Canal du midi : berges et paysages seront classés

Photo VNF/DTSO

Feu vert pour protéger les abords de cet emblème de la nouvelle région, déjà classé à l’Unesco et visité par plus de 2,5 millions de touristes chaque année.

Il y avait l’engeance du chancre coloré, champignon microscopique qui flingue ses dizaines de milliers de platanes et son envoûtante voûte végétale unique au monde. Le Canal du Midi doit faire face à une autre menace. L’Unesco réclame aux pouvoirs publics de classer et donc protéger les abords de ce joyau de 220 km de long que l’on doit à Pierre-Paul Riquet, il y a 350 ans, à l’époque bénie du Roi Soleil, reliant Toulouse à Sète. Curieusement, le site est classé au patrimoine mondial de l’humanité depuis 1996 mais seuls quelques ouvrages d’art remarquables sont classés monuments historiques par la France qui a donc bizarrement oublié de le classer dans son intégralité.

Dans un délai de deux ans

La procédure de classement au titre dit des « sites » des paysages du Canal du Midi – ses paysages et ses abords – est longue et complexe. Et le sujet passionnel. Le canal est ponctué certes d’écluses uniques au monde mais aussi de zones commerciales. Malgré la fronde de certains maires notamment, un premier pas important vient d’être franchi. Le 24 février, la commission nationale dite des sites a donné son feu vert au lancement de la procédure de classement.
En clair, l’Etat français se met en conformité avec l’Unesco considérant que la sinuosité de l’ouvrage, ses courbes à nulles autres pareilles, ses vignes si caractéristiques qui la bordent sont exceptionnelles. L’Unesco demande des garanties de protection depuis longtemps. Et l’Etat français s’y était engagé depuis… 2006. Et pour cela, il est nécessaire selon la commission nationale des sites (une émanation du ministère de l’Environnement) de sanctuariser ses abords à moins de 250 mètres du canal pour 53% de la superficie concernée et à moins de 500 mètres pour 83% de la superficie concernée. Une zone tampon comme garantie.

« Quant aux grands espaces dégagés nous irons au-delà de 500 mètres. Nous avons pris en compte 60 demandes d’adaptation, souligne Marie-Thérèse Delaunay, sous-préfète. Chargée de ce dossier sensible depuis Toulouse, elle insiste que « les agriculteurs continueront à pouvoir bosser dans les mêmes conditions ; que des extensions d’exploitations seront même envisageables… »

Elle explique qu’elle « n’aboutira de toutes façons pas avant un délai de deux ans ; le Conseil d’Etat doit instruire le dossier et le prochain ministre de l’Environnement devra signer un décret. » De quoi faire émerger une adhésion. Car, par ailleurs, l’Unesco a d’autres exigences : « Ma mission est également d’élaborer un plan de gestion à 20 ans avec des actions à 5 ans, confie encore Marie-Thérèse Delaunay. Il faut montrer à l’Unesco que la France fait des choses pour protéger et mettre en valeur le Canal du Midi. Il faudra aussi régler la « gouvernance ». L’établissement public Voies navigable de France (VNF) ne serait plus seul aux manettes : les collectivités y seraient associées. D’où l’indispensable consensus à trouver pour savoir comment le tourisme et les activités économiques en général peuvent s’y épanouir sans dénaturer ce site exceptionnel. D’ailleurs, l’Unesco a une autre exigence expresse : la création d’une charte environnementale.

Calmer la colère des élus

Ce chemin vers un classement des berges a subi de nombreuses avanies. La commission des sites aurait dû se prononcer il y an mais Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie, avait obtenu de Ségolène Royal, la ministre de tutelle (l’Environnement), un délai pour tenter de calmer la colère de certains élus locaux qui craignaient qu’aucune nouvelle construction ne soit autorisée et dont elle a reçu une délégation à l’automne dernier. Une large concertation a pu avoir lieu, notamment en décembre 2016 et en janvier 2017, auprès de dizaines d’élus. Au final, les sages de la commission supérieure des sites préconisent de classer les abords dans les mêmes termes qu’évoqués le rapport du préfet de l’Aude en 2016.

En 2015, une première tentative de classement avait échoué face au refus du monde agricole et de certains des 90 maires de communes traversées. Les aménagements, y compris touristiques, y auraient été quasiment impossibles jusqu’à 2 km à la ronde. Après enquête publique, la commission d’enquête avait donné un avis défavorable en raison de la faiblesse de la concertation avec les agriculteurs justement et d’une absence de gouvernance.
L’enjeu de ce classement est majeur pour cette destination touristique de la Région. Le Canal du Midi est fréquenté par plus de 2,5 millions de touristes par an.

OLIVIER SCHLAMA