Biodiversité : Lengguru, le monde oublié aux mille et un secrets

Lengguru 2014 : navigation sur les lacs endorŽiques. Ici, le dernier lac visitŽ, Uwabutu.

Ne ratez pas le film et le débat à Montpellier jeudi prochain ni celui prévu en avril à Toulouse autour de Lengguru ! C’est un site exceptionnel qui s’est développé en totale autarcie pendant 11 millions d’années et que des scientifiques Montpelliérains ont commencé à explorer en 2014 et 2017. Le massif, qui n’a pas d’équivalent au monde en terme de biodiversité, recèle des richesses extraordinaires.

Alanguie Lengguru… En Papouasie, on a exploré en 2014 un massif, sur l’île de Nouvelle-Guinée, une butte témoin de l’histoire isolée depuis des millions d’années : Lengguru. Une mini-terre qui a conservé ses propres espèces et ses propres secrets. Ce monde perdu fascine les scientifiques. L’exploration, dans des conditions difficiles, des eaux sous-marines, lacustres, fluviales et souterraines, menée ensemble par des spécialistes français et indonésiens, révèle les secrets des mystérieuses espèces aquatiques découvertes…. Une plongée fascinante dans un écosystème hors du commun. Ce monde oublié, il ne faut pas oublier. C’est le but d’un café & vidéo du CNRS à Montpellier avec projection d’un film ce jeudi 4 avril à 13 heures et d’une conférence à Toulouse (1).

Au coeur de la nuit, le travail continue : des collectes d’insectes ou de batraciens à la poursuite des crocodiles, une partie du travail s’effectue dans l’obscurité…

Une expédition scientifique en 2014 puis une seconde en 2017 ont commencé à percer les secrets de cette région indonésienne totalement isolée et dont faune et flore se sont développée en autarcie et à l’écart des hommes. C’est devenu une usine à espèces inconnues. À remonter l’échelle du temps. Une fabrique de reliques animales vieilles de dix millions d’années. Ce laboratoire du vivant est la promesse d’un bond en avant scientifique. Perdu dans les brumes lointaines, le massif de Lengguru est d’une beauté hypnotique. Une terre oubliée que l’on ne peut plus oublier. (ICI, un aperçu)

Ce joyau de la biodiversité mondiale affiche un taux d’endémisme extraordinaire de 60 %. Déjà 553 espèces de coraux et 1 450 espèces de poissons y ont été relevées dans une zone unique baptisée le Triangle de Corail.

C’est une plongée dans un écosystème hors-norme : le massif karstique de Lengguru. Issu de la violente collision des plaques tectoniques, il a surgi il y a 11 millions d’années, dressant des barrières infranchissables. Les plaques ont même fermé des lacs, où se sont développés des écosystèmes uniques.

Durant la seconde phase de l’expédition, le lac Sewiki et ses environs (grottes, mangroves, montagnes..) constitua pour les équipes terrestres le coeur des programmes. Sur les campements reculés, les équipes mixtes (hornithologie, botanique, herpetologie…) cohabitent pendant plusieurs jours en autonomie quasi parfaite….

La topologie a accentué ce phénomène d’isolement et de stratégie d’adaptation forcée. De nombreuses espèces y ont évolué coupées du monde. “Lengguru n’a pas d’équivalent sur Terre”, rappelleront lors d’une conférence ce jeudi 4 avril Régis Hocdé, ingénieur de recherches IRD, et Laurent Pouyaud, ichtyologue à l’IRD (spécialiste des poissons à l’Institut de recherche et de développement) de Montpellier qui a piloté ces expéditions uniques. En six semaines, en 2014, une cinquantaine d’espèces nouvelles ont été découvertes. Des centaines le seront forcément dans ce gigantesque livre ouvert de l’évolution. Et pourront pour certaines fournir des molécules salvatrices pour la santé.

Grande comme deux fois la Corse (quatre fois si l’on compte l’environnement maritime), nichée en Papouasie occidentale, au coeur de l’archipel indonésien, elle n’a jamais été ni foulée ni fouillée par l’homme. Et pour cause. Ce joyau de la biodiversité mondiale affiche un taux d’endémisme extraordinaire de 60 %. Déjà 553 espèces de coraux et 1 450 espèces de poissons y ont été relevées dans une zone unique baptisée le Triangle de Corail.

Lengguru n’a pas d’équivalent sur Terre”

Des dauphins uniques au monde. Photo : IRD.

Tout aussi ébouriffant. Outre la richesse halieutique, d’espèces, de formes et de couleurs, nanisme et gigantisme cohabitent. “On y trouve les hippocampes de 1 cm, les plus petits au monde, et aussi des espèces gigantesques, comme le requin-baleine. Cette espèce-là ne sillonne pas les océans comme ses congénères migrateurs mais vit sur place. Elle est devenue opportuniste se nourrissant des poissons attirés par les lamparos des pêcheurs traditionnels.

C’est Total qui a donné un coup de projecteur sur Lengguru en y cherchant, en vain, de l’or noir. Heureusement que le pétrolier ne l’a pas trouvé. Les scientifiques plaident pour que ce monde perdu le reste en le faisant labelliser patrimoine mondial à l’Unesco. L’enjeu est majeur dans un pays qui n’a pas hésité à déforester pour exploiter industriellement des plantations de fameux palmiers à huile. Le sous-sol détient aussi des trésors. Les industriels de la santé espèrent y dénicher des molécules prometteuses.

Longtemps ce territoire inhospitalier a été interdit

Plongeurs scientifiques en recycleur circuit fermŽ (CCR) effectuant des prŽlvements – ExpŽdition Lengguru 2014 – Papouasie occidentale – IndonŽsie

Deux raisons expliquent son exceptionnelle conservation à l’état sauvage. L’une est politique : longtemps ce fut un territoire interdit par le gouvernement. La seconde raison est géologique. C’est un massif calcaire parfaitement inhospitalier qui a émergé il y a dix millions d’années sous la poussée de plaques tectoniques. Forteresse imprenable, Lengguru fourmille de reliefs karstiques (roches sédimentaires sensibles à la dissolution) culminant à 1 500 mètres eux-mêmes noyés dans une végétation impétrable, luxuriante ; de “plis” formant un accordéon de pierre infranchissable.

L’ensemble est entrecoupé de vallées profondes, de canyons, de lacs perdus, de fonds marins majestueux et de grottes mystérieuses. Avec des microclimats partout, parfois même entre deux vallées voisines. Résultat, cette région possède une mosaïque d’écosystèmes uniques au monde. Ainsi piégées sur terre et en mer, de nombreuses espèces qui y vivent sont devenues des championnes de l’évolution après s’être développées en vase clos.

Olivier SCHLAMA

  • Explorateurs. Laurent Pouyaud est chargé de recherches IRD au sein de l’Institut des sciences de l’évolution à Montpellier (ISEM). Il étudie, en étroite relation avec des chercheurs indonésiens, la diversité des espèces d’Asie du Sud-Est (en particulier les poissons) et leurs histoires évolutives depuis des millions d’années grâce aux outils de biologie moléculaire. Régis Hocdé est ingénieur de recherches IRD au laboratoire Biodiversité marine, exploitation et conservation (MARBEC). Il réalise des missions de suivis, de traitement et d’analyse de données en particulier dans le domaine de la biodiversité marine notamment en Indonésie et dans le Pacifique Sud.
  • (1) Entrée libre sur inscription obligatoire (sur : www.cnrs.fr/languedoc-roussillon) : attention seulement 150 places ! Lieu : CNRS, 1919 route de Mende à Montpellier | amphithéâtre de la délégation régionale du CNRS Accès : Tramway ligne 1 direction Mosson, arrêt St Eloi | bus ligne 22 direction Clapiers-Jacou, arrêt CNRS ou navette arrêt Vert-Bois. Le café est offert avant la séance.