Bureaux du Coeur : Ouvrez vos locaux pour les sans abri !

Claude Chiron et Pierre-Yves Loaëc, deux entrepreneurs qui ont déjà proposé leurs locaux à des "invités". Photo : DR.

C’est possible ! L’idée est simple : adossée à des structures spécialistes de l’accueil des SDF, l’association en appelle à la générosité des chefs d’entreprises dont les locaux, la nuit et le week-end, sont vides, équipés et… chauffés. De quoi offrir sécurité et intimité. En Occitanie, plusieurs délégations existes dont celle très récente de Sète présidée par Annie Favier-Baron, présidente du CPIE.

Même la générosité, parfois, s’impose. C’est le cas pour Pierre-Yves Loaëc, pourtant davantage habitué à gérer une agence de communication à Nantes (Nobilito) qu’à jouer les anges-gardiens. Et pourtant… “Le déclic m’est venu d’abord en sortant d’un repas chez des amis qui hébergeaient un réfugié ; mais, pour moi, c’était une trop forte irruption dans mon intimité. Peu après, alors que je récupérais va voiture dans un parking, je suis tombé nez à nez avec une femme, SDF, qui dormait près d’une bouche d’aération pour avoir un peu de chaleur dans une nuit glaciale… Je me suis dis : il faut faire quelque chose…”

C’est comme cela qu’est née l’association nationale les Bureaux du Coeur, en 2019, moderne déclinaison d’une générosité collective. En résumé, tout chef d’entreprise qui le souhaite et qui a des locaux un minimum habitables – des toilettes, une douche…- peut en faire partie et héberger un SDF. Un seul.

Nous ne sommes pas des spécialistes de la question mais on peut faire quelque chose à notre niveau pour améliorer les choses…”

Pierre-Yves Loaëc
Souleymane Diarra, l’un des “invités” de Pierre-Yves Loaëc. DR.

Pierre-Yves Loaëc explore plus avant la philosophie : “Nous ne sommes pas des spécialistes de la question mais on peut faire quelque chose à notre niveau pour améliorer les choses. On a consulté des juristes. On a contacté des associations spécialisées, car ce sont elles qui déterminent quelle personne on peut héberger.” Il fallait en effet des garde-fous. Les personnes en grande précarité développent souvent des pathologies, y compris psychiques.

“Au final, quand on raye la possibilité d’héberger les SDF avec animaux, enfants ou ayant une maladie, il reste peut de gens à héberger mais cette minorité, nous lui donnons une chance supplémentaire de se réinsérer. Nous ne résoudrons pas la question des personnes à la rue en France, c’est certain, mais on apporte notre pierre à l’édifice.”

Moyennant quelques petits aménagements, on peut facilement offrir deux choses primordiales aux sans abri : la sécurité et l’intimité”

Le fondateur souligne : “On est parti du principe que de très nombreuses entreprises sont vides dès la fin d’après-midi. Leurs locaux sont chauffés. Moyennant quelques petits aménagements, on peut facilement offrir deux choses primordiales aux sans abri : la sécurité et l’intimité.” Tout commence donc par une intention.

Mais celle-ci ne serait rien aujourd’hui sans sa mise en oeuvre plurielle. Sans l’énergie collective. Certes, Pierre-Yves Loaëc fut président du CJD (Centre des jeunes dirigeants) de Nantes, ça aide. Certes, les salariés ont accepté. Mais il a surtout fallu lancer des passerelles avec le monde du social dans un pays où tout fonctionne en silos, en cloisons étanches.

“Avec notre culture d’entrepreneurs, nous balayé toutes les questions juridiques et liées à l’assurance…”

Il ajoute : “Avec notre culture d’entrepreneurs, nous avons essayé de balayer toutes les questions juridiques et liées à l’assurance, comment embarquer nos collaborateurs dans l’aventure, interagir avec les associations partenaires, etc.”

