Carcassonne : Croisade pour la survie de la plus vieille scop d’artisans d’art

La coopérative d'artisans d'art de Carcassonne a été créée en 1980. Et risque de disparaître. Photo : DR.

Classée au patrimoine mondial, la Cité de Carcassonne (Aude) rayonne internationalement. La plupart des croisiéristes qui débarquent au port de Sète, par exemple, n’ont qu’une envie : marcher dans les pas et sur les pavés de l’Histoire. Mais la Cité ne brille pas par ses boutiques de “souvenirs” made… in China. Eblouis par la renommée qui se diffuse derrière ses illustres remparts, ses dix millions de touristes annuels ont toutefois la possibilité de pousser la porte de la Coopérative artisanale de la Cité,  le Vieux Lavoir, rue du Plô, l’une des principales artères. La scop, qui se revendique comme la plus vieille de France, risque de disparaître. Explications.

Les gérants de la Coopérative artisanale de la Cité multiplient les SOS. Ils viennent d’en appeler à Mme Chésa, première adjointe de la commune, à Carole Delga, présidente de la région Occitanie, à la présidente des ateliers d’art de France et réclame un rendez-vous au maire. Et de lancer une pétition sur Facebook. “On n’hésitera pas en appeler jusqu’au président Macron”, confie un artisan. Pas question de demander une subvention. Mais juste de continuer à exister et proposer cet artisanat authentique, le “seul de la cité”.

1 euro symbolique de loyer mensuel

Poterie, verre, textile, bijoux… La Coopérative exploite un local idéalement placé et le loue pour 1 euro symbolique par mois depuis 1980 auprès de la Chambre des métiers de l’Aude à qui la commune a mis à disposition ce local dit du Vieux Lavoir de 100 m2. Alors qu’une telle location se loue plusieurs milliers d’euros par mois dans le privé. Une situation extraordinaire que la Chambre veut revoir. Celle-ci a informé par courrier les coopérateurs pour récupérer le magasin à partir du 1er octobre prochain.

La coopérative abrite 36 artisans d’art. Photo : DR.

“On veut nous évincer sans véritable raison. Chacun d’entre-nous produit des choses de qualité ; que ce soient des sacs en cuir, des sculptures en métal, etc. On ne comprend pas”, fulmine Jean Napolier, l’un des coopérateurs, qui craint de perdre cette magnifique vitrine quasiment gratuite. Et de devoir licencier la vendeuse permanente et de ne plus recourir aux deux personnes en plus pour l’été, période d’affluence. “Les artisans d’art ont du mal à trouver un débouché à leurs produits. Rester dans leur atelier n’est pas la meilleure des solutions. Faire les foires, s’installer dans un hall d’expos, se déplacer coûte cher. Trouver un débouché de ce genre avec un important flux de touristes est donc très important“, signifie un artisan.

Trop d’artisans ne sont pas d’Occitanie

Contacté, le directeur de la chambre des métiers, Philippe Caussegal, explique : “La convention d’origine n’a pas été respectée. On leur a demandé de fournir le bilan comptable chaque année. En vain. On s’aperçoit qu’ils nous disent avoir réalisé un chiffre d’affaires de 200 000 euros annuels. Mais, ils n’en déclarent que 74 000 euros. On aimerait comprendre.” D’autre part, la chambre des métiers affirme que trop d’artisans ne sont pas d’Occitanie et qu’une minorité d’artisans sont de l’Aude. Or, nous voulons promouvoir, et c’est logique, en priorité nos artisans.”

Le président de la chambre, élu le 10 novembre 2016, veut mettre en place un comité de sélection “le plus transparent possible”. “Il n’y a aucune dimension politique dans ce dossier, précise Philippe Caussegal. Si les artisans de l’actuelle coopérative veulent candidater, ils pourront le faire. Dernier argument : “Sur 100 euros de chiffre d’affaires, les artisans en prennent 40 euros ; ça nous paraît beaucoup...” Des arguments repris par Olivier Berlioux, le directeur de cabinet du maire de Carcassonne qui ajoute : “Il y a aussi de la part du président de la chambre des métiers de l’Aude une volonté de faire fonctionner son institution différemment. Et, dans ce cas précis, de privilégier les artisans locaux et régionaux.”

“Un lieu unique à Carcassonne”

La gérante de la coopérative, Dominique Davouard, reconnaît qu’en effet “dix des trente-six artisans d’art de la coopérative ne sont pas de la région. Mais ils sont prêts à en partir”. Elle s’insurge également : “Nous fournissons nos comptes depuis 2010, comme demandé. Avant, on ne savait même pas qu’il fallait les fournir.” Quant au chiffre d’affaires, Dominique Davouard annonce 255 000 euros pour 2016 dont 77 000 euros pour le fonctionnement et donc 178000 pour les 36 artisans, ce qui est honorable.” Et d’ajouter : “De ce que l’on sait, la chambre des métiers projette dans ce local de faire des animations et des expos éphémères. Sauf que ça ne colle pas avec la population quasiment exclusivement composée de touristes… Si on n’arrive pas à être entendus, ce sera un gâchis car on est les seuls à ne pas vendre des produits fabriqués en Chine… C’est un lieu unique qui plus est à Carcassonne.”

Olivier SCHLAMA