Chronique politique : La plus grande des révolutions, les NBIC

Au-delà de la guérison et de la réparation, nos sociétés en appellent à l’avènement d’une médecine d’amélioration et d’augmentation, nous dotant de plus grandes capacités, physiques et intellectuelles. Photo : DR.

Dis-Leur ! publie la troisième chronique du Rhuthénois Dominique Reynié, 58 ans, professeur des Universités à Sciences Po, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique et ex-candidat LR à la région. Elle porte sur les technologies NBIC, c’est la promesse de la connaissance de l’infiniment petit, du vivant, de l’intelligence artificielle et du cerveau réunies sous un même acronyme : NBIC…

La médecine fut longtemps l’art de réparer et de guérir, dans un entremêlement magnifique d’habileté manuelle, de science et de sagesse. Aujourd’hui, poussés par notre infinie curiosité autant que nos insatiables exigences, les progrès scientifiques et technologiques forcent de nouvelles portes, la révolution des “NBIC”, au carrefour des nanotechnologies (N), de la biologie (B), de l’informatique (I) et des sciences cognitives (C).

La médecine n’est plus seulement capable de réparer et de guérir nos corps mais aussi d’améliorer, d’augmenter nos capacités, et d’abord la première d’entre-elles, notre capacité à vivre longtemps. La vieillesse pourrait ne devenir qu’une maladie, que l’on saurait stopper, voire dont on saurait guérir. Mais nous voudrions aussi vivre plus intensément : au-delà de la guérison et de la réparation, nos sociétés en appellent à l’avènement d’une médecine d’amélioration et d’augmentation, nous dotant de plus grandes capacités, physiques et intellectuelles. Voir beaucoup plus loin, développer notre mémoire, notre endurance, notre force, nos capacités sexuelles… 

L’hybridation homme-machine s’accélère grâce aux progrès de la robotique, de l’intelligence artificielle, de la biologie et de la miniaturisation des dispositifs (les nanotechnologies).”

Par la maîtrise du génome – on parle d’édition du génome -, l’humanité ambitionne de programmer la vie, de donner le jour à une nouvelle espèce, plus intelligente, plus résistante, plus forte… L’hybridation homme-machine s’accélère grâce aux progrès de la robotique, de l’intelligence artificielle, de la biologie et de la miniaturisation des dispositifs (les nanotechnologies). 

On entrevoit la création d’une nouvelle humanité ressemblant de moins en moins à l’espèce initiale. On parle de “post-humanisme”. Les plus grandes puissances s’y emploient, puissances privées, Google, Amazon, Apple ou Facebook ; puissances publiques : les états dominants, au premier rang desquelles la Chine, championne du clonage, dont les entreprises rivalisent déjà avec les géants californiens, mais hélas ! aucun des États européens ni même l’Union européenne.

L’avènement d’un post-humanisme devrait être l’un de nos plus grands sujets de discussion. Nos débats politiques n’en disent cependant pas un mot.”

Les nouvelles puissances politiques seront biologiques. Elles seront capables de changer l’espèce humaine. Comment ne pas songer à “l’Homme nouveau” et à la “race supérieure”, qui ont donné le jour aux hécatombes du siècle précédent. L’avènement d’un post-humanisme devrait être l’un de nos plus grands sujets de discussion. Nos débats politiques n’en disent cependant pas un mot. La question se pose pourtant de savoir comment de tels projets peuvent être compatibles avec nos principes humanistes.

Avant de répondre par la négative, il faut se souvenir de ce qu’affirmait avec enthousiasme l’une des plus grandes figures fondatrices de l’humanisme classique, Pic de la Mirandole, qui en 1486 annonçait la révolution des NBIC dans son Discours sur la dignité de l’homme, s’adressant ainsi à l’espèce humaine : “Toi, aucune restriction ne te bride, c’est ton propre jugement, auquel je t’ai confié, qui te permettra de définir ta nature […], doté pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence”. 

Dominique REYNIÉ

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