A ce jour, l’association compte une vingtaine “d’invités” dans la quinzaine d’entreprises pionnières, essentiellement à Nantes. L’installation de ses délégations un peu partout en France ne date que de quelques semaines. Autre argument : En outre, l’impact des Bureaux du Cœur est facile à mesurer. Un lit d’urgence représente un coût de 10 000 € par an à la collectivité”, souligne Pierre-Yves Loaëc.

Il dit : “Nous voulons que ces sans abris retrouvent un avenir radieux ; qu’ils aient la possibilité de reprendre contacts avec leur proche, avec la vie. On ne recrée pas des centres d’hébergement.” Mais cela crée des conditions favorables à une possible réinsertion, un sas, celui des possibles.

Par ces temps par trop covidés, abattre les cloisons et porter haut et fort cette générosité auprès des grands syndicats patronaux, pas facile. Pas facile non plus de convaincre le monde du social de participer à l’aventure. En attendant, l’association se structure. “On a ouvert des délégations à Lille, Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Cholet, Nantes, Bordeaux et très récemment Sète-Montpellier”, précise le fondateur des Bureaux du Coeur.

Nos locaux à Frontignan pourraient servir à abriter un sans domicile fixe les week-ends et le soir : c’est une ancienne maison avec toutes les commodités, salle de bains, cuisine, etc.”

Annie Favier-Baron, présidente de la délégation de Sète

La générosité se déploie : “En quelques mois, j’ai vu mes collaborateurs aider nos “invités”, pointe Pierre-Yves Loaëc, c’est comme cela que nous appelons les personnes que nous hébergeons, à refaire leur CV, leur donner un smartphone inutilisé, demander des nouvelles, proposer d’apporter de la nourriture ou des attestations pendant le confinement. Je ne leur ai pourtant rien demandé. L’une des plus belles surprises de cette initiative, c’est l’engagement spontané des collaborateurs auprès des “invités”…”

“Pas compliqué d’aider…”

Annie Favier-Baron est la toute nouvelle présidente de la délégation de Sète-Bassin de Thau (1). Elle dit : “L’idée m’est venue naturellement. Comme présidente du CPIE du Bassin de Thau (qui mène des actions en faveur de l’environnement, Ndlr), nous avons des locaux à Frontignan qui pourraient servir à abriter un sans domicile fixe les week-ends et le soir : c’est une ancienne maison avec toutes les commodités, salle de bains, cuisine, etc. Cela ne me semble pas si compliqué que cela d’aider quelqu’un dans le besoin. Nous avons donc organisé une réunion avec le SUS (Solidarité urgence sétoise) qui doit valider l’idée lors d’un tout prochain conseil d’administration, début mai.”

Cette offre d’hébergement complémentaire s’adresse aux travailleurs précaires en attente d’un HLM, par exemple. “Les conditions sont strictes : il faut qu’il soit célibataire, qu’il n’ait pas de garde d’enfant ni d’animaux, précise Annie Favier Baron. La période est de trois mois renouvelables. Cela permet de pallier le manque de places d’accueil…” Et de participer à sa réinsertion : “L’idée n’est pas que le sans abri arrive quand tout les salariés sont partis et repartent quand ils arrivent le matin. C’est aussi de passer un peu de temps avec lui, lui offrir un café. Et pourquoi pas de l’aider à faire un CV…”

Car lorsque les salariés reprennent le travail, “l’invité” va, lui, effectuer des activités avec l’association partenaire : chercher du travail, rédiger un CV, suivre des cours de langue, travailler sur son projet de vie. Pour que la générosité s’impose.

Olivier SCHLAMA

  • (1) Pour les chefs d’entreprise de la zone de Sète et Montpellier intéressés, vous pouvez contacter Annie Favier-Baron : delegation34@bureauxducoeur.org
  • 4 100 000 de personnes mal logées en France, dont 300 000 personnes sont sans domicile et 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Les généreux sont sur Dis-Leur !