Chronique occitane : Quatre jours sans mon portable

Pour les élèves du collège Ambrussum de Lunel, une expérience historique et pédagogique... Photo D.-R.

On peut apprendre l’Occitan et rester ancré dans son époque. Mais on peut aussi tenter l’expérience de redécouvrir les plaisirs simples d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… C’est le sujet de cette nouvelle Chronique occitane. Récit :

“Pendant notre séjour dans l’Aude pour voir les châteaux cathares, nous avons vécu plusieurs expériences enrichissantes. Nous avons appris à écrire à la plume avec du brou de noix à la place de l’encre, nous avons mangé avec une grosse tranche de pain à la place de l’assiette et sans couverts comme au moyen âge…

… nous avons marché dans la montagne et trouvé des châteaux plus ou moins en ruines, témoins d’une histoire que nous ne connaissions même pas…. Nous avons aussi fabriqué des blasons, inventé des mélodies sur des instruments géants dans un village musical perdu dans les bois, et nous avons surtout passé quatre jours sans téléphone portable.

Admirer le paysage, sans penser à faire un selfie

Même si nous avions le droit de le réclamer en cas de besoin, le soir après le repas pendant une heure, on a vu que, dès le deuxième jour, la plupart des élèves ne sont même pas venus le chercher. Au début nous étions sûrs de passer un moment désagréable, certains avaient prévu un deuxième appareil.

D’après les témoignages recueillis au retour du voyage on peut conclure que “si nous les avions eus en main tout le temps, on se serait fait moins d’amis, on n’aurait pas vécu la même expérience avec les paysages car on les aurait vus souvent à travers l’écran, on serait resté connecté avec ceux de Lunel et pas avec ceux qui partageaient nos chambres mais en revanche, la musique, le réveil et l’appareil photo nous ont un peu manqué.”

La conclusion de cette expérience, c’est donc que l’on peut (doit ?) arriver à un usage modéré de nos téléphones et des réseaux pour ne pas avoir plus d’inconvénients que d’avantages.

Quelques phrases des élèves : « Ca n’aurait pas été la même expérience avec nos téléphones parce que on aurait toujours voulu montrer à ceux de Lunel tout ce qu’on voyait en direct»,.. « Moi ce que j’aimais le plus c’était monter tout en haut des châteaux pour voir très loin, sans penser tout le temps à faire un selfie »… « On a appris à jouer avec des élèves qui ne sont pas dans notre réseau d’habitude, c’était sympa »… « les activités et les paysages nous ont paru plus riches »

Article collectif des élèves occitanistes. Collège Ambrussum de Lunel, 45 avenue Médard. Projet encadré par Mme Dufour Ndiaye

Un mot de l’enseignante à propos de l’expérience

A la découverte de l’Histoire régionale, dans l’Aude… Photo D.-R.

“En 2018-2019 les élèves du collège Ambrussum suivant l’enseignement de l’occitan ont participé à un projet d’envergure, Quand l’istòria farga lo paisatge, dont le point d’orgue était un voyage de quatre jours en pays cathare, dont Paisatges, était le thème académique, les élèves sont partis des Paisatges d’en cò mieu en réalisant des photographies, des dessins et textes à partir de sites de leurs lieux de vie, puis ils ont élargi progressivement leur regard pour découvrir la richesse du patrimoine de notre région.

Il était hors de question de voir les grands paysages des Corbières ou la cité de Minerve sur un écran de 15 cm2, mais l’idée n’était pas acquise pour 43 adolescents accrochés à leur smartphone comme à une bouée de sauvetage : “Quoi ! Pas de selfies, pas d’instagram, pas de face book, pendant 4 jours ? Mais Madame comment on va faire pour communiquer avec les « autres » ? C’est mort moi je ne viens pas…”

“Ce qu’on a vu, ça ne rentre pas dans un portable”

Mais qui sont donc ces « autres » qu’on risque de perdre au bout de quatre jours sans réseau ? Et puis à force de construire le projet avec les autres occitanistes et de partager des moments communs avec les autres niveaux, (classes de la 6e à la 3e), les plus réfractaires ont accepté les conditions, participer au voyage sans laisse électronique. Expérience concluante, retenons le bon mot d’une élève de 6e : “De toutes façons tout ce qu’on a vu ça ne rentre pas dans un portable.”

Quelques semaines après le retour du séjour, lors d’une mémorable après-midi de projection, les élèves et leurs familles ont eu la joie de découvrir tous ensemble les images du voyage prises par les “élèves journalistes” et les accompagnants. Ils ont alors réalisé que les “autres” étaient là, avec eux pendant tout le voyage.

MC Dufour Ndiaye

Version Occitane : Quatre jorns sens mon telefonet

E perque pas tornar a l’edat mejan ? « Es pas de creire ! » se pensan los dròlles de 2019. Pendent nòstre viatge dins Aude a la descobèrta dels caslèls catars, avèm viscut mai d’una experiéncia rica.

Escriure amb una pluma e de bro de noga en plaça de la tinta, manjar amb las mans sus de lescas de pan, sens sietas ni mai culhèr, caminar per la montanha e trapar de castèls mai o mens entièrs, testimòns d’una istòria que conessiam pas abans, fargar d’escuts, escotar Joan de l’ors contat per Alan Roch, dançar e jogar amassa, faire de rádio inventar de melodias sus d’instruments gigants dins un vilatge musical perdut dns lo bòsc, e vos contam pas tot …

De Lunel à Menèrba puèi Carcassona, de Cucunhan a Queribus e Peirapertus, de Rena lo Castèl a Arques e Fontfreda, de segur qu’avèm fach e vist un fum de causas. Mas la causa mai remirabla per nosautres foguèt de demorar 4 jorns sens internet ni mai telefonet. Un còp per jorn, lo ser, aviam una ora per charrar amb los amics e la familha. Tre lo segond jorn, la màger part dels dròlles demandèron pas son telefonet qu’èran pres per las activitats.

A la debuta, totes èran, segurs de passar un moment fòrça desagradiu. D’unes avián previst un segond aparelh per enganar la professora. Mas a la fin del viatge, los testimoniatges dels collegians dison lo contrari. En resumit, « S’aviam agut de longa lo telefoet, auriam pas parlat qu’amb de mond ja conegut, auriam pas aguda la meteissa experiéncia dels paisatges que los auriam totjorn vist sus un ecran pichòt, Seriam demorats ligats ambs los de Lunel pluslèu que de parlar e partejar amb los de nòstra cambra. Ara, nos cal doncas capitar d’utilizar coma cal aqueste objècte extraordinari qu’es lo “smartphone”.

En mai d’aquò, avèm agut la polida suspresa de descobrir las fòtos e videos presas per la còla de “jornalistas”. Aquò èra una experiénia fòrça agradiva.

Extraches de dichas d’escolans

“Ça n’aurait pas été la même expérience avec nos téléphones parce que l’on aurait toujours voulu montrer à ceux de Lunel tout ce qu’on voyait en direct”,.. “Moi ce que j’aimais le plus c’était monter tout en haut des châteaux pour voir très loin, sans penser tout le temps à faire un selfie”… “On a appris à jouer avec des élèves qui ne sont pas dans notre réseau d’habitude, c’était sympa.”

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