Chronique : Ces méridionaux qui firent l’Amérique

Musée de l'immigration Ellis Island, à New York. Photo : DR.

La Fayette, Beyoncé, Madonna, David Crocket… Promesse de liberté, d’un nouveau monde, possibilité de créer une nouvelle société… Les relations entre le Languedoc et les États-Unis ont toujours été étroites. C’est l’objet de la chronique de L’historien Samuel Touron.

De l’arrivée des Huguenots sur le continent américain au début du XVIIe siècle à l’inauguration de la maison de la région Occitanie en plein coeur de Manhattan en décembre 2014, les relations entre le Languedoc historique et ce qui devint le 4 juillet 1776, les États-Unis d’Amérique furent de tout temps étroites.

Ces relations se caractérisent par les mouvements de populations ininterrompus de l’Europe vers les États-Unis pour des motifs d’ordre religieux, politique, économique ou social. La promesse d’un nouveau monde, de la possibilité de fonder un nouvel ordre religieux ou un nouveau modèle sociétal, le droit de croire à un nouveau départ fit rêver les européens. La promesse d’une terre de liberté loin d’une Europe perçue comme obscurantiste, dépassée et autoritaire mit durant plusieurs siècles des dizaines de millions d’européens sur les route de l’exil. Les Méridionaux ne furent pas étrangers à ces immenses vagues migratoires successives.

Le sentiment d’appartenance à ce que l’on pourrait appeler “une nation occitane” existe donc au moment où commencent les vagues migratoires françaises vers l’Amérique”

Les vagues migratoires occitanes s’inscrivent dans un contexte plus large, d’abord, de la conquête française de l’Amérique, puis, des migrations françaises vers l’Amérique. Lorsque commence au début du XVIe siècle l’installation française en Amérique, symbolisée notamment par la fondation de Québec en 1608 par Samuel de Champlain, apparaît au même moment en France l’usage du terme “Occitanie”. En effet, les figures étatiques et les intellectuels de l’époque prennent alors conscience de l’existence d’une France du-dessus de la Loire et d’une France que Jean Racine qualifie en 1662, lors d’un voyage à Uzès de “province étrangère”. Le sentiment d’appartenance à ce que l’on pourrait appeler “une nation occitane” existe donc au moment où commencent les vagues migratoires françaises vers l’Amérique.

Les “Huguenotsé”, persécutés par le pouvoir royal à la suite de la publication de l’Édit de Fontainebleau en 1685 qui révoqua l’Édit de Nantes, se rendirent en masse de leur propre volonté ou furent déportés sur le continent américain”

Les premiers européens à quitter le continent le firent pour des raisons religieuses, c’est également le cas en France. Les “Huguenotsé”, persécutés par le pouvoir royal à la suite de la publication de l’Édit de Fontainebleau en 1685 qui révoqua l’Édit de Nantes, se rendirent en masse de leur propre volonté ou furent déportés sur le continent américain. Or, le Languedoc est depuis l’apparition de la Réforme, une terre très fortement protestante.

Pays-Bas, Angleterre…

Il faut également noter que nombre de ces protestants Languedociens ont quitté en masse le Languedoc pour les Pays-Bas et l’Angleterre dès le début des guerres de religion, ces derniers participèrent également largement de la conquête de l’Amérique. C’est, par exemple, un Huguenot, Pierre Minuit, qui acheta l’île de Manhattan aux Amérindiens permettant de fonder New-Amsterdam qui devint par la suite New- York. Les villes de Bayonne dans l’Etat du New-Jersey et de Nouvelle-Rochelle dans l’Etat de New-York sont également des témoins de la présence huguenote aux États-Unis dès la fin du XVIIe siècle.

Jusqu’à cette période les Huguenots sont très présents en Amérique mais rapidement l’Eglise met en garde le Roi de France quant au risque que représente l’envoi de ces « infidèles » dans un Nouveau Monde qu’il convient d’évangéliser à la seule “vraie” foi catholique. Le flux migratoire huguenot se réduisit alors drastiquement.

Les Languedociens ont largement contribué à l’expansion coloniale française en Amérique.

Le musée de l’immigration Ellis Island, à New York. Photo : DR.

En 1699, les Huguenots présents sur les territoires coloniaux anglais obtinrent la nationalité britannique. En 1763, à la suite du Traité de Paris, la France perdit toutes ses possessions en Amérique à l’exception de certaines îles antillaises et de Saint-Pierre et Miquelon. Cette date marque la chute du Premier Empire Colonial français et de l’hégémonie française sur l’Europe et l’Amérique du Nord au profit de la Grande-Bretagne. Les languedociens ont largement contribué à l’expansion coloniale française en Amérique. En effet, la Compagnie de Montmorency dirigée par Henri II de Montmorency, gouverneur du Languedoc, contribua à la domination française de l’Amérique du Nord. Ce dernier fut par ailleurs nommé Vice-Roi de Nouvelle-France.

Lafayette, guerre d’indépendance…

Cependant, l’histoire des méridionaux avec l’Amérique n’était pas encore terminée. En 1777, la France s’engage dans la guerre d’indépendance américaine. L’un des premiers héros de la nation américaine est un occitan, Lafayette, natif de Haute-Loire, aux marges de la province du Languedoc, qui combattit pour l’indépendance des États-Unis dès l’âge de 19 ans. En 2002, Lafayette est fait citoyen d’honneur des États-Unis d’Amérique, titre exceptionnel, le plus honorifique possible étant donné qu’il n’a été accordé que huit fois par le Congrès.

Le corsaire Jean Laffite, Sidney Béchet, Kurt Cobain, Madonna, Beyoncé…!

D’autres personnalités méridionales sont entrées dans l’histoire américaine comme Jean Laffite, célèbre corsaire qui servit les États-Unis lors de la guerre d’indépendance et permit aux américains de remporter la bataille de la Nouvelle-Orléans en 1812. Dans l’histoire contemporaine, nombre de personnalités américaines possèdent des origines françaises comme Sidney Bechet, Kurt Cobain, Madonna ou encore Beyoncé qui possède un ancêtre du nom de Joseph Broussard, acadien déporté en Louisiane et dont le nom est particulièrement répandu dans le sud-ouest de la France.

Montpelier, Fort Toulouse et même Davy Crocket !

On estime aujourd’hui que près de 10% des américains possèdent des origines françaises, dans certains États comme le Vermont ou le New Hampshire ce pourcentage atteint les 25 %. La capitale de l’Etat du Vermont se nomme ainsi Montpelier (avec un seul “L”). Si vous vous rendez en Alabama, allez visiter Fort Toulouse, baptisé ainsi en l’honneur du Comte de Toulouse.
Enfin, il est sans doute un américain d’origine occitane que vous ne pouvez pas ne pas connaître : Davy Crockett. La légende veut que la famille de ce dernier soit originaire de Montauban. Ses aïeux fuyant les persécutions religieuses se seraient réfugiés en Angleterre avant de partir pour l’Amérique…

Samuel TOURON

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