BD : Pour tout savoir (enfin… presque !) sur le 39e album d’Asterix

www;asterix.com © 2021 ES EDITIONS ALBERT-RENE - Les aventures d'Asterix sont une création de René Goscinny et Albert Uderzo

C’est la cinquième réalisation pour le duo Ferri-Conrad, mais le 39e album des aventures d’Asterix le Gaulois ! Soixante après la sortie du premier album de la série, c’est donc un événement national (et même international *) qui aura lieu le 21 octobre prochain. Fidèles à leur habitude, les éditions Albert-René viennent de dévoiler le titre du prochain abum : Asterix et le Griffon.

Tout a commencé avec un dessin que Didier Conrad a fait parvenir aux Éditions Albert-René : Un dessin plutôt étrange et mystérieux. Celui-ci montre nos deux héros –créés il y a plus de 60 ans par les géniaux René Goscinny et Albert Uderzo– grimpant le long d’un grand tronc d’arbre pour tenter de récupérer Idéfix qui semble vouloir leur échapper… Le petit chien gaulois chercherait-il à s’émanciper ?

Jean-Yves Ferri : de la Tarasque au Griffon

www;asterix.com © 2021 ES EDITIONS ALBERT-RENE – Les aventures d’Asterix sont une création de René Goscinny et Albert Uderzo

Ce tronc est singulier car il est sculpté à l’effigie d’une creature bien enigmatique –idolâtrée ou crainte par les peuples de l’Antiquité– dotée de crocs impressionnant et d’un terrible bec de rapace…

Le scénariste Jean-Yves Ferri (installé depuis plusieurs années en Ariège, non loin de Foix) nous en dit un peu plus : “Pour ma part, concernant le nouvel album Astérix et le Griffon, tout est parti d’une représentation sculptée de la Tarasque : un animal terrifi ant des légendes celtiques… Nos ancêtres croyaient-ils vraiment en l’existence réelle de ces monstres bizarres ?”

“Il faut dire, poursuit le scénariste, que dans l’Antiquité romaine, les explorateurs étaient rares et que la terra restait en grande partie incognita. Cependant, éléphants ou rhinocéros, animaux extraordinaires, avaient déjà été montrés à Rome. Dès lors, pourquoi les romains auraient-ils douté de l’existence de créatures tout aussi improbables ? Certaines, méduse, centaure, gorgone…, n’avaient-elles pas été décrites très sérieusement, avant eux, par les anciens grecs ?”

Dans le bestiaire mythologique, restait à choisir l’animal qui serait au centre de l’intrigue. Jean-Yves Ferri a vite décidé : “Mi-aigle, mi-lion et oreilles de cheval, énigmatique à souhait, j’ai opté pour le Griffon ! Les Romains allaient marcher, c’est sûr. Mais les Gaulois ? Comment Astérix, Obélix et Idéfix, accompagnés du druide
Panoramix, allaient-ils être entraînés dans la quête épique et semée d’embûches de cet animal fantastique ? C’est ce que vous saurez en lisant l’album. Je ne vais pas non plus faire comme la déesse Wikipédia et tout vous raconter…”

La fidélité au chemin tracé par Goscinny et Uderzo

L’annonce de ce nouvel album arrive un an après la disparition d’Albert Uderzo. À cette occasion, Jean-Yves et Didier déclarent : “Albert nous a fait confi ance pour respecter les valeurs des personnages qu’il a créés avec René Goscinny en leur faisant vivre de nouvelles aventures. C’est avec beaucoup d’émotion que nous poursuivons en son absence la mission qu’il nous a confi ée avec ce nouvel album dont nous espérons qu’il fera la joie des lecteurs.”

Ph.-M.

(*) Asterix en chiffres : Plus de 385 millions d’albums de bande dessinée vendus. le dernier album vendu à plus de 5 millions d’exemplaires dans le monde soit plus de 20 millions de lecteurs. Des aventures traduites en 111 langues et dialectes. 14 fi lms, vus par plus de 11,5 millions de spectateurs. Un parc à thème près de Paris accueillant plus de 2 millions de visiteurs chaque année. Une sortie simultanée de l’album en 17 langues !

Le Griffon dans l’antiquité :

Hélène Bouillon, conservatrice au Louvre-Lens et docteur en égyptologie. Spécialiste des relations entre l’Egypte et Proche-Orient antiques, elle est actuellement co-commissaire de l’expo Les Tables de pouvoir et prépare un projet autour des animaux fantastiques…

A quoi ressemble un Griffon ? Où retrouve-t-on ses premières traces ?

Le Griffon est une créature mythologique entourée de mystère. Et cela fait 5000 ans que ça dure ! Il a le corps d’un lion, possède des serres, des ailes et un bec de rapace. Ses premières traces ont été découvertes en Iran, imprimées dans l’argile : des impressions de sceaux datant d’environ 3500 av. J.-C. En l’absence de textes mythologiques, personne ne connaît la signifi cation exacte de ces images, mais on sait qu’elles circulent car à peu près à la même époque, des lions ailés à tête d’aigles sont aussi représentés en Egypte, sur des palettes à fard sculptées. Les spécialistes pensent – sans certitude – qu’à cette époque le Griffon représente les forces brutes de la nature car on le retrouve défi lant avec d’autres animaux, soit sauvages (lions, taureaux) soit fantastiques (créatures miserpent, mi-panthères).

Au IIe millénaire avant J.-C., les images du griffon apparaissent au Levant, en Anatolie et à Chypre notamment sur des plaquettes d’ivoire sculptées décorant les trônes et les lits royaux, où on le retrouve en position assise, les ailes désormais déployées, et parés d’une houppette. À la même période, il voyage au gré des échanges commerciaux sur les bateaux cananéens (côtes palestiniennes, syriennes et libanaises), puis au Ier millénaires avant J.-C. avec les Phéniciens et Grecs, ainsi qu’aux alentours de la Mer Noire où il décore les armes et le mobilier des peuples nomades comme les Scythes. Pour les Grecs, les Griffons sont les gardiens des trésors d’Appolon et de Dionysos. A la même époque il est utilisé comme décor de palais chez les Perses achemenides. On le retrouve aussi sur les trônes et la vaisselle de luxe des Phrygiens et des Lydiens en Anatolie.

Quel est son rôle dans la mythologie, sa symbolique ?

La symbolique du griffon a évolué au gré de ses voyages et de son adoption par des peuples aux civilisations très différentes. Il symbolise à la fois la force (son corps de lion), la vigilance (les yeux perçants de l’aigle) et la férocité (les serres et le bec pointu du rapace). Chez les Egyptiens, il symbolise le roi victorieux, les archéologues l’ont essentiellement retrouvé dans des endroits liés à la sphère royale, à savoir des temples jouxtant les pyramides du IIIe millénaire av. J.-C. Les pectoraux (bijoux en or) du début du IIe millénaire av. J.-C., représentent également le roi sous la forme d’un Griffon massacrant les étrangers. C’est finalement du grec que vient notre mot Griffon (Ve siècle av. J.-C.) qui signifie “le griffu / le crochu.”

Sous quelle forme peut-on le rencontrer, après l’antiquité ? quel est son héritage dans l’art et l’histoire moderne ?

Ce qui est intéressant, c’est que dès les premières traces repérées en Iran, le Griffon a toujours la même tête, mais au fur et à mesure de ses pérégrinations, il a tendance à changer de coiffure. Au Ier millénaire avant J.-C., le Griffon se pare ainsi d’oreilles pointues, à l’instar des démons mésopotamiens. C’est toujours ainsi qu’il est représenté, dans les Bestiaires du Moyen-Âge. À cette époque et à la Renaissance, il apparaît sur des quelques blasons. Dans des récits de voyages tels ceux de Marco Polo, il est écrit que d’énormes Griffons ont été repérés en Inde et en Ethiopie et qu’ils pourraient soulever des éléphants dans leurs serres pour les lâcher ensuite sur le sol avant de les dévorer. Le point commun entre toutes ces légendes est donc que le Griffon est un animal mythologique fort et dangereux, craint et respecté.

Quant à la statue de Griffon représentée dans le visuel pour Astérix et le Griffon, il colle parfaitement à sa représentation au premier millénaire, adoptée par les Grecs et tous les peuples autour de la Méditerranée jusqu’à nos jours, puisqu’il a hérité des petites oreilles pointues. Et, surprise ! : il semble que nous soyons ici confrontés à la plus grande représentation sculptée connue du Griffon !

D’un album à l’autre…