Carole Delga : “Je n’ai pas d’ambition nationale personnelle, j’ai une ambition pour mon pays”

Plus de 1 700 personnes ont répondu à l'appel de Carole Delga, ce dimanche, à Bram, dans l'Aude, pour les Rencontres de la gauche. Photo : l'Occitanie en commun

Ce dimanche, à Bram, un village de l’Aude, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, a lancé les Rencontres de la gauche. Une pierre dans la refondation d’une gauche plus unie et force de proposition face aux défis de la société.

Présidente de la région Occitanie, opposante de la première heure de la Nupes à laquelle participe le Parti socialiste et “plus forte opposante à gauche à Macron”, dit-elle, Carole Delga, qui avait soutenu plusieurs candidats à la députation dans la région, veut désormais proposer une alternative crédible, à gauche, pour faire gagner son camp aux prochaines échéances électorales.

C’est aussi pour cela que j’habite et toujours mon village et la maison de mon enfance, en refusant les logements de fonction…”

Carole Delga, lors d’un point presse, a confié : “Je viens d’un milieu très modeste ; si je fais de la politique, c’est au nom des miens. La rentrée scolaire la moins chère de France dans les lycées d’Occitanie, c’est parce que je sais qu’il faut avoir les “sous” pour acheter les manuels scolaires, etc. Aujourd’hui, les manuels, c’est l’ordinateur gratuit, les transports… C’est aussi pour cela que j’habite et toujours mon village et la maison de mon enfance, en refusant les logements de fonction…”

“Je ne peux pas accepter de voir la France tomber dans le populisme”

Elle pose ensuite : “Je n’ai pas d’ambition nationale personnelle, j’ai une ambition pour mon pays.” Et de compléter : “Je ne peux pas accepter de voir la France tomber dans le populisme ; je ne peux pas accepter que le racisme se développe ; je ne peux pas accepter l’augmentation des inégalités ; je ne peux pas accepter la théorie du ruissellement ; je ne peux pas accepter la recentralisation…” C’est dans ce contexte que s’organisent ce dimanche, “à 45 minutes de Toulouse”, dans le village de Bram, dans l’Aude, les Rencontres de la gauche. “La situation du pays et son devenir inquiètent et questionnent toutes celles et tous ceux qui oeuvrent pour des idées de progrès, de justice sociale et pour la préservation de la planète”, introduit Carole Delga face à la montée des populisme et du RN.

“Nous n’avons pas assez de réponses pour ces populations modestes qui sont désespérées…”

“Dans le projet de société de la gauche, nous n’avons pas assez de réponses pour ces populations modestes qui sont désespérées. Nous ne parlons pas assez des questions sociales. On est en train de se perdre pour des histoires… Il faut se réveiller ! Ce que ne fait pas la gauche, c’est de traiter de vrais sujets aux problèmes quotidiens comme ne pas attendre trois semaines pour un rendez-vous chez le médecin ! Sans parler des dépassements d’honoraires. Comme augmenter le nombre de transports en commun ; les gens veulent rénover leur logement mais ils n’ont pas les sous… C’est pour cela que la Région Occitanie fait l’avance aux subventions.” Par ailleurs, pour Carole Delga, le pays “n’est pas assez décentralisé. C’est l’un des sujets que l’on doit travailler. Il faut plus de pouvoir localement. Il faut une nouvelle ère de décentralisation où l’Etat garde bien sûr pour les sujets régaliens et que les Régions mais aussi les départements et les communes aient plus de pouvoir. Pour plus de réactivité”.

Attali, Nicolas Lebourg, Dominique Sopo…

Bram, c’est une sorte de laboratoire avec des ateliers sur des thèmes aussi variés que l’éducation, le climat, le travail, l’Europe, la citoyenneté et avec la participation de personnalités comme Jacques Attali ; l’essayiste Renaud Dély ; le spécialiste de l’extrême droite, le chercheur montpelliérain Nicolas Lebourg ou encore Dominique Sopo, président de SOS Racisme ou le président de la Fédération nationale des travaux publics. Ici, pas question de s’appesantir l’affaire Quatennens-Mélenchon, sauf à redire que “mes premières paroles sont toujours pour la victime”. Ou participer aux “petites phrases entre politiques”. “Je suis quelqu’un qui rassemble”, répète la présidente des régions de France.

Plus de 400 usagers en trois semaines sur la ligne SNCF relancée Pont-saint-Esprit-Nîmes

Dans cette boîte à idées de Bram, où plus de 1 700 personnes étaient présentes, on a parlé de la boîte à idées déjà mise en oeuvre en Occitanie (le TER à 1 €, l’embauche de médecins, les livres et les ordinateurs gratuits, etc.) et qui pourraient servir sans doute dans d’autres régions quand ça n’est pas le cas. Et proposer la gratuité des transports en commun comme à Montpellier. Et faire faire une “révolution à la SNCF”, a indiqué Carole Delga qui a pu relancer une ligne SNCF sur la rive droite du Rhône, entre Pont-Saint-Esprit et Nîmes qui, en trois semaines, a attiré “plus de 400 usagers par jour. C’est un très bon bilan…”, a-t-elle dit un peu plus tôt sur France Info.

“Injuste réforme des retraites ; la santé ; l’urgence climatique…”

D’abord identifier les désaccords. Comme “l’injuste réforme des retraites” ; l’inique projet de loi de finances de la majorité ; le manque de crédits pour la santé et l’hôpital ; l’urgence climatique ; le pouvoir d’achat : “La gauche doit travailler, arrêter les polémiques”, formule encore Carole Delga qui a des alliés sur ce terrain-là : l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve ou encore Stéphane le Foll “et bien d’autres”. Mais comment peser dans le contexte national de plus en plus tourmenté ?

“Il faut se coltiner la complexité réel et renouer avec le peuple”

Là, il s’agit de méthode à mettre en place. En premier lieu, préconise Carole Delga, il faut sortir de “cette gué-guerre politicienne”. Elle rappelle qu’elle travaille main dans la main, certes plus avec LFI au conseil régional d’Occitanie, mais avec toutes les composantes de la gauche : le PCF, le PRG dont le président national, Guillaume Lacroix, et son homologue de la Haute-Garonne, Pierre-Nicolas Bapt, étaient présents ; Place publique, des écolos. “Il faut se coltiner la complexité réel et renouer avec le peuple”, a insisté le journaliste Renaud Dély à la tribune, une formule que Carole Delga n’a pas hésité à reprendre à son compte, ajoutant : “Il faut entendre la colère des territoires…”

“Les sensibilités différentes au sein de la gauche, c’est une richesse”

“On peut se parler à gauche avec une volonté de pacification, d’avancer ensemble. Et si on peut le faire à gauche, ça veut dire qu’on peut le faire avec le peuple de France. Car quand on voit les invectives sur les uns et les autres, comment voulez-vous que les Français croient en nous et pour rassembler la France ? Les sensibilités différentes au sein de la gauche, c’est une richesse. Je tiens à avoir une liberté d’expression.”

Avoir un ambitieux projet pour l’éducation des enfants

Et donner des exemples : “Sur la question de l’éducation, il faut avoir un projet national beaucoup plus ambitieux. Aujourd’hui, il y a un plafond de verre selon les origines sociales des enfants : les enfants d’ouvriers ont deux fois moins de chance d’entrer dans une école d’ingénieurs que les enfants de cadres. Je l’ai dit au ministre de l’Education nationale. La promesse républicaine de l’Education nationale n’est plus tenue. D’abord parce qu’il n’y pas assez de moyens. Tout d’abord, je suis pour la semaine de quatre jours et demi d’école. Les enfants doivent être au maximum à l’école ; c’est là qu’il y a le creuset républicain et des enfants en capacité, plus tard, de choisir leur destin.”

“Que les hussards de la République puissent se régénérer”

Carole Delga ajoute : “Enseignant, c’est le métier le plus difficile au monde. vous n’avez pas le droit ne serait)-ce qu’une heure de ne pas être au top ; nous, dans nos différentes fonctions, on rattrape le soir, etc.” Elle propose aussi une réforme : “Ce n’est pas possible que notre système propose pendant 40 ans d’une carrière la même chose aux enseignants. Il faut donc de la formation tout au long de la carrière ; et pouvoir leur faire découvrir d’autres horizons professionnels s’ils le souhaitent et que l’Education nationale puisse intégrer d’autres personnes d’autres horizons… Pour que les hussards de la République puissent se régénérer.” Sans oublier Parcour’Sup, système “profondément inégalitaire”.

DISCOURS CD - BRAM - DEF

Quant à la question du travail, la présidente de la Région, avec 7 000 agents “il faut prendre en compte le télétravail et prendre en compte comment cela modifie les rapports sociaux dans une entreprise. Je le vois à la Région : cela a beaucoup modifié les dynamiques d’équipes. Je suis pour mais il faut réfléchir à l’humain. Il y a aussi la question du métier choisi et non plus subi”.

“Qu’on me démontre comment j’ai pu soutenir la victoire d’un candidat RN !? Ce serait parfaitement mensonger !

Plus largement, Carole Delga a insisté : “Quand on voit la désespérance sur le terrain, cela semble lunaire aux Français qu’on ne s’occupe pas d’eux pour avoir davantage de pouvoir d’achat, plus de dignité, d’avoir avoir simplement à un médecin… Et que l’on s’échangent des petites phrases d’un congrès dont ils ne savent même pas ce que c’est…”

A propos du second tour des législatives, Carole Delga a été offensive : “Qu’on me démontre comment j’ai pu soutenir la victoire d’un candidat RN !? Ce serait parfaitement mensonger ! Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a été le premier prévenu de mon désaccord avec une possible alliance avec LFI, dès le mois d’avril. Il connaît mon tempérament, ma fermeté dans mes positions et ma cohérence. En Occitanie, les quatre députés socialistes l’ont été sans la Nupes et contre les candidats de la France insoumise. Si au Parti socialiste on n’a pas le droit à la différence, ce n’est pas le Parti socialiste. Je ne suis pas dans un parti pour y être caporalisée.”

“Des élus LFI qui lors du mandat précédent nous ont fait une guérilla permanente au sein de la Région”

Quand à sa position par rapport à LFI, Carole Delga précise : “Nous avons plus de points de désaccord que de points d’accord. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas se retrouver sur des sujets comme l’éducation, la santé, etc. Mais quand on estime que Taïwan n’a pas droit à la démocratie, je ne suis pas d’accord ; quand on ne soutient pas Salman Rushdie alors qu’il a été victime d’un attentat, je ne suis pas d’accord.”

“Dans ma majorité régionale, sous le précédent mandat, au début, il y avait des élus LFI, eh bien ce sont les communistes et les écologistes qui n’ont plus voulu des LFI dans le groupe majoritaire. Des élus LFI qui lors du mandat précédent nous ont fait une guérilla permanente au sein de la Région. On ne pouvait pas continuer comme ça.”

Olivier SCHLAMA