Chasse des oiseaux à la glu bientôt interdite : L’Europe tire un trait

Photo : LPO

La Cour de Justice de l’Union européenne vient de donner raison à la Ligue de protection des oiseaux (LPO) : c’est la fin annoncée du piégeage à la glu partout en France ! Pour la fédération nationale de la chasse, “le dossier n’est pas clos”. “Il appartient désormais au Conseil d’Etat de faire les constatations qui s’imposent.”

Par un arrêt rendu le 17 mars 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé au Conseil d’État français qui l’avait saisie que la pratique du piégeage à la glu contrevient à La directive oiseaux et ne doit pas être autorisé par la France en raison de la non-sélectivité des captures, et des séquelles sur les oiseaux relâchés.

“Cet arrêt du Conseil d’Etat fait suite au recours de la LPO contre cinq arrêtés ministériels de septembre 2018 autorisant cette pratique dans 5 départements de PACA pour la saison de chasse 2018-2019, indique la LPO dans un communiqué. Il s’agit d’une grande victoire pour la LPO qui se bat depuis plusieurs années pour faire reconnaitre le caractère non sélectif du piégeage à la glu.” Et il n’est pas susceptible d’appel : la France doit se conformer à cette décision de justice.

C’est une bonne nouvelle mais en même temps j’ai le sentiment d’un grand gâchis : celui de la souffrance de tant d’oiseaux depuis trop longtemps”

Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO
Mésange bleue encollée. Photo : LPO

Pour le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, “c’est une bonne nouvelle mais en même temps j’ai le sentiment d’un grand gâchis : celui de la souffrance de tant d’oiseaux depuis trop longtemps.” Pour Allain Bougrain Dubourg “cette décision conforte la position de la LPO de lutter contre les pratiques cynégétique qui se présentent comme des traditions. Ce qui est très intéressant dans cet arrêt, dit-il, c’est que la justice dit qu’avancer l’argument de la tradition n’est pas suffisant pour maintenir cette chasse ; que cette chasse n’est pas sélective comme l’avancent les chasseurs et, enfin, que l’on doit avoir une exigence de bien-être animal. C’est, à ma connaissance, la première fois que l’on associe ces notions, habituellement réservées aux animaux en captivité.” Ajoutant : “J’espère que le président de la République réagira à cette annonce puisqu’il avait cru bon de suspendre cette chasse…” 

Seulement 6 000 pratiquants pour 80 000 oiseaux officiellement capturés mais une chasse ultra symbolique

La France était le dernier pays à autoriser cette pratique. Jusqu’à ce que le Président de la République proclame la suspension de cette pratique pour la saison 2019-2020, dans l’attente de la réponse de la Cour de Justice de l’Union Européenne. C’est donc chose faite.

La chasse à la glu concerne peu de pratiquants en France, environ 6 000 pour 80 000 oiseaux – officiellement – capturés. Mais elle est ultra-symbolique. Le piégeage à la glu consiste à encoller des baguettes pour attraper des oiseaux censés rester vivants, afin de s’en servir comme appelants. Après être restés des semaines dans le noir, les oiseaux placés dans des cages accrochées aux arbres se mettent à chanter à la lumière, attirant ainsi leurs congénères qui sont tirés à bout portant. Tous les oiseaux, protégés ou non, se font ainsi piéger : ils se débattent dans la glu, avant d’être détachés par aspersion de diluants type essence F4. “A l’aide de caméras, la LPO a pu prouver que non seulement cette pratique n’est pas sélective, mais que de nombreux oiseaux, y compris protégés, sont blessés voire tués pendant ces manipulations”, ajoute la LPO.

Dans le Massif Central on les écrase avec des pierres…

Selon Mathieu Victoria, l’avocat de la LPO, cet avis « risque de peser » lors de la remise en cause d’autres chasses traditionnelles.

Depuis de nombreuses années, la LPO conteste les arrêtés ministériels annuels autorisant la pratique du piégeage à la glu dans 5 départements de la Région PACA devant la plus haute juridiction, le Conseil d’Etat. Pour la première fois, tenant compte d’une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne condamnant Malte pour la pratique du piégeage à la glu jugée non sélective, ledit Conseil d’Etat n’avait pas débouté la LPO, mais décidé de d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour interprétation avant de rendre son propre verdict.

Oiseau piégé. DR.

Dans un communiqué”, la LPO commente : “Cette décision constitue une belle victoire pour la LPO et une grande avancée pour la protection de la nature en France. Il est en effet inconcevable que la LPO soit encore obligée d’engager des recours pour faire cesser des pratiques de piégeages non sélectifs des oiseaux dans le pays qui affirme vouloir non seulement stopper le déclin de la biodiversité mais la reconquérir. Dans le Sud-Ouest on continue de piéger des oiseaux avec des filets et des matoles (cages métalliques) ; dans le Massif Central on les écrase avec des pierres plates ; dans les Ardennes on les étrangle avec des collets et on leur tire la queue pour les faire appeler…”

Chasses suspendues aussi aux oies cendrées et à la tourterelle des bois

Et d’ajouter : “Toutes ces pratiques qui perdurent sous prétexte de “traditions” permettent la vente libre des pièges et masquent de nombreux actes de braconnages et trafics de petits oiseaux tantôt pour la bouche (brochettes de pinsons et autre rouge-gorge) tantôt pour le chant (chardonnerets et autres linottes mélodieuses).”

La CJUE vient de rendre un arrêt qui doit éclairer le Conseil d’Etat dans sa propre décision sur la légalité de la pratique de la glu, et c’est une grande avancée. En parallèle la LPO a déposé plainte auprès de la Commission Européenne et la France a reçu, en juillet et décembre 2020, deux avis motivés de la Commission l’invitant à se conformer au droit européen. Si la France ne s’exécute pas, la Cour de justice sera saisie sur trois thématiques : piégeage non sélectif y compris dans le Sud-Ouest avec les filets et matoles, chasse des oies cendrées en février et chasse d’espèces en mauvais état de conservation et en premier lieu la tourterelle des bois.

Le gouvernement français a, sous la double contrainte de cette menace de poursuite devant la CJUE et des victoires de la LPO devant les juridictions françaises, suspendu la chasse aux oies cendrées en février pour les deux dernières saisons, et suspendu la chasse de la tourterelle des bois et le piégeage à la glu pour la première fois en 2020-2021.

Contactées, les Fédérations nationale et régionale des chasseurs sont restées injoignables.

Olivier SCHLAMA

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Pour les chasseurs, le “dossier n’est pas clos”…

Dans un communiqué, la Fédération nationale de la chasse réagit : “La Cour, dans son arrêt du 17 mars, contre toute attente, pratique une lecture sélective en ne prenant que ce qui l’arrange dans les conclusions de son Avocate générale. Elle estime que le caractère traditionnel, voire culturel, de cette chasse “ne suffit pas en soi, à établir qu’une autre solution satisfaisante ne peut lui être substituée”.
Elle considère “qu’un Etat membre ne peut pas autoriser une méthode de capture d’oiseaux entraînant des prises accessoires dès lors qu’elles sont susceptibles de causer aux espèces concernées des dommages autres que négligeables”.
Contrairement aux annonces précipitées faites ce jour tant par la LPO que par Barbara Pompili, qui n’ont pas pris de temps d’examiner l’arrêt de la CJUE dans le détail, le dossier n’est pas clos. La Cour de Justice n’a pas pris de décision sur un procès en manquement mais a répondu au juge français en lui laissant une marge d’appréciation.
Il appartient désormais au Conseil d’Etat de faire les constatations qui s’imposent.
La FNC demande donc au Conseil d’Etat, de diligenter une enquête pour constater sur le terrain le caractère sélectif de cette pratique en France et le fait que les appelants, suite à leur capture, sont en parfaite santé.”

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