Méditerranée : Trop de zones clés menacées par l’homme et le réchauffement

Une étude menée par le Muséum d’histoire naturelle et la Tour du Valat, en Camargue, pointe l’urgence et préconise notamment la création de nouvelles aires protégées dans certains sites soumis à la pression de l’homme et du réchauffement climatique.

Il y a urgence. Une équipe de scientifiques coordonnée par l’Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes de la Tour du Valat, basée au Sambuc, en Camargue, et le Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco, Muséum national d’histoire naturelle, CNRS, Sorbonne université) publie de nouveaux résultats en lien avec le changement climatique et l’usage des terres (urbanisation, transformation des terres et milieux agricoles) dans le futur, une combinaison qui menace ce que l’on appelle les zones clés pour la biodiversité à l’échelle du bassin méditerranéen Quelque 16 000 ont été identifiées à ce jour dans le monde dont un millier de sites en Méditerranée, dont la Camargue et les Alpilles.

La biodiversité s’est effondrée en Méditerranée

Que démontrent les résultats de cette étude inédite, à lire ICI ? Que le réseau des zones clés pour la biodiversité est à la fois “trop peu protégé et fortement menacé par les activités humaines et le réchauffement climatique”, résume Fabien Verniest, scientifique du Centre d’écologie des sciences de la conservation du muséum d’histoire naturelle. De quoi réclamer des mesures de protection fortes. Boilà en substance ce que cette étude affirme dans la revue scientifique Conservation Science and Practice. Alors même que la Tour du Valat avait montré que, en trente ans, la biodiversité s’est “effondrée” en Méditerranée, à lire ICI.

Des sites à intérêt particulier pour certaines espèces

Les zones clés sont des sites où il y a un intérêt particulier pour certaines espèces, par exemple. Comme nous l’expliquait Jean Jalbert, président de la Tour du Valat à propos du Flamant rose qui interroge le vivant, à lire ICI. Ou qui sont particulièrement exceptionnelles mais qui ne dont pas encore l’objet de mesures de conservation ni de protection. Comme la Camargue où il faut mieux protéger les oiseaux d’eau, l’avifaune, en hiver (canards, oies, cygnes) ; ou sur certains vertébrés. Ou encore les Alpilles. L’objectif ultime de toutes ces zones serait de toutes les protéger. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Fabien Verniest livre son analyse : “On a donc étudié comment ces zones clés pour la Méditerranée sont menacées par le réchauffement climatique er d’usage des terres. Non seulement ces zones clés sont menacées mais elles le sont davantage que des zones qui ne sont pas primordiales pour la biodiversité. Et c’est dans les pays où il y a le moins d’effort de protection que ces zones clés sont les plus menacées…” “Ces sites-clés sont même davantage menacés que des sites à moindre enjeu de biodiversité. Ce qui renforce l’urgence de mettre en place des mesures de protection sur ces sites-clés”, appuie Fabien Verniest.

Objectif de 30% du Globe protégée d’ici 2030

D’autant que la communauté internationale se fixe des objectifs très ambitieux à court terme. “Les activités humaines sont à l’origine du changement climatique et de la dégradation des milieux naturels qui conduisent à la 6e grande crise planétaire d’extinction des espèces”, rappelle la Tour du Valat qui a missionné un doctorant sur cette étude, Fabien Verniest. Or, la création de nouvelles aires protégées est l’un des leviers les plus efficaces pour réduire leur impact sur la biodiversité.

Et l’objectif de 30 % de la surface terrestre et marine du globe protégée d’ici 2030, en cours de négociation par les Nations-Unies, représente ainsi “une formidable opportunité pour mieux conserver la biodiversité”. Comme au Proche-Orient. Ou en Turquie, à la confluence entre trois spots de biodiversité très riches mais dans ces pays l’effort de protection est bien moindre qu’en France.

Le problème, c’est que la création d’aires protégées a souvent concerné en priorité des espaces peu accessibles aux humains et à faible intérêt économique, plutôt que les sites les plus importants pour la biodiversité tels que les zones clés pour la biodiversité, des sites reconnus internationalement comme d’enjeu majeur pour la conservation de la biodiversité.

Dans cette étude, les chercheurs ont donc évalué pour la première fois les futurs changements climatiques et d’usage des terres sur les zones clés pour la biodiversité afin d’identifier les sites les plus menacés et, le cas échéant, à protéger en priorité. Ce travail de hiérarchisation des sites à enjeu s’est appuyé sur des projections climatiques et d’usage des terres pour la fin du XXIème siècle selon les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) les plus récents. Les auteurs se sont concentrés sur la région méditerranéenne (29 pays), un point chaud mondial de biodiversité mais aussi une des régions les plus menacées par les pressions humaines.

Les zones à enjeu majeur pour la conservation de la biodiversité fortement menacées d’ici la fin du siècle

L’équipe de recherche a mis en évidence que les zones clés pour la biodiversité sont plus menacées par les changements à venir du climat et d’usage des terres que les sites à moindre enjeu pour la biodiversité en Méditerranée, et ce, quel que soit le scénario futur envisagé. D’autre part, les régions qui seront fortement impactées par le changement climatique ne sont généralement pas les mêmes que celles qui sont menacées par les changements futurs d’usage des terres, d’où l’intérêt de tenir compte de ces deux pressions lors de la planification de nouvelles aires protégées. Enfin, non seulement les zones clés pour la biodiversité sont trop peu protégées en Méditerranée, mais en plus les sites les plus menacés sont situés dans les pays où leur protection fait le plus défaut. La Turquie, par exemple, abrite ainsi un grand nombre des sites à enjeu pour la biodiversité non protégés les plus menacés.

Ces résultats soulignent l’urgence d’étendre le réseau méditerranéen d’aires protégées. Ces mesures de protection doivent concerner en priorité les pays du Maghreb et du Proche-Orient, dont les sites d’importance pour la biodiversité sont à la fois les plus menacés et les moins protégés, en s’assurant que les moyens humains et financiers nécessaires à l’application de cette protection soient mobilisés.

Olivier SCHLAMA

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