Chronique auto : L’automobiliste, un “présumé coupable” ?

Conduire, est-ce déjà être suspect ? Photo D.-R.

L’avocat montpelliérain, Jean-Charles Teissèdre dénonce ce qu’il définit comme “une situation inique”, en soulignant le traitement a priori dont les automobilistes sont la cible…

Qui n’a pas en tête cet impératif de justice frappé au coin du bon sens : le doute doit profiter à l’accusé. Autrement dit, si un doute subsiste quant à la participation d’une personne à la commission d’un crime ou d’un délit, il sera acquitté (ou, selon le cas, relaxé).

Paradoxalement, cette règle ne s’applique pas à l’automobiliste car en matière contraventionnelle, les procès-verbaux dressés par les agents assermentés font foi jusqu’à preuve du contraire. Un exemple. Votre véhicule est flashé à un feu rouge ou pour un excès de vitesse. Ce n’est pas vous qui conduisiez ou le conducteur n’est pas identifiable sur le cliché. En cas de contestation, les points ne seront pas retirés mais vous serez quand même redevable d’une amende (plus élevée que l’amende forfaitaire) non pas en tant que conducteur mais comme propriétaire du véhicule. Même si vous prouvez par A+B que vous n’étiez pas au volant.

Pour celui qui viole ou qui tue, le régime de la preuve est différent. Pour les infractions les plus graves en effet – les délits et les crimes – les procès-verbaux établis par la police ne valent qu’à titre de simples renseignements nous dit la loi. Ils peuvent donc être contestés par tous moyens. Pourquoi une telle distorsion ?

Du terrain judiciaire au législatif…

Changer ses clefs pour un bulletin de vote ? Photo D.-R.

De nombreuses Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont été déposées pour critiquer cette présomption de culpabilité qui porte atteinte au droit à un procès équitable. Mais la Cour de cassation a systématiquement refusé de saisir le Conseil constitutionnel au motif qu’il est toujours possible de faire citer des témoins à la barre du tribunal. Illusoire n’est-ce pas ? Encore plus illusoire lorsque l’on sait que la Cour de cassation refuse en matière contraventionnelle toute valeur probante aux attestations écrites. On en arrive donc à ce paradoxe ultime qui est que celui qui est accusé d’un crime peut plus facilement prouver son innocence que celui qui a oublié de mettre son clignotant.

Puisque la Cour de cassation refuse de faire évoluer sa jurisprudence, il n’y a plus que la loi pour modifier cette situation inique. Et puisque le sujet ne semble pas préoccuper les pouvoirs publics, demandons à nos députés d’Occitanie de s’emparer du problème qui donne une image encore plus désastreuse de la justice. Car le justiciable qui n’est pas entendu n’a plus que son bulletin de vote pour pleurer.

Jean-Charles TEISSEDRE