permettra notamment de livrer les réflexions et contributions de l’ensemble des acteurs sur les outils et les solutions pour une meilleure gestion de l’eau.

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