Chronique : Catalogne, coup d’éclat permanent

Les séparatistes sont déterminés à organiser le referendum sur l'autodétermination . "Les règles du jeu ont été altérées..." grince-t-on au gouvernement régional. Photo : DR.

La crise fait rage entre Catalogne et pouvoir central espagnol basé à Madrid, qui veut empêcher à tout prix le vote sur l’indépendance de sa riche et fière région du nord prévu le 1er octobre. Arrestations de hauts responsables du gouvernement catalan, bulletins saisis, comptes mis sous tutelle, perquisitions, manifestations… Samuel Touron du site Aqu’istoria en profite pour, dans sa chronique, revenir sur l’historique de cette catalanité dont la valeur cardinale est la liberté.

Le 15 octobre 1940, Llyus Companys, président de la Généralité de Catalogne, tombait sous les balles franquistes après avoir été torturé par la Gestapo. Refusant qu’on lui bande les yeux, il fit face à ses tortionnaires et tomba au cri de Per Catalunya ! Figure de l’indépendantisme catalan et père du socialisme catalan, Lluys Companys incarne aujourd’hui le visage de cette Catalogne insoumise face à l’infâme oppression espagnole.

Le 1er octobre, les citoyens catalans auront à répondre à la question suivante : “Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d’une République ?” Une question simple pour un choix difficile. Face aux électeurs, le regard de l’histoire, le poids des enjeux économiques et sociaux et celui d’une réalité culturelle sont autant de critères complexes à prendre en compte au moment de mettre le bulletin dans l’urne.

Indépendante, la Catalogne ne l’a jamais réellement été. Tantôt soumise à la couronne d’Espagne tantôt à celle de France, la région a cependant longtemps goûté aux saveurs de la liberté et de l’auto-determination. Riche d’une histoire millénaire, la Catalogne ne partage cependant ni la culture espagnole ni la culture française.Fière et indépendante, la culture catalane est le fruit de l’étonnant et généreux mélange d’une culture méditerranéenne et pyrénéenne mâtinée d’apports celtiques et arabiques ; elle porte en elle le poids de sa fastueuse histoire. La bannière “sang et or”, la Senyera, en est la plus pure expression, marquée par les quatre bandes rouges du sang du sacrifice de Guifré El Pilos pour la défense de la liberté catalane.

S’il y a bien une valeur qui est maitresse dans l’identité catalane, c’est la liberté. La Catalogne, plus que n’importe quelle autre nation, en connaît le prix. Dernier rempart face au fascisme durant la guerre civile espagnole, la Catalogne a défendu la liberté au prix du sang, beaucoup de ses natifs trouveront ensuite la route de l’exil en France parqués dans des camps de rétention en Languedoc, il n’abandonneront jamais leur idéal : la liberté.

L’avenir de la Catalogne dépend surtout du pouvoir central espagnol. Alors que nous approchons du scrutin, les relations se tendent entre la Catalogne et le reste de l’Espagne. Photo : DR.

La Catalogne possède cette force, cette foi en la liberté, cette débordante confiance en sa culture, son histoire et son peuple, comme le rappelle si bien la devise catalane « Sempre endavant mai morirem » (Toujours en avant jamais nous ne mourrons). Le 1er octobre, la Catalogne peut faire le choix d’aller en avant, c’est à dire le choix de l’indépendance, d’une nouvelle lutte, d’un combat juridique, économique, culturel face au pouvoir central madrilène. Ce choix a déjà été fait par le passé, Els Segadors (Les moissonneurs) l’ont fait et sont entrés dans l’histoire, ils ont donné son hymne à leur pays, ce choix, c’est celui du courage.

Cependant, l’avenir de la Catalogne dépend surtout du pouvoir central espagnol. Alors que nous approchons du scrutin, les relations se tendent entre la Catalogne et le reste de l’Espagne. Madrid a récemment pris la décision de prendre le contrôle des finances de la Généralité afin d’empêcher toute utilisation de l’argent public dans la tenue du référendum. La Guardia Civil a également arrêté certains haut-fonctionnaires catalans. En réaction, des milliers de manifestants indépendantistes ont bloqué l’accès à la police espagnole aux sièges des partis politiques indépendantistes catalans. Si la tenue du référendum semble ineluctable, la décision du peuple catalan sera t-elle prise en compte par Madrid ? Si tel n’est pas le cas, la Catalogne obtiendra t-elle son indépendance pacifiquement ?

Samuel TOURON (Aqu’istoria